Le rendez-vous est donné à la Place de la Gare de Renens à 08h15 du matin. 12 jeunes, dont l’âge moyen doit osciller entre 10 et 15 ans, sont déjà sur place, débordant d’énergie et de vitalité. Mon collègue et moi-même chargeons leur vélo sur la remorque prévue à cet effet, montons dans le bus et entamons le trajet qui doit nous conduire sur les bords du lac de la Gruyère. « Ça va déféquer sec dans les dérailleurs ! », me dis-je intérieurement, un rictus d’enthousiasme scotché sur la figure.
Une fois arrivé sur place, nous enfourchons nos montures. Le soleil brille et la journée s’annonce magnifique. Les sourires s’affichent sur les visages juvéniles, tandis que les innocentes moqueries fusent dans l’air tonifiant du début de matinée. Une fois n’est pas coutume, je ressens une indéniable joie de vivre, une réjouissance quant à ma propre présence en ce lieu, à ce moment, en tant qu’accompagnant et responsable d’une sortie « passeport vacances ».
Mon collègue prend la tête du groupe, tandis que je ferme la marche, en queue de peloton, veillant à ce que les enfants roulent bien en file. Nous nous trouvons sur une route cantonale après tout, et un accident est si vite arrivé. Quelque 300 mètres après notre départ, je perçois d’ailleurs un substantiel bruit de moteur derrière moi ; il semblerait qu’un gros véhicule, tel un bus ou un camion, cherche à nous dépasser. Voulant avoir confirmation de mon impression, je me retourne pour être en mesure d’identifier la source du vrombissement qui emplit mes cavités auditives.
Ma surprise n’est que moyenne ; il s’agit d’un tracteur. Sa vitesse étant limitée, il hésite à dépasser, d’une seule traite, la ligne de cyclistes que nous formons. Ma réflexion, que j’aimerais faire aboutir quelque part, se voit néanmoins soudainement stoppée, à l’instar de mon corps, que je perçois adopter une position aérienne qui n’a rien de commun avec le cyclisme conventionnel.
C’est à présent le bitume que je ressens, et son contact brutal avec mon épiderme n’est pas des plus sensuels. Un lourd objet s’abat de tout son poids sur ma frêle constitution tandis que divers endroits de mon ossature subissent d’agressives molestations : c’est ma chère bicyclette qui vient de retomber au sol, mes tissus biologiques ayant constitué un efficace amortisseur à sa chute.
Le calme revient, tandis que la douleur n’est pas encore apparue. C’est le moment que je préfère lors des accidents dont je suis le protagoniste ; j’ai l’impression de progressivement me réveiller, un beau jour d’été, une légère brise ébouriffant mes cheveux. L’instant serait indéniablement agréable, si du moins je ne me trouvais sur une route cantonale, dans le canton de Fribourg, avec un vélo sur la gueule.
Je tente de faire bouger les extrémités de mes membres antérieurs et postérieurs. Chaque doigt, petit doigt et autre orteil répondent présents à l’appel. Il semblerait que l’accident ne soit pas d’une grande gravité, ce qui me fait déjà pousser un soupir de soulagement. Néanmoins, ce soulagement n’est que de très courte durée, car à ce moment précis je perçois, à mes côtés, de plaintifs gémissements qui se transforment rapidement en pleurs douloureux. Mes craintes, d’abord incertaines, se muent rapidement en d’horribles certitudes : un enfant est a terre…
La deuxième partie de “la balade de la mort” suivra prochainement.
Francis –
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