La balade de la mort – partie 2

Posté dans : Rien à voir 1
Deuxième épisode relatant la balade à vélo du 17 juillet 2009, organisée par le passeport vacances et dans laquelle votre fidèle bloggueur jouait un rôle de premier plan. Souvenez-vous, étant tombé de sa bicyclette, il prenait soudain conscience qu'il n'était pas le seul à avoir connu ce rapprochement avec l'asphalte ; un enfant était également à terre...

En effet, il semblerait que le garçon qui me précédait soit tombé au moment même où je me retournais pour regarder le tracteur, et c’est donc son petit corps qui a constitué l’obstacle qui a provoqué ma propre chute. Aussi rapidement que faire se peut, je m’extrais du confort tout relatif de ma situation et me remets en position verticale. La manœuvre est quelque peu malhabile, car rapidement la tête me tourne tandis que des volutes de lumière viennent danser dans mon champ visuel. Une envie de refaire voir le soleil aux aliments ingurgités deux heures auparavant se fait de plus en plus puissante dans mon abdomen.

Le petit garçon, quant à lui, se tord lamentablement sur la route. Rondouillard, lançant des cris aigus se mêlant aux sanglots, la vive inquiétude que j’ai ressentie pour lui s’est soudainement muée en léger dégoût. Je peine à comprendre la nature de ce revirement de sentiment. Les premiers mots qui me viennent à l’esprit sont : « putain de merde » et « qu’est-ce que je fous là ». Le petit garçon et moi nous mettons au bord de la route ; je saigne abondamment des genoux tandis qu’il a mal au poignet. Je tente de reprendre mes esprits mais tout me semble confus, comme si l’herbe sur laquelle je m’asseyais avait la texture d’un revêtement de piste d’athlétisme ; comme si le chant des oiseaux était voilé par le bruit lointain d’un chantier en construction.

Nous sommes rapidement rejoints par le reste du groupe. Le frère du petit garçon, participant également à la balade, me tend un téléphone portable.

– « Allo ? » me surprends-je à articuler dans un français compréhensible.

– « Allo, oui, que se passe-t-il, comment va mon fils, on m’a dit qu’un tracteur lui avait roulé dessus, que s’est-il passé ? », me répond la mère, dont le ton de la voix trahit largement le degré d’inquiétude.

– « Je… heu… non, non, tranquille, le tracteur ne lui a pas roulé dessus. C’est heu… je… enfin on est tombé, mais pas d’inquiétude à avoir… oui, oui,… je vous tiens au courant, oui, non, non… enfin oui, je vous rappelle ».

Rapidement, le frère du petit garçon se réapproprie son téléphone portable, compose un nouveau numéro et me le retend prestement.

– « Allo ? »

 

 - « Allo, bonjour, urgences de l’Hôpital de Riaz, nous vous envoyons immédiatement une ambulance, pouvez-vous me dire exactement ce qui s’est passé et où vous vous trouvez actuellement ? ».

– « Je… euh, oui, bonjour… ben, c’est qu’on est tombé, et euh… ben, on est au bord de la route… je sais pas trop… après le passage à niveau… on vient de quitter un village, euh… je suis pas tout à fait sûr… vers le Moléson je pense ».

Visiblement, je suis totalement dépassé par la situation. J’ai à tout moment l’impression que je vais vomir dans le combiné, tandis que les paroles distordues qui me parviennent à l’oreille perdent progressivement de leur sens. La voix semble s’agiter, exiger de moi que je rende des réponses susceptibles d’être appréhendées par la raison, ce qui me semble totalement hors de propos, voire offusquant. Je dévisage le frère de la victime. La compassion, muée en dégoût, devient maintenant colère. J’aimerais ne pas me trouver dans la situation dans laquelle je me trouve actuellement. Je songe à une autre réalité potentielle; une île déserte ou un truc du style, des hectolitres de rhum, Marienka et Tatjana me suçotant le bout des doigts. Des lémuriens malicieux chevauchant des perroquets multicolores.

Rapidement néanmoins, l’ambulance arrive et m’arrache à ma sournoise rêverie. L’enfant et moi sommes emmenés aux urgences de l’hôpital de Riaz, puis placés dans des chambres séparées. Pendant que l’on recoud soigneusement mes plaies aux genoux, j’apprends que mon compagnon d’infortune a le poignet brisé, ce qui nécessite une opération. J’apprends également qu’il était censé partir deux semaines plus tard aux Caraïbes afin d’y passer un brevet de plongée, ce qui me fait avoir une fugace pensée pour Tatjana et Marienka se massant mutuellement la plante des pieds à l’ombre des bougainvilliers.

Néanmoins je reviens vite à la réalité; j’ai bel et bien gâché les vacances de ce petit et bedonnant jeune homme. Ce n’est pas encore cet été qu’il pourra titiller les anémones du bout de ses courts doigts boudinés. Au mieux, il pourra demeurer suant, à ériger de misérables châteaux de sable de sa seule main gauche maladroite, maudissant à jamais cette funeste journée du 17 juillet 2009.

Francis

  1. Avatar
    Anonyme
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    “c’est donc son petit corps qui a constitué l’obstacle qui a provoqué ma propre chute”
    “j’ai bel et bien gâché les vacances de ce petit”

    incohérence spotted.

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