La chronique onirique de Page – Episode 24

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Bienvenue dans ce petit coin de Toile. Mon nom est Page. Parce que parfois vous écrivez sur la page et, aujourd'hui, la Page écrit sur vous. Ceci est son domaine.

Cette semaine, nos sérendipités seront teintées du vernis des contes et légendes de l’ancien temps, à la recherche de la vérité sur l’origine de la fameuse Princesse de Bel-Air ayant ainsi envoûté l’un des fameux reporters du présent petit site. Alors asseyez-vous confortablement, respirez profondément, et laissez la Page vous emmener dans ses petits coins.

La Princesse de Bel-Air, le retour.

Ce début de semaine, le fort talentueux Etienne, Belge officiel mais néanmoins sympathique de ce petit Blog, attirait notre attention sur la Princesse de Bel-Air, la fameuse mutine en jean de la Place susmentionnée. Attiré comme le sont les Belges par le regard de la belle, il s’employa donc à projeter sur elle l’attention due à son rang, à son port altier, à ses yeux où brille une intelligence ma fois fort peu seyante à une vulgaire affiche vantant les prix modestes de la boutique jouxtant son éternelle demeure. Son article, riche en questionnements de première importance, ne fait toutefois pas justice à la mystérieuse, excellente, et véridique histoire de la Princesse Mauresque de Lausanne que Page, après plusieurs jours et nuits passés dans la Secrète Bibliothèque, entre les rats et les toiles d’araignée centenaires, a enfin découverte dans un vieil ouvrage poussiéreux à la couverture illisible. Pour vous, lectrice, lecteur, et pour cette chronique et la suivante, Page va s’atteler à rapporter les résultats de ses recherches. Comme toutes les bonnes histoires vraies, celle-ci commence par « Il était une fois… »

Aïcha, ou le Conte de la Princesse Mauresque.

Il était une fois un monarque bienveillant et sa femme, habitant un lointain pays. La consanguinité et les usages étant ce qu’ils étaient à l’époque, le couple royal désespérait de ne pas réussir à procréer. Malgré les efforts soutenus du Roi à engrosser sa Reine, le terreau fertile de cette dernière restait désespérément en jachère, comme si l’on y avait déversé un sac de sel au dernier contrôle d’hygiène (au lieu de l’oindre de liqueur de rose comme il sied aux personnes d’un certain rang). Malgré ces difficultés d’ordre purement patrimonial, le couple Royal s’aimait très fort et, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, avait fini par ne s’adonner à l’acte d’amour que par plaisir, ce qui prouve que même en ces temps lointains, on savait n’écouter les sermons des prédicateurs que d’une oreille distraite. Néanmoins, à force de voir les rois et reines des états voisins s’adonner aux joies partagées de la parenté opulente (c’est-à-dire sans le réveil toutes les deux heures, le changement de couches, et l’instigation du rototo, actes réservés aux nourrices du palais), le monarque, saisi d’une détermination que la reine ne lui connaissait que dans d’autres contextes, plus intimes, envoya, aux quatre coins du pays, des messagers chargés de ramener au château un quelconque rebouteux, une quelconque sorcière blanche. Tout homme, ou femme, capable de permettre à la reine d’enfanter dans l’année, recevrait en récompense son poids en rubis.

Les réponses ne se firent point attendre. De toutes les villes, de tous les villages, s’en vinrent au palais un ou plusieurs magiciens, hommes des bois, sorcières des marais, sages femmes, bonnes femmes, alchimistes et charlatans, jusqu’à ce que la file d’attente s’étende de la grande porte à plus loin que les douves, causant maints embouteillages et jurons des habitants du bourg. Mais rien n’y fit. La Reine ingéra nombre de décoctions de peau de lézard, nombre de percolations d’yeux de crapaud, fit plusieurs allergies et sombra dans une narcodépendance fulgurante, suite aux nombreuses drogues dont on la remplissait quotidiennement.  Ce qui prouve que même en ces temps lointains, on appréciait l’empirisme scientifique. On la vit même, pendant les rares moments où elle n’était pas en train d’expulser la dernière pièce peu ragoûtante d’amphibien quelconque qu’on lui avait enfoncée dans le gosier, soulever l’hypothèse que le problème ne venait peut-être pas d’elle, la Reine, mais du Roi, au grand amusement des vassaux de celui-ci.

Après un certain temps, la vindicte paysanne aidant – car personne n’aime se prendre les pieds dans un rebouteux endormi le matin en allant aux champs – le Roi dut se rendre à l’évidence : le pays manquait de créatures bizarres à donner à la Reine avant les assauts de son mari, et celui-ci dut se résoudre à appeler à l’aide à l’extérieur du pays, renvoyant, avec un « merci quand même » déchirant, ses sujets les plus enthousiastes envers l’expérimentation humaine, vers leurs hameaux respectifs. Les messagers se remirent en route avant même que le chemin fut dégagé, causant l’hilarité générale des serfs au moindre piétinement d’un importun sous les lourds sabots d’un cheval. Ce qui prouve que même en ces temps lointains l’on savait s’amuser de peu.

La Reine se remit péniblement des nombreuses expérimentations amusantes des mois passés, son urticaire disparut peu à peu, elle reprit les 12 livres qu’elle avait perdues au fur et à mesure des intoxications, sa peau reprit quelques couleurs, et elle eut même droit à quelque répit entre deux saillies du Roi qui, lui aussi, accusait la fatigue d’une activité de cuissage intensive. Une semaine passa, puis deux. Puis un petit homme simple, à la peau sombre, apparut aux portes de la ville. C’était un Maure d’un lointain pays qui avait eu vent des ennuis conjugaux de la Royale famille, et qui avait, promit-il, une solution miraculeuse pour enfin résoudre le problème. 

Il s’en vint trouver le Roi, lui fit son plus beau sourire, moult courbettes, puis se pencha à l’oreille de celui-ci. « Monseigneur, lui dit-il, je suis un mage très puissant en mon pays, et plusieurs Djinns sont inféodés par pacte avec ma famille. Laisse-moi seul avec la Reine pendant un mois, car ces esprits du désert te dévoreraient les yeux si tu osais les dévisager, et je te promets que ta Reine sera enceinte à mon départ. Je ne te demanderai d’ailleurs aucun paiement, si ce n’est une couche près des quartiers de la reine et le couvert pendant mon séjour, car mon pouvoir ne saurait s’échanger contre monnaie. » Le Roi, de plus en plus désespéré, accepta le marché de bonne grâce. Il alla voir la Reine et lui expliqua ce qui allait se passer. Elle dévisagea un instant le petit homme simple, fit un léger sourire qui plongea le Roi dans la perplexité avant qu’il ne décide qu’elle devait être contente qu’il ait trouvé une solution qui n’impliquait aucune potion bizarre. Ce qui prouve que même en ces temps lointains, les gens n’étaient pas à l’abri d’une certaine naïveté. Puis elle embrassa son mari, et ferma la porte derrière elle et le petit homme. Au bout d’un mois, le petit homme était parti discrètement, et la Reine était enceinte.

Page doit maintenant interrompre son récit. Mais, telle Shéhérazade en fin de nuit, ille conclura sur ces mots : « Qu’est-ce que tout cela comparé à ce que je vous raconterai la semaine prochaine ».

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