La crise, la gauche et une poignée de militants bien remontés

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Depuis plusieurs mois, la crise est sur toutes les lèvres. Mais quels sont les pronostics sur les dégâts futurs qu'elle causera? Economiste, chercheur et membre du Conseil scientifique d'ATTAC, Michel Husson répond.

« La crise, son origine et ses conséquences pour les travailleurs », c’est le titre évocateur de la soirée à laquelle je m’apprête à assister. Organisée au Buffet de la gare par les Amis de Solidarités, la conférence y reçoit un personnage de marque: Michel Husson, chercheur et membre du Conseil scientifique d’Attac, mais surtout ancien économiste pour le compte de la Ligue Communiste Révolutionnaire, le parti du facteur le plus connu de France, Olivier Besancenot. Au vue de ses prises de positions altermondialistes, l’homme n’a visiblement pas la langue dans sa poche. Alors quand il s’agit de la crise ….

Il faut dire que le sujet intéresse et pas que les dizaines d’universitaires présents, tout prêts à faire la révolution. Car la crise, cela fait des mois qu’elle est omniprésente, ce n’est pas une surprise. Mais de là à la définir, c’est autre chose.  Je m’accroche donc à mon stylo, décidée à mieux cerner ce fameux fléau dont tout le monde parle, mais que personne ne semble vraiment comprendre.

Les Américains, toujours pionniers

La crise financière a été déclenchée par la crise des prêts hypothécaires. Ce sont des prêts garantis uniquement par des biens immobiliers. Leur taux d’intérêt a augmenté massivement dès 2004. Résultat : des millions d’américains ne pouvaient plus rembourser leur emprunt. L’effet boule-de-neige de la crise s’est ensuite transmis au reste du monde. Pourtant, « les réactions sont encore sous dimensionnées car la vague n’est pas encore arrivée. On sera loin de surfer sur celle-ci » dit-il avec un air grave. 

Après la crise financière, c’est la crise économique et sociale qui va prendre le relais. La réduction des budgets sociaux et le blocage des salaires ne va qu’aggraver la situation. Husson souligne qu’il est primordial de maintenir l’emploi et un salaire convenable. C’est en faisant encaisser le coût de la crise aux travailleurs que la consommation restera au point mort. Si la classe moyenne n’a pas de revenu, elle n’ira certainement pas s’acheter une maison et une nouvelle voiture !

La crise: tremplin du discours altermondialiste

Jusqu’ici, les solutions proposées par les divers gouvernements n’ont été que des trompes-l’œil. Il illustre son propos avec un deuxième exemple : l’argent débloqué pour renflouer les banques est fourni sans contrepartie. L’Etat ne veut absolument pas siéger au sein des conseils d’administration des banques. Ainsi, « l’argent alloué n’est que de nouvelles munitions pour la prochaine bulle spéculative ». Un contrôle plus actif des banques est donc encore loin d’être mis en place. Il y a quelques années, cette proposition avait été lancée par le mouvement altermondialiste. Pourtant, aucun gouvernement n’a tendu l’oreille.

Pendant ce temps, la femme assise à côté de moi a eu le temps de dessiner des visages sur une feuille. Plusieurs autres participants ont eu le même réflexe : sortir un bloc-notes pour finalement ne rien écrire. A la table d’à côté, un homme pianote sur son agenda électronique. Son voisin somnole. Cela fait déjà 45minutes que le conférencier parle : le temps paraît long. C’est à ce moment que la serveuse du Buffet de la gare passe la tête par la porte entrebâillée de la sortie. Elle entre ensuite décidée à ramasser les verres encore à moitié pleins sur les tables.

Husson semble se rendre compte de la longueur de l’exposé et se décide à terminer. Mais pas vanat d’avoir insisté sur le fait que cette crise est révélatrice d’une défaillance du système et non pas d’excès purement individuels. Il existe bel et bien des contradictions récurrentes qui apparaissent à chaque récession. La solution ? Transformer les règles du jeu lui-même. La crise est donc une occasion rêvée pour redonner une nouvelle légitimité au discours anticapitaliste et altermondialiste. Une régulation du système s’impose. Le conférencier demeure cependant muet sur les solutions qui permettraient vraiment de sortir de ce désastre. Même avec l’altermondialisme, le futur semble incertain.

En sortant de la salle, je tombe sur un copain d’uni qui me lance, exalté : « la dictature du prolétariat n’est plus qu’une question de jour ». Le fameux slogan, « un autre monde est possible », serait-il de nouveau d’actualité ? Je vous laisse le soin d’y réfléchir. 

Emilie Pasquier

Emilie Pasquier

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