I am Shÿ 

Posté dans : Personnages 1
[Interview] Luc Godonou Dossou, jeune parisien de la Courneuve a décidé de réaliser ses rêves à Lausanne. Avec son cousin David, il vient de lancer sa marque et d'ouvrir son club, relevant le défi de faire de l'ex "Play-Time" de la Borde - à la réputation tristement célèbre - un lieu trendy et convivial.

Qu’est ce que t’a apporté ton quartier, la Courneuve ? Je suis né à Paris et j’ai grandi dans le 9-3 dans la ville de la Courneuve. J’y ai trouvé mes meilleures amis et surtout un esprit de combat pour la réalisation de mes rêves. Je suis issu d’un milieu modeste et à la Courneuve, pour trouver les moyens de réaliser ses rêves, il fallait toujours combattre et j’y ai acquis cet esprit combatif. 

Peux-tu me décrire la philosophie de ta marque et à qui elle s’adresse ?

Le concept I am Shÿ allie la musique, la mode et le cinéma, tout ce qui nous passionne mon cousin et moi. C’est une marque trendy, urbaine et accessible au plus grand nombre.

Comment a germé l’idée ? 

Il y a cinq ans après un voyage à Tokyo. (les voyages sont une de ses passions) J’ai vu une ville qui bougeait énormément au niveau du fashion. Je suis issu du milieu de la mode, ma mère était modéliste ce qui m’a donné énormément d’idées et puis j’ai pu mettre toutes ses idées en place avec mon cousin David. 

Comment avez-vous financé votre projet ? Vous aviez un business plan que vous avez présenté à des banques ? 

Au départ quand on a fait les deux premiers T-shirts, tout le monde aimait les designs alors avec David on s’est dit qu’on allait pousser le truc un peu plus fort en créant une collection. On est parti voir les banques. Elles nous disaient qu’il fallait trois ans d’existence pour pouvoir avoir un prêt et qu’il fallait venir avec les business plans. On les a fait… Les banques ne sont toujours pas venues. Finalement, on est allé voir les personnes qui croyaient le plus en nous. C’était la famille, l’entourage et les amis en fait. On a mis toutes les économies puis on a lancé le « bébé ». 

Qui est à l’origine du logo ? 

Je désirais quelque chose de funky, j’adore tout ce qui est année 70, funk, soul et j’avais besoin de le retrouver sur un visuel puis j’ai fait appel à un ami qui s’appelle Pascal Bosquet qui est Suisse d’origine Réunionnaise. Il est designer et il a su retrouver l’essence même de ce que je voulais. 

Est-ce que dans ton parcours le fait d’être noir a rendu les choses plus difficiles ou est-ce qu’une fée blanche s’est penchée sur ton berceau ? 

Non pas encore de business angel (rire), toujours à la recherche. Tu as vu que mon nom était à rallonge, j’ai la chance d’avoir un prénom assez court. Pour l’intégration ça a été un plus facile juste pour le prénom. Déjà quand j’étais en France, je sentais qu’il y avait pas mal de limite quand tu venais d’un certain quartier et qu’en plus tu avais un nom à consonance étrangère. Quand Le Pen est passé au deuxième tour des élections, je me suis dit là vraiment… Je me suis dit j’ai la chance d’être Français, je peux aller dans tous les pays qui me plaisent. J’ai mon cousin David qui est Suisse et qui vivait ici. J’avais l’habitude de le voir durant mes vacances à Lausanne. Ça se passait bien pour lui, il est ostéopathe, physiothérapeute et  hypnothérapeute. Je me suis dit que j’allais refaire ma vie ailleurs, tenter ma vie ici.

Je suis venu ici avec mes diplômes (il a fait des études supérieures) en faisant tout pour trouver un emploi avant de lancer mes projets d’indépendant et à ma grande surprise, je n’ai rien trouvé. CV sur CV, j’ai essayé de décrocher des rendez-vous. Je n’avais jamais d’entretien et je recevais que des lettres type en retour. Je me suis dit mais qu’est-ce qui se passe ? Si j’avais eu au moins la chance de me défendre lors d’un entretien et de pouvoir montrer mes qualités !  Le problème c’est que je n’arrivais même pas à avoir d’entretien comme si mon nom ne passait pas lorsque j’envoyais mon CV. Alors je me suis lancé en tant qu’indépendant avec mon cousin David et puis le concept I am Shÿ est né. 

Peut-on parler de discrimination? Quelle différence entre la Suisse et la France ?
 
En France, j’ai l’impression que les gens sont beaucoup plus rudes. Ce qui veut dire que si on n’aime pas ta gueule tu le comprends tout de suite. 

Ici c’est plus subtil ? 

J’ai l’impression. Ici tout le monde est cool, tu sors dans la rue, bonjour Monsieur, Madame. Je trouve ça chouette. Mais après tu sais qu’il y a des facteurs d’intégration comme aller en discothèque ou trouver un emploi pour te sentir comme les autres. Ici, il m’a été impossible de trouver un emploi, même un emploi qui n’était pas en rapport avec mes diplômes ! J’essayais de m’intégrer parce que je venais d’arriver, à avoir mon premier salaire. J’ai cherché partout… pas un seul entretien ! Je connais mes origines, je sais d’où je viens, je sais qu’il a toujours fallu que je me batte pour réussir dans la vie. Je l’ai fait aussi en Suisse en partant de zéro et puis ça commence à porter ses fruits. Je ne pense pas que la Suisse est plus raciste qu’ailleurs. Le racisme, la peur de l’étranger c’est universel ça se trouve partout. C’est une connerie humaine tu peux rien n’y faire. A la base, il y a l’ignorance et partout où tu iras, tu te trouveras confronté à des ignorants. 

Un racisme institutionnalisé en quelque sorte…

Le problème comme partout est que pour que ton CV passe, il faut qu’il soit lu par les personnes importantes comme tu le dis les Ressources Humaines et voilà quand ça ne passe pas, ça ne passe pas. Il y a vraiment une barrière à ce niveau là. C’est dommage mais il faut toujours se battre pour la contourner, c’est ça le message que je veux faire passer. On devra toujours bosser deux fois plus que les autres pour être considéré. (…) 

Tu perds parfois le sens des réalités? 

Pas du tout. Le sens des réalités revient très vite. J’ai différents emplois. J’ai la boutique, le shop, le club et je travaille également au CIO. Je sais que le fait de côtoyer les vrais gens, les gens de la rue, les gens qui se lèvent le matin pour bosser et aussi la famille autour de moi, c’est ça la réalité. Le strass et les paillettes c’est du domaine du rêve. Il faut pouvoir donner du rêve aux gens ça te fait garder l’espoir mais la réalité c’est le boulot. 

Qu’est-ce qui t’énerve dans la vie ? 

L’ignorance, le racisme et la bêtise humaine me tuent. Une autre chose qui m’énerve c’est la pauvreté. Avec mon cousin David on a créé une association qui s’appelle « Les amis d’I am Shÿ ». L’idée c’est serait de pouvoir trouver des finances assez rapidement avec le Club que l’on a monté pour transformer cette association en Fondation et travailler dans notre pays d’origine qui est le Bénin. Pour pouvoir monter des dispensaires et des écoles dans les villages. Des dispensaires pour donner des soins pour toutes les personnes défavorisées et des écoles pour tous les enfants qui ne peuvent pas étudier. 

Quelle est l’actualité d’I am Shÿ ? 

On a ouvert une discothèque le Shÿ Club. On l’a ouverte il y a un mois et ça démarre très fort. On est vraiment très content. 

Est-ce qu’avec le succès vous allez le transformer en club select ? 

Select au niveau de quoi !? Select au niveau de l’attitude c’est tout. Ça veut dire que si tu viens avec le sourire t’es bien reçu chez nous. C’est ça qui est le plus important. Il y a une fille qui était venue me voir qui pensait qu’on était une secte. Je lui ai dis pourquoi ? Elle m’a répondu parce que tout le monde nous accueille avec le sourire de la sécurité jusqu’aux vestiaires. C’est vraiment la bonne humeur et puis la bonne musique. 

Chaque année tu es au Festival de Cannes, comment cela se fait-il ? 

Je suis vraiment passionné par le cinéma et avec mon cousin, on a créé une boîte de production appellée « I am Shÿ film » parce qu’on a déjà produit des disques, on a réalisé des clips et le projet pour 2010 serait de présenter un film au festival, mais ça reste un projet.

Comment tu t’y prends pour entrer à l’intérieur des fêtes du festival et approcher les stars ?

(Rire). Aha, je ne vais pas tout te dire, c’est un secret sinon les gens vont pomper ! 

Comment vois-tu I am Shÿ dans dix ans ? 

Le futur, c’est la Fondation pour qu’on puisse vraiment réaliser notre rêve et tu le connais c’est ce dispensaire au Bénin avec cette école pour les défavorisés, c’est ça notre véritable ambition.

Laurent Opoix

lien: www.shy-wear.com

Laurent Opoix

  1. Avatar
    Thalia
    | Répondre

    Je comprends à présent d’où sortent tous ces sacs en bandoulière “I’m Shÿ” portés par certains jeunes de Lauz. Chouette article qui donne envie d’aller voir le Shÿ club ce week-end! (ou plutôt le week-end d’après, ce samedi ce sera plutôt standard Café with LBB!).

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