
Mais où est le puck?
Immersion totale, car c’est dans le « virage ouest » – comprendre le fief des plus ardus supporters – que je vais assister à la rencontre, entourée d’une foule de personnes arborant fièrement au choix l’écharpe du rouge et blanc emblématique de l’équipe locale, un maillot de l’un ou l’autre joueur vedette, une casquette… ou tout cela en même temps.
Le match débute, des supporters grimpent encore les marches des gradins et tentent d’amener à bon port leur breuvage doré et gazeux. 44 secondes, c’est le temps qu’il a fallu au LHC pour ouvrir le score, ce qui enflamme le public : des cris de joie, des rires, et surtout le réflexe immédiat de lever les bras au ciel, poing levé. 44 secondes, c’est aussi le temps qu’il m’aura fallu pour prendre ma première douche de bière dans une patinoire. Je n’avais donc même pas eu le temps de repérer le puck sur la glace (avouons-le, cet objet est minuscule et furieusement rapide) que j’étais déjà baptisée dans ce fameux virage ouest. Qu’importe ! L’ambiance survoltée est au rendez-vous et je me laisse porter par la joyeuse ferveur de mes voisins qui enchaînent les différents chants de soutien à leur équipe, tapant des mains ou brandissant leur écharpe. Sur une de ces créations, un jeu de réponse s’installe avec les virages opposés devenus des sièges VIP et force est de constater que malgré mon ignorance évidente des subtilités du jeu, une ambiance phénoménale me transporte avec les 7999 autres spectateurs.
Le public qui donne corps au virage ouest est très hétéroclite. Des jeunes, des moins jeunes, visiblement de tous horizons sociaux, de tous physiques, sportifs et moins sportifs… Certains, tendus, restant silencieux, et d’autres plus bavards, faisant preuve parfois d’un accent du terroir devenu rare à Lausanne. Essentiellement masculin, ce public compte tout de même une petite portion de présence féminine. Au vu du nombre de questions que certaines posent (dont la sempiternelle « je n’ai pas compris, il s’est passé quoi là ? »), j’aurais tendance à dire qu’une bonne part des femmes accompagnent l’Homme à la patinoire. Mais pas toutes ; on en trouve quelques-unes, bière à la main, visiblement animées par la même passion du jeu et donnant autant de la voix que leurs homologues masculins, faisant ainsi fi des prétendus codes masculins du supportérisme.
Si la ferveur des fans vient à baisser durant l’un des tiers-temps, les leaders des chants, munis d’un porte-voix grésillant et installés face au public (le jeu qui se déroule sur la glace ne semble pas capter l’essentiel de leur attention), rassemblent toute leur énergie et s’égosillent dans leur micro pour le plus grand plaisir de la foule qui recommence à répéter inlassablement les chants. En alternance, ils scandent à choix « LHC » ou « Lausanne » d’une seule voix, comme un seul et unique être animé par la passion de leur équipe favorite. La passion du jeu, la passion populaire du sport dans toute sa splendeur… je l’avoue, c’est avec un plaisir non dissimulé que j’observe toute cette agitation autour de moi.
Pendant que je m’amuse à observer le public qui m’entoure, le match suit son cours. Les Zurichois égalisent, puis le LHC reprend l’avantage à 2-1. J’apprends les règles sur le tas, plus particulièrement suite à des actions ou des arrêts de jeu qui m’obligent à formuler cette fameuse question (« il s’est passé quoi là ? ») aux amis que j’accompagne. Puisque le puck semble définitivement vouloir jouer à cache-cache avec mes yeux, ma curiosité est donc nourrie par ce qu’il se passe sur la glace entre les joueurs : leurs comportements, les charges, les coups de canne, les bousculades (tout en jetant un œil furtif en direction de l’un des arbitres – la maxime de rigueur semble être « pas vu, pas pris ») et surtout les attitudes de protection du gardien, qui semble posséder un statut d’intouchable.
Les pauses entre les périodes sont synonymes de mouvement de foule massif en direction du puits… pardon, du bar ! Les supporters, de plus en plus rouges d’émotion, remontent vaillamment avec 2, 3 voire 4 bières, et pour les plus courageux un paquet de pop corn sous le bras. J’ai découvert que les gobelets, en plastique jetable ou en version écologique réutilisable aux couleurs du LHC, remplissent plusieurs fonctions. Outre le fait d’étancher la soif des spectateurs (admettons-le, chanter et hurler ses encouragement déshydrate rapidement), ces gobelets peuvent également servir – je m’en rendrai compte suite à une échauffourée autour du gardien lausannois – de projectiles utiles pour marquer leur mécontentement d’arbitrage, au cas où les sifflements assourdissants accompagnés d’un doigt d’honneur et d’un franc “enculé” n’auraient pas suffi !
A l’issue du temps réglementaire, les deux équipes rugissantes sont à égalité. Il faudra une période de prolongation, puis une séance de tirs au but pour que Zurich s’impose finalement 3-2. Le temps pour moi de tirer un bilan de mon expérience : après une excellente soirée animée tant sur la glace que dans les gradins, je rentre chez moi avec une meilleure connaissance du jeu de hockey, et surtout la tête emplie de chants de supporters (chants relativement tenaces car plusieurs jours après, je les ai toujours qui résonnent en tête). Ayant déjà parcouru quelques bribes de la littérature sociologique sur le phénomène sans l’expérimenter, cette immersion dans le virage ouest de Malley m’a permis de vivre de l’intérieur la ferveur supportrice et de suivre une rencontre sportive au cœur d’un public passionné… avec un pur plaisir !
Et pour prolonger le plaisir, une petite vidéo de l’ambiance délirante du match :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=td6Sn9Fl3mo[/youtube]
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