Japan made in Switzerland

Posté dans : Société 6
Ce week-end se tenait à Lausanne, l’événement incontournable pour les fans de manga. Plongée dans un univers déjanté à la découverte du regard que des jeunes passionnés posent sur le Japon et sa culture.

Depuis quelques années, la « pop culture » japonaise, avec les mangas, les dessins animés et films d’animation, la musique, le cinéma, mais aussi la nourriture…est devenue omniprésente dans notre paysage culturel. Intriguée par ce phénomène de société, de mode diront certains, je décide de m’immerger dans cet univers le temps d’un week-end lors du festival Polymanga, réunissant passionnés et amateurs de culture japonaise de toute l’Europe sur le sol lausannois. Décidée à me fondre dans le paysage, j’enfile donc des leggings bleus électriques et me dirige vers le Palais Beaulieu.

Dans la rue déjà, une certaine extravagance vestimentaire semble avoir pris le pas sur l’éternel combo : « jeans, t-shirt, baskets ». On croise ainsi des personnages de dessins animés, de Naruto à Dragon Ball Z en passant par Pikatchou, des gothiques lolitas en mini jupes, des jeunes filles « kawai » (terme japonais pour mignonnes) en uniforme d’écolière et cheveux de toutes les couleurs… Pour tout dire mes fameux leggings font pâle figure.

Sur les lieux où règne une ambiance survoltée, je vais à la rencontre de groupes d’adolescents entre 12 et 20 ans, visiblement adeptes du « cosplay », discipline qui consiste à se déguiser pour ressembler le plus possible à son héros de manga préféré. Motivée à comprendre ce qui les attire et les fascine tant dans la culture japonaise.

Elevés à la sauce Club Dorothée, la plupart d’entre eux ont découvert le Japon à travers les dessins animés : Goldorak, Dragon Ball, les Chevaliers du Zodiaque, Ranma 1/2…  David Heim, président de Polymanga, nous le confirme c’est bien AB productions qui a popularisé l’animation japonaise en Europe. Mais, certaines séries originellement destinées à un public adulte, telles que Ken le survivant ou Nicky Larson, se sont retrouvées dans la grille des programmes jeunesse de TF1, ce qui a contribué à donner une image négative de l’animation japonaise, perçue comme une apologie du sexe et de la violence. 

Au contraire au Japon, le manga est considéré comme un art à part entière, au même titre que la littérature ou le cinéma. Il occupe une place importante dans le quotidien de la population, où chaque classe d’âge, chaque catégorie sociale a un type de manga qui lui est spécifiquement destiné.

Les jeunes de Polymanga ont été initiés à la culture japonaise par des amis ou des frères et sœurs plus âgés, parfois même par leurs parents. Puis c’est le style, encore et toujours le style, qui revient au coeur de toutes les discussions. Apparemment, le plus petit dénominateur commun entre ces jeunes, mobilisant toute leur attention et leur créativité et il suffit de les regarder pour s’en convaincre. Le Japon,  à leurs yeux capital de la mode, fait de l’extravagance vestimentaire un symbole de contestation et d’affranchissement des normes. Bien plus qu’un look en somme, leur tenue se veut revendication identitaire et affirmation de liberté. Paradoxalement, ces jeunes filles souhaiteraient le retour de l’uniforme à l’école. Mais pas n’importe lequel, un uniforme à base de mini-jupes et chaussettes montantes, semblable à celui des lycéennes japonaises, qui comporte à l’évidence une connotation érotique dont ces lolitas ne sont pas dupes.

Lorsqu’on aborde les traditions, les affirmations se font plus timides, hésitantes même. Ils citent principalement la nourriture, surtout les Râmen (soupes de nouilles japonaises), les Dongo (pâtisseries à base de pâte de riz fourrée aux fruits) et bien sûr les sushis. Certains me parlent de la langue japonaise qu’ils tentent laborieusement d’apprendre, d’autres avouent se contenter de regarder leurs séries favorites en version originale sous-titrée français. Ils perçoivent donc une part de la richesse de la culture traditionnelle qu’ils souhaiteraient mieux connaître et ne la séparent aucunement de la culture contemporaine.

Au fil des rencontres, c’est la dimension créative liée à la « pop-culture » japonaise qui m’interpelle. L’ imagination, la fascination vécues au quotidien se matérialisent en actions. En effet, nombreux sont les jeunes qui s’adonnent à une pratique artistique en lien avec leur passion, que ce soit le dessin, la musique ou encore la couture pour réaliser eux-mêmes leur costume de Cosplay, sans oublier le théâtre lorsqu’ils se mettent littéralement en scène à travers leurs personnages. Il y a donc un aspect participatif et une appropriation de la culture japonaise contemporaine par ces adolescents, qui ne se réduit pas à une consommation passive.

Leur Japon longuement imaginé et idéalisé, ces jeunes ne l’ont pour la plupart pas encore visiter et rêvent de le découvrir un jour. Mais pas sûr que ce Japon « made in Switzerland » existe bel et bien.

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Cécile

6 Responses

  1. Avatar
    serge
    | Répondre

    Pour compléter cet excellent article, je vous conseille le numéro hors-série du Courrier International qui est consacré à la pop culture japonaise et qui vient de paraitre.

    Des détails par ici

    http://www.courrierinternational.com/magazine/2010/2010-1-manga-cinema-mode-le-triomphe-de-l-autre-japon

  2. Avatar
    fleks
    | Répondre

    Ah ben tiens.
    Ken le survivant et Nicky Larson sont justement deux des séries qui m’ont fait le plus aimé le manga quand j’étais petit.

    Et dans Ken le survivant, l’humour apporté par les doubleurs français rendait le manga encore plus chouette. (Et si je me souviens bien, Nicky Larson et Ken c’est la même équipe de doubleur).

    • Avatar
      doublageKen&Nicky
      | Répondre

       ”Aaattention Larson, tu vas te prendre une-euh bullèèèèt…” 

      • Avatar
        cristina_sanchez
        | Répondre

         Mamuuuut !

  3. Avatar
    fleks
    | Répondre

    Je vois qu il y a de la bonne reference

  4. Avatar
    Blackii
    | Répondre

    qqn pourrait me dire toute les occasion de se cosplayer en suisse? merci

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