«Tu as tu le goût de faire du couchsurfing? » Août 2007, Rue Marquette, Montréal. La question de Michael R., mon coloc’, claque dans l’air avec l’accent qui sent le pays des caribous et de la poutine. A cet instant précis, mon décodeur “ français québéquisé ” ne semble pas encore bien huilé (tabarnak!). Baignant dans mon ignorance suprême, je me risque alors à m’auto émettre une première hypothèse face à ce (nouveau) mystère langagier. Couchsurfing: surfer sur une couche…de neige ? Doper ses lattes dans la poudre immaculée des pistes du Mont-Tremblant ? Trêve de divagation de coton blanc ! Mon interlocuteur québécois évoque une histoire d’inscription sur un site Internet par son ex-blonde, des nuitées à l’appart’ de couchsurfeurs et surfeuses de toute l’Europe et des moments vraiment : écœurants*! Son monologue “ explicatif ” ne m’éclaire pas pour autant. Une fraction de seconde, je crois avoir emménagé avec un homme s’adonnant aux joies du libertinage ou de l’échangisme, des plaisirs de la chair en somme! Le couchsurfing se résumerait ainsi : une coucherie après avoir chatté, surfé sur le net…? Un peu gênée, très perplexe, mais désireuse d’apprendre sur cette “pratique”, j’interroge mon maître es couchsurfing. Après avoir jasé sur le sujet pendant de longues minutes, la version officielle tombe enfin.
Le couchsurfing n’est pas l’invention d’un compatriote de Garou, mais d’un Américain : Cassey Fenton. En 2004, ce dernier désire passer ses vacances en Islande. Sans logement, il lance alors des mails à plusieurs habitant(e)s de l’île. Sa technique est payante, il trouve divers gîtes proposés sans devoir ouvrir le porte-monnaie. De ce good trip, le jeune homme a l’idée de créer une plate-forme de rencontres pour les baroudeurs/euses du monde, dans le but de s’héberger mutuellement et gratuitement. Le couchsurfing ou surf de canapé est né! Le principe est simple: accueillir des aventuriers/ères ou simples touristes chez soi et bénéficier à son tour d’un toit et d’un lit (ou quelque chose qui y ressemble) chez un autre internaute, tout cela pour quelques soirs. Bref, le système du don et du contre-don à l’ami Marcel.
Il suffit de s’inscrire sur le site, fournir quelques infos perso basiques et décrire la moindre si l’on propose un lit à baldaquin dans un loft centre-ville de Genève ou un clic-clac dans un studio de Penthalaz ; dire également si l’on n’ouvre sa porte qu’à un/e voyageur/euse à la fois ou à toute une bande de potos. Par échanges de mails, on prend contact avec les futur(e)s hôtes avant de les rencontrer en live. Je vous vois venir, vous, individus éternellement méfiants, vous pensez que derrière la bomba latina ou le visage d’ange se cache la vieille en passe de ménopause ou le gros lourd aux blagues salaces. Pire, qu’on vous séquestre, qu’on vous prélève un rein pour un trafic d’organes ou qu’un type se « Fourniret » votre adresse pour venir vous…Certes, derrière les beaux emballages, le risque d’un produit ayant atteint la date de péremption n’est pas à exclure. Ma foi, il faut vivre dangereusement, qu’ils disent ! Et évitons cette tendance à la paranoïa, universelle et galopante, chaque fois qu’il faut affronter l’inconnu…(point de suspicion). Le site contrôle un minimum ses internautes et des commentaires, positifs et négatifs, peuvent être déposés sous le profil de l’hôte, ce qui peut influencer le choix des futur(e)s couchsurfeurs/euses. Ce principe est déjà bien rodé. Actuellement, il compte plus de 800’000 membres dans plus de 230 pays.
Les couchsurfeurs/euses ne se dénichent pas seulement Outre-Atlantique. Un petit tour sur le site officiel et quelques mails à des adeptes du “ surf sofas ” à Lausanne pour rencontrer deux d’entre eux. Pure coïncidence, mon duo d’interviewés sont étudiants étrangers en doctorat à l’EPFL, âgés de 27 ans et séjournant dans la capitale vaudoise depuis plus de deux ans. Venu d’Inde, Adil a découvert le couchsurfing une fois arrivé en Suisse, après avoir rencontré un collègue Lausannois, fan de ce phénomène. Quant à l’Allemand Yann Jérôme Michel Pascal – oui, c’est une même personne… mais on se contentera ici de l’appeler simplement Yann – le principe de squattage de canapés lui a été révélé dans un bar gay de New York (dans lequel il était arrivé par hasard). Son studio de Renens étant trop petit, Adil emmène à présent ses couchsurfeurs/euses dormir chez des amis possédant un appartement sur Lausanne, mais il cuisine des spécialités indiennes (j’ai testé, c’est délicieux) et propose des visites du type château de Chillon pour ses invité(e)s. En foyer d’étudiants, Yann n’a théoriquement plus le droit de faire venir des gens de l’extérieur… Mais tant qu’il peut feinter avec la gérance…
Pour ces jeunes gens, la toute première expérience du couchsurfing ne fut pas vraiment une réussite. Yann était malade comme un chien lorsqu’il a reçu son first couchsurfer, un Belge qui, tous les soirs, est rentré ivre à l’appartement. Quant à Adil, une fois arrivé à Rome, malgré les tentatives de coups de fil à l’hôte prévu pour quelques soirs, personne n’est jamais venu le chercher. Leur petite mésaventure initiale ne les a pourtant pas dégoûtés. Le jeune Allemand a profité de cet échange de canapé lors de ses voyages en Bolivie et au Pérou en 2007. Pour lui, le couchsurfing ne doit pas pour autant se réduire à un lieu gratis pour passer la nuit. Il évoque la convivialité et de véritables rencontres avec les personnes locales. Il a pu ainsi découvrir certains quartiers un peu « ghetto » de Lima, participer à une énorme « fête peuplée de Russes » à Saint-Pétersbourg ou encore retrouver son hôte au lieu de rendez-vous fixé dans l’immensité de Pékin, malgré ses deux heures de retard. De même, par ses nombreux voyages couchsurfing à travers l’Europe, Adil a rencontré de sacrées personnalités. Pourtant, son meilleur souvenir reste son passage en Estonie, chez une jeune femme vivant avec sa mère. Cette dernière a arrêté de se disputer avec sa fille le temps de sa venue et l’a « traité comme un roi » avant de verser des larmes à son départ. Comme quoi,… qu’un inconnu dorme quelques soirs sur le fauteuil du salon peut remuer des dames! Dès lors, on peut se demander si le couchsurfing n’est pas un dérivé de meetic.fr? Quelle illusion ! Mes deux informateurs sont formels : on ne cherche pas l’âme soeur sur ce site. Pour Adil, les relations se développent au plan purement amical et si Yann apprécie, sur le moment, les contacts établis, il avoue qu’ils restent le plus souvent éphémères.
«Tisser des réseaux internationaux entre les lieux et les gens » est d’ailleurs un objectif annoncé par le site. Un objectif parmi d’autres, comme celui d’ « éveiller les consciences collectives » ou encore « répandre la tolérance » et « faciliter la compréhension interculturelle ». Vaste programme (à se demander si Soeur Emmanuelle n’était pas la webmastrice de Fenton). Ce côté optimiste (qui consiste à déployer la panoplie du philanthrope pour réaliser une ronde sous l’arc-en-ciel des Bisounours en chantant: « on va couchsurfer sur une étoile, sur un oreiller…») me plaît bien. Et puis, le couchsurfing a l’avantage de sortir les internautes du monde virtuel, pour une fois.
Si toi aussi tu veux « participer à la création d’un monde meilleur, canapé après canapé », rejoins www.couchsurfing.com car même si ce n’est pas le bon plan pour « crouser internationalement, c’est pas dispendieux et c’est pas pire, c’est l’fun! »
*excellents, fantastiques!
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Florence –
Rouliette
Bon déjà arrête de me dire à chaque fois que tes articles sont nuls parce que moi je les adore et j’ai bien rigolé, surtout en souvenir de ce magnifique accent que tu avais tant de peine à comprendre au début! hihihi! Par contre la référence à mon village comme blaide perdu j’apprécie moyennement….surtout que j’ai pas de clic-clac mais un lit à Baladaquin King Size! Lol! Non mais franchement c’est une bonne info cet article et il y a beaucoup d’humour…un article comme on (en tous cas moi quoi) les aime!