La presse régionale, chronique d’une mort assurée

Posté dans : Société 2
Coup de gueule local et réflexion globale sur l'information régionale.

On les reçoit quelques fois par hasard. On les découvre là, dans sa boîte à lettres. Une énième édition qui nous passe sous le nez et qu’on ne lira pas : direction poubelle. Cependant, avec un peu de chance, il arrive parfois de se laisser surprendre à zyeuter les quelques lignes d’un article. Non pas celui qui traite des dernières grandes réflexions sur la crise ou l’état des relations entre deux pays lointains, mais bien sûr le dernier spectacle des enfants du club de gym ou le loto organisé l’autre après-midi par les anciens du village. Mesdames et messieurs, j’ai nommé la presse microlocale, voix de la région, reflet de sa population.

Mais voilà, à l’heure actuelle, la presse régionale est en train de livrer son dernier combat, engloutie dans le magma des journaux mainstream. Insidieusement, sournoisement, cette presse généraliste et événementielle s’immisce dans nos ménages, dicte nos lectures et nous déconnecte de notre propre réalité. C’est la mondialisation de l’information. Quoi de plus pervers! C’est pourtant celle-ci qui, si elle n’affecte qu’un petit nombre de personnes, affecte le plus. Il y a fort à parier que l’habitant du village X est plus touché en lisant l’article au sujet du spectacle des enfants du club de gym du village Y que celui relatant de la libération de quelques otages enlevés au sud Liban. Les problèmes au Proche-Orient, oui, c’est important, tout comme l’annonce du tournoi de Jass de Rolle. Malgré des médias de plus en plus efficaces et englobants, les lecteurs chercheront toujours à savoir ce qui se passe près de chez eux, car cela les concerne réellement. Impliquer autant le lecteur, ça n’a pas de prix.

Il y a aussi un autre enjeu derrière la presse à « rayon réduit » : elle fait souvent partie intégrante d’une région et de ses traditions, et la supprimer, c’est en effacer un peu de la culture. Car ce n’est pas seulement le contenu même de ces journaux qui en fait la spécificité, mais aussi le style, la manière de rédiger les papiers, qui symbolise dans les cas les plus typiques la manière de dire, de vivre. Bref, la voix d’une population. Quoi de plus touchant que de lire une phrase qui transpire la façon de parler du coin, notre coin, et qui renvoit à tout un tas de représentations plus agréables les unes que les autres. Cela, il est impossible pour un canard visant un public large de le faire. Sans parler de certaines normes de style qui dépersonnalisent la presse à « gros tirage », où des phrases tirées de journaux régionaux apparaîtraient comme de grossières fautes de forme.

Pour peu que l’on y prête attention, il est facile de s’apercevoir que la presse locale a donc tout intérêt à survivre. Loin d’être insignifiante comme il le semble au premier abord, elle représente les valeurs de sa région, et de plus gros journaux ne peuvent pas la remplacer. Alors, la prochaine fois que vous tombez sur un de ces titres locaux, tentez une lecture, et laissez-vous charmer !

Pierre Hecketsweiler

Pierre

2 Responses

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    Charles
    | Répondre

     Euh, franchement, tu dresses un tableau un peu alarmiste. Il y a un mois a peine, 24h a fait sa Une en titrant (je retranscris, textuellement): “Chouette la neige! Zut, en pleine elle a provoqué un sacré petchi! “

    Si ça c’est dépersonnaliser le terroir, eh bien il y a encore de la marge.

    Dedieu. 


  2. Avatar
    theoden
    | Répondre

    … pas un exemple concret, pas une personne interrogée, ni réd-en-chef, ni éditeur, ni lecteur, ni annonceur, c’est pas terrible tout ça…

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