
Résumé
De multiples histoires se côtoient dans ce recueil, on y trouve notamment: un monologue qui vous explique tout ce qu’il sera enfin possible d’entreprendre « quand Mamie sera morte », une jeune fille qui laisse son esprit s’échapper dans la neige et qui perd petit à petit tout contrôle sur elle, un homme brutal qui souhaite se marier tout en continuant à dormir avec sa mère lorsqu’il a peur de l’orage, un enfant qui trouve mal poli de dire « je », une école d’art perturbée par ses élèves, un orphelinat abandonné à lui-même, des visites en prison, un couple qui s’insulte pour prouver son amour, une famille modèle qui cache au grand-père toutes ses imperfections pour ne pas lui faire de peine, un vol qui vire au cauchemar pour un petit garçon, une famille où toutes les filles s’appellent Marie, etc.
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Ce qui se détache de cette lecture
Comme son titre le laisse deviner, il s’agit d’un recueil de nouvelles, vingt-neuf pour être précise, dont la longueur varie de trois à trente pages. L’intégralité des nouvelles de ce recueil ne sont pas inédites et non pas été écrites dans le but de composer un ensemble. En effet, plusieurs nouvelles ont déjà fait l’œuvre de publication ou ont été diffusées à la radio. Étrangement, alors que toutes ont été composées entre 1996 et 2016, on ne trouve aucune mention de technologie. Certaines histoires semblent d’ailleurs plutôt dater du début ou du milieu du XXe siècle.

Chaque histoire est écrite d’une façon différente, l’auteure joue avec les styles et crée pour chaque récit une atmosphère qui lui est propre. On retrouve des récits tragiques, noirs, drôles, cruels, ironiques ou teintés de poésie. A plusieurs reprises, un ton enfantin voir simpliste est utilisé, ce qui donne a penser que le texte est facile à comprendre, or il n’en est rien. Fréquemment il m’est arrivé de m’interroger sur l’identité du narrateur, m’emportant dans un trouble narratif assez perturbant.
Le vocabulaire est tantôt basique, tantôt plus recherché suivant l’histoire que nous lisons. Ce choix de mot et de tournures de phrase donne des indices sur l’instruction et la position sociale des personnages. Ceux-ci sont généralement assez frustres, voir peu futés ou naïfs, et sont fréquemment déconnectés de la réalité qui les entoure. C’est ainsi que dans Coup de pouce, un enfant, pour abréger les souffrances des animaux, va les tuer s’ils boitent, sont d’une couleur étrange où se nourrissent d’autres animaux. La cruauté de ces actes est expliquée de manière légère, sans aucune réflexion, aucun remords, l’enfant étant persuadé d’avoir contribuer à la sauvegarde et au bienfait de la nature. D’autres textes, comme Professeur, tranchent avec cette simplicité de langage et de pensée et nous font voyager au travers d’une écriture plus conventionnelle.
Souvent originale, chaque histoire possède son propre univers, son ambiance et ses sentiments. Différents thèmes y sont développés, tels les périodes importantes de la vie, la sexualité, les relations homme-femme, la brutalité, l’angoisse, la haine, le désir, la faiblesse, l’absence, la ville et la campagne. Une chose est pourtant commune à toutes les nouvelles: chacune d’entre elles possèdent un message sur notre monde et la nature humaine. Chacune à sa manière dénonce une idée, un acte ou un comportement. Ce message, ainsi que les thèmes, la manière dont ils sont abordés et les différents styles utilisés, conviendraient à merveilles pour des analyses de textes et des exercices de dissertation.

D’un point de vu personnel, je n’ai que moyennement apprécié la lecture de ce recueil, n’appréciant que peu le style d’écriture de certains récits (enfantin, tortueux) ou l’histoire à part entière. Seule un petit nombre de nouvelles m’a charmé, comme Les rues, dont l’idée est fort originale et heureusement irréalisable. C’est l’histoire d’un homme terrifié par la campagne et son immensité, qui décide de faire construire une rue, pour la traverser. Cette rue est bordée de chaque côté par de hauts murs, afin d’occulter ces champs et autres pâturages qui s’étendent à perte de vue. Mais la véritable petite pépite de ce recueil est Notes. Si vous ne désirez n’en lire qu’une seule, c’est celle-ci et pas une autre. L’histoire se déroule dans une école d’art. Les professeurs ont découvert que chaque année, les mêmes profils d’étudiants se succèdent, donnant ainsi un nom à chaque profil type et s’amusant à voir l’histoire se reproduire continuellement avec de nouveaux visages. Mais cette année-là, tout ne se déroule pas comme prévu…
Alors malgré une petite déception sur l’ensemble, je ne regrette pas d’avoir ouvert ce livre ne serait-ce que pour ce récit, qui a pratiquement réussi à me faire oublier tous ceux que j’avais trouvés sans intérêt.
L’auteur
Noëlle Revaz est valaisanne et a fait des études de lettres à l’Université de Lausanne. D’abord enseignante de latin et de français, elle compose également plusieurs chroniques pour la radio sous le pseudonyme de Maurice Salanfe. En parallèle, elle se lance dans l’écriture de différents récits. En 2001, elle décide de se consacrer uniquement à l’écriture. Un an plus tard, son premier roman Rapport aux bêtes est publié et remporte plusieurs prix littéraires. Il est par la suite adapté au théâtre, puis au cinéma. Ses deux autres livres, Efina (2009) et L’infini livre (2014), ont tout deux également remportés des prix. Actuellement, elle enseigne à l’Institut littéraire de Bienne, ville où elle a élu domicile.
Intéressé(e) par le sujet ?
- RTS émission radio Versus-lire : Noëlle Revaz : « Hermine blanche et autres nouvelles » (avec la lecture intégrale de Coup de pouce).
- Edition Gallimard : La présentation du livre.
- Extrait de la nouvelle « Les enfants ».
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