La chronique onirique de Page – Episode 10

Posté dans : Feuilleton 7
Bienvenue dans ce petit coin de Toile. Mon nom est Page. Parce que parfois vous écrivez sur la page et, aujourd'hui, la Page écrit sur vous. Ceci est son domaine.

Cette semaine, nos sérendipités seront intimes et amoureuses, charnues et sensuelles, chaudes comme la braise ou fraîches comme un souffle dans le cou. Cette semaine, Page vous entraîne à la recherche d’un obscur objet de plaisir. Alors asseyez-vous confortablement, respirez profondément, et laissez la Page vous transporter dans ses petits coins.


Sexe !

Une étude parue récemment dans un prestigieux journal vient de démontrer que le Point G, fameuse zone érogène située a priori quelque part dans le vagin, n’existerait tout simplement pas, n’en déplaise à certain.e.s jurant l’avoir déjà trouvé, chez elles ou chez leur(s) partenaire(s). La méthode utilisée pour prouver la non-existence de ce fameux Point laisse Page perplexe. En effet, il a simplement été demandé (par questionnaire, parce que le sexe rentre très bien dans des petites boîtes à cocher) à des paires de vraies jumelles de situer leur Point G, ni même de rapporter un taux d’orgasmes similaire. Comme la majorité de ces femmes n’ont jamais su se mettre d’accord sur le lieu exact, ni l’existence de ce mythique emplacement, il a été conclu que décidément non, le Point G n’existe pas. Inutile de le chercher, toi qui aimes passer du bon temps avec ta partenaire, que tu sois un homme, une femme, ou un objet d’usage courant. Circulez, il n’y a rien à voir, à sentir, ni à chercher, seule ou à deux. D’ailleurs, le fameux Point P des hommes, moins discuté quant à lui, ne doit pas exister non plus, dans la mesure où il n’était qu’une pâle copie, un pis-aller, une maigre consolation pour tous les hommes de la planète, fort jaloux de ne pas posséder un chemin secret vers le septième ciel (ils ne disposent, les pauvres, même pas d’un questionnaire adressé aux vrais jumeaux).

Pour ne pas simplement faire passer nos chercheuses et chercheur pour de vil.e.s savant.e.s coincé.e.s, il convient cependant de se pencher d’un peu plus près sur la logique sous-tendant leur démarche : Il s’agit, en effet de réduire la pression qui pèse sur les femmes, et les hommes, infoutu.e.s de trouver leur Point G ou celui de leur(s) partenaire(s). Soumis.e.s aux diktats des sexologues et des revues parlant de la chose, nous serions tou.te.s lancé.e.s sur une quête absurde vers un inconnu qui n’existe pas. Si la démarche possède une certaine noblesse, une volonté de libérer les gens de carcans imbéciles, elle semble tout de même à Page un petit peu triste. Car si cette étude semble -faiblement- signaler que le Point G n’a pas d’existence au niveau génétique, il n’en demeure pas moins que parfois, au détour d’un chemin, ille se plaît à penser qu’il est possible de croiser une licorne, un farfadet, ou… un satyre. Andrea Burri, Lynn Cherkas, et Timothy Spector concluent de leur étude que les bois sont vides.

Donc, ne cherchez plus. N’explorez plus. La sexualité normale des gens normaux ne s’embarrasse pas de quêtes futiles. Regardez les représentations actuelles, à la télévision, au cinéma, sur la Toile : Personne ne s’attarde trop à fouiller, à creuser d’un, ou plus petit(s) doigt(s), nez, langue(s), organe(s) quelconque(s) ou spécifique(s), toy(s) inquisiteur(s), à se promener dans les chemins creux, l’air de rien, en sifflotant un petit air de Barry White (ou, pourquoi pas, de Daft Punk, d’Offenbach ou de The Go! Team). Las ! La performance, c’est ce qui compte. La domination, le jeu de pouvoir, des obligations quasi morales. On n’explore pas un corps comme on explore une terre inconnue, en prêtant bien attention aux merveilles pouvant être recelées de droite ou de gauche, la petite crique, là-bas, qui a l’air si sympathique, ces fourrés ombrageux d’où peut à tout instant sortir une petite bête nouvelle qu’on devra apprivoiser ou se faire mordre (ou apprivoiser pour se faire mordre), ces monolithes, ces dunes de sable fin, ces curiosités géo-épidermiques, grains de beauté, zones rugueuses, bosses et creux incongrus… On n’explore pas ce monde nouveau, non : On le vitrifie, on en ôte toute vie, toute aspérité, réelle ou non, on le génétise au fur et à mesure des expériences et des questionnaires. Au feu, les fourrés ! Au laser, les curiosités de l’épiderme ! Et à l’Index des légendes urbaines oubliées, les Points mythiques dans les cavernes… Le sexe, c’est comme les Tontons Flingueurs : « Je dynamite, je disperse, je ventile ». Le Sexe Normal : Une nouvelle manière de faire la guerre au désir.

Pourtant… Pourtant Page se plaît à penser qu’il est encore possible de se perdre dans les recoins du corps, dans les crevasses de la chair, dans ce qui pulse, ce qui luit, ce qui bruisse et gémit, chuchote et chuinte dans les oreilles. Faites un petit tour sur la Toile (commencez par , si vous ne savez vraiment pas ou chercher). Regardez les corps, nus ou pas, leur mise en scène – ou leur mise en Page. Regardez comment tel ou telle s’habille pour captiver le regard de l’autre, comment telle ou tel met en valeur ses yeux, son nez, sa bouche, comment certain.e.s se blessent pour ressentir du plaisir, comment certain.e.s s’abstiennent de tout contact avant de céder à un tsunami de corps caressants. Comment on peut changer son corps par amour de soi ou d’un.e autre. Comment on peut passer du ridicule le plus profond au sublime le plus merveilleux selon la démarche et le désir.

Costumes ! Masques ! Scarifications ! Poses ! Boy-on-boy ! Girl-on-girl ! Boy-on-girl-on-girl-on-boy-(et ainsi de suite…) ! Jeux de rôles ! Fessées ! Cuir, chaînes, dentelles et latex ! Rien n’est normal dans le sexe, puisque tout (ou presque) est permis, du moment que tout le monde s’amuse. Alors regardez votre partenaire, regardez-vous un peu, aussi. Posez (ou changez) votre masque, le temps d’un câlin, d’un souffle sur le cou de votre voisin.e de métro, d’une baise sordide pour tout le monde sauf vous, d’un faisage d’amour sur lit de pétales de rose, ou d’une bonne partie de jambes en l’air sans conséquences. Ne cherchez pas de Points cardinaux, mais laissez-vous surprendre au détour d’un chemin, perdez-vous un peu dans le délire des sens. Qui sait, peut-être qu’en chemin vous découvrirez votre propre licorne, votre propre farfadet, votre propre… satyre.

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7 Responses

  1. Avatar
    Anonyme
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    Vive l’Inconnu ! Vive l’Improvisation ! Vive la Créativité !
    Vive cette chronique toujours pleine de surprises, qui nous met le sourire en coin ou embrume nos yeux.
    Tout ça nous rappelle que nous sommes capables de sentir, ressentir, vivre , toucher ce qui fait notre vie et que ce n’est pas une honte ni un signe de faiblesse malgré ce que peut quelque fois dicter notre environnement quotidien.

    VIve Page!

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      etienne_doyen
      | Répondre

      Cher Page,

      avez-vous puisé votre inspiration ici?

      http://www.dailymotion.com/video/xc13n4_le-point-g-nexiste-pas_fun

      Si ce n’est pas le cas, il me semble que les grands esprits se rencontrent!

      • Avatar
        Gab
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         Page, vous nous enchantez, plus que jamais. Vous me concéderez cependant que la recherche du point G a bien souvent invisibilisé la façon qu’ont la plupart des femmes normalement constituées de parvenir aux faîtes du plaisir aussi facilement que leurs congénères masculins. Et je me prends à m’attrister de constater que lorsqu’il s’agit d’exciser, c’est à dire de priver les femmes à tout jamais de leur accès au plaisir sexuel, on sait très précisément de quels organes les priver. Dans cette perspective, prôner l’existence d’un hypothétique point G revient à nier l’existence de ce qui est pile sous nos yeux (ou presque)…. mais qui en aucun cas ne devrait priver les amant/es quels qu’il/elle/s soient des joies de l’exploration. Je vous salue bien bas très cher ami.

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          Page
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          Chère Gab,
          Il ne s’agissait pas ici de nier toutes les autres possibilités de prendre son pied (ni d’ailleurs celui de quelqu’un d’autre), pour les femmes, pour les hommes, pour qui que ce soit. Mon opinion sur le sujet est que tout ce que l’on sait possible peut (seulement peut, pas doit), servir dans l’exploration intime. Et quant à l’organe susmentionné (qu’en des termes jolis ces choses-là sont dites) par vous, aux points, vrais ou pas, à chercher à l’intérieur des un.e.s et des autres, il me semble que les sondes possibles ne manquent pas vraiment aux amant.e.s ou à soi-même pour passer du temps sur plusieurs à la fois. Et lorsque la simplicité du déjà connu se mêle à la possibilité d’une découverte du peut-être vrai, chacun.e devrait pouvoir y trouver son compte.

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            Gab
            |

             Amen! 🙂

  2. Avatar
    Chouquette
    | Répondre

    Oh mais comment avec une gentille formation de science sociale, on peut se transformer en guide de l’amour comme ça spontanément ?

  3. Avatar
    Zaëlle
    | Répondre

    Que c’est beau, que c’est bien dit! Je n’aurais pas su trouver de mots plus appropriés! Merci pour ce bel article!

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