L’Open-Space ou les joies du monde professionnel

Pour les adeptes de l’open space, la convivialité et le partage libre d’informations professionnelles sont censés être au rendez-vous. Une facon de travailler à la fois moderne, efficace et à l’americaine, c’est-àdire en toute transparence. Pour d’autres, l’open space rime avec ragots et Big Brother. Fini les conversations au téléphone, fini les petits sauts sur le Bondy Blog, il faut rester sur le qui-vive et pouvoir toujours donner l’image de l’employé modèle et efficient. Certains diraient que c’est normal, on n’est pas payé pour passer la journée sur Facebook.

La guéguerre des vis-a-vis

Car dans l’ open space, il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent. Les gagnants? Les directeurs, les managers, ceux qui par le biais de leur position ou de leur envergure (et, dans le cas de certains, leur grande gueule) ont droit à un vrai bureau. Avec des murs et une porte. Pour nous, petit(e)s secrétaires et jeunes diplômé(e)s, habitants de la caverne, être le mieux placé et avoir le meilleur territoire dans l’open space relèvent du défi. Et une fois acquise, il faut défendre cet espace vital virtuelle. La meilleure façon de faire sa place? Se porter membre du comité lors d’une transition ou d’un déménagement dans l’open space. Comme ça, vous vous appropriez le meilleur coin de la caverne. Ou, encore mieux, s’octroyer le vis-à-vis de votre collègue le plus détesté, pour ensuite rapporter au patron ses écarts du parcours professionnel. Ceux qui font un petit tour sur le web, qui paient leurs factures perso au boulot se font épingler par les nouveaux flics parmi les collègues et se voient traités de ne pas être efficaces.

Mais la règle d’or de l’open space, c’est que le dernier venu est toujours le plus mal loti. Et encore pire si le ou la nouvelle est junior. Billet direct pour le coin juste à côté des photocopieuses et coin café, ce qui rime avec “vis-à-vis sur couloir” et “forte circulation même en dehors des heures de pointe.” Mais si tu arrives en cours de route, il y a toujours un moyen de s’arranger. Un collègue se fait virer et lui a le bureau bien placé dans un coin, sans vis-à-vis et avec fenêtre exposé sud? Un sprint pour être le premier à arriver chez le patron et le convaincre du bien fondé de ton projet de déménagement. Une nouvelle collègue arrive? Avec tes collègues, un petit tour de chaises musicales pour donner à la nouvelle le cadeau du bureau à coté du manager trentenaire grincheux, car il est le seul de son rang à devoir se mettre avec les paysans et se demande pourquoi il s’est payé des études à IMD pour travailler à côté de son assistante.

Les bruits et les odeurs

La plupart des habitants de l’open space se plaignent du bruit des téléphones et des claviers. Certains essaient de se protéger avec leurs Ipods en mur virtuelle pour faire face a la convivialité forcée pour ensuite se faire taper sur les doigts par les ressources humains leur manque de dialogue et d’échange avec ses voisins de palier. Autres façons de se faire réprimander? Avoir un tas de papiers sur son bureau. Dans un “vrai” bureau, un tas de papiers signifie que la personne est “busy;” dans l’open space, un bureau mal organisé est la source de tout ce qui gène vos voisins et vous fera perdre des points lors du prochain performance review. Ensuite, place aux odeurs. Au nom de la liberté des autres, ces nouveaux agents de la Stasi se plaignent aussi de votre nouveau parfum Dior qui sent un peu trop fort, ou de ton curry mangé au bureau lors d’une deadline, ou encore vos pieds qui puent. Si vos parents n’ont pas su inculquer les bonnes moeurs à leurs enfants, les collègues de l’open space le feront.

Paradoxalement, il y a des endroits ou l’open space semble encore bien marcher. Selon les dires d’une copine, il y a open space et open space. Le mieux, c’est lorsque les vis-à-vis sont bien aménagés et où les collègues s’entendent déjà bien. Donc le principal de l’open space, c’est de faire amis avec tes collègues pour qu’ils ne te mangent pas et pour être invité au bal des chaises lors d’un départ précoce. Et si vous voyez en face les KGB du bureau qui souhaitent recueillir un max d’infos sur votre sujet pour vous faire virer, il y a toujours des astuces. Par exemple, le bon vieux changement de la fenêtre Facebook pour le fichier Excel bidon. Et ce, grâce à la petite manip alt+tab. Mais attention! Ca ne marche pas avec un gros vis-à-vis car changer de fenêtre se voit (le mieux, c’est de garder le fichier Excel en tant que fond d’écran, avec des petites fenêtres autour). Avoir un bol de bonbons en libre service sur son bureau est aussi archi efficace pour apprivoiser la meute.

Dans les bureaux old school, il fallait se méfier du patron. Dans les bureaux modernes avec open space, il faut tout simplement être plus malin que ves collègues.

Nicole Zaghia –