Le porno est-il simplement masturbatoire ?

Le porno est-il simplement masturbatoire ?

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À la sortie des premières projections des court-métrages sélectionnés pour la compétition internationale de cette 4ème Fête du Slip, une question brûlante... "Pourquoi regarder du porno si ce n’est pas pour se branler ?". Réflexions personnelles autour de la place du porno dans l’intime.
NAKED, de Lucie Bush / © Fête du Slip
NAKED, de Lucie Bush / © Fête du Slip

À l’aube d’une réflexion, on peut penser à la pornographie comme un objet de grande consommation utilisé dans un moment intime de recherche d’excitation. Des images qui stimulent suffisamment pour faire changer une personne d’état, en quelques secondes. Le porno peut ainsi prendre le rôle d’exutoire. Il permet aussi d’explorer des mondes inaccessibles, souvent furieusement stéréotypés dans la production pornographique mainstream.

Le point de vue des scientifiques

Selon un article d’Allen et al., paru en 1995, la pornographie est définie comme du “matériel conçu pour créer une excitation sexuelle chez le receveur”. Pour expliquer la consommation, les chercheurs Emmers-Sommer & Burns nomment la recherche d’une satisfaction sexuelle, la masturbation, l’ennui ou le désir d’apprendre de nouvelles positions.

D’après mes recherches dans les bases de données spécialisées (Pubmed, PsychINFO et ERIC), l’usage du porno semble souvent être associé à une psychopathologie : addiction, agressions sexuelles, etc. Pour ma part, j’aurais souhaité obtenir des données concernant la consommation de porno, de manière neutre et sans biais.

Last Call, de Katy Bil / © Cum different, 2015
Last Call, de Katy Bil / © Cum different, 2015

En fouillant un peu, j’ai trouvé une enquête suédoise réalisée en 2003 (Svedin et al.) parmi des étudiants âgés de 18 ans. La question de recherche reste problématique puisqu’elle cherche notamment une corrélation entre l’usage fréquent du porno et des comportements à risque à la limite de la délinquance (vols, consommation de drogues, etc.). Ce qui m’intéresse plus, ce sont les chiffres récoltés auprès de ces 4300 adolescents suédois : fréquence, type de porno consommé, attitudes envers le porno et impact du porno dans la vie.

L’échantillon, à l’âge moyen de 18,3 ans, montre un fort contraste entre l’usage de la pornographie chez les filles et les garçons. Si 40% de ces derniers en regardent quotidiennement ou plus d’une fois par semaine, seules 1,7% des sujets féminins disent tenir ce rythme. D’ailleurs, elles sont près de 60% à n’avoir vu du porno qu’une seule fois ou juste une fois. Il y a bien sûr aussi des hommes qui trouvent peu d’intérêt à ce genre d’images : 2,2% n’en regardent jamais et 3,9% en ont vu juste une fois.

Les statistiques suivantes ne concernent donc que les sujets masculins (faute de données ?). À la question de ce qui est regardé : 96,9% des répondants regardent des vidéos straights, 67% regardent des vidéos qui mettent en scène plus de deux personnes, 52% matent des scènes avec deux acteurs du même sexe. 10% visionnent des vidéos de sexe associé à de la violence. Mais pourquoi regarder du porno ? Ce n’est pas cette enquête qui va nous l’apprendre, même si 65% des sujets masculins disent être excités par ce type de contenu.

S’interroger sur ses propres désirs

L'expérience de regarder du porno collectivement
L’expérience de regarder du porno collectivement

Quittons la Suède et revenons à nos moutons de la Fête du Slip et de sa compétition de films pornos. Si la sélection des courts-métrages est très inégale et très variée, elle a le mérite d’interroger. Si l’idée d’une masturbation collective est présente, ce n’est que sous sa forme intellectuelle : qu’est-ce qui nous fait vibrer ? Pourquoi cette scène si esthétique est simplement jolie, sans plus ? Qu’est-ce qui nous surprend ? Qu’est-ce qui nous fait détourner le regard ? Que voudra-t-on explorer de retour chez soi ? Qu’est-ce qui nous fait rire dans cette scène de sexe ?

Bref, au lieu d’aller droit au but en tapant un mot-clé dans un moteur de recherche de site spécialisé, la Fête du Slip permet de s’exposer à une diversité d’images qui interpellent dans leur résonance ou en l’absence de celle-ci. Je ne suis par contre pas convaincue du bien fondé d’une compétition de films porno, tellement le subjectif y est présent.

Cet article fait suite à une première réflexion menée l’année dernière à l’occasion de la Fête du Slip 2015.

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