Finalement, autour d’un verre, c’est elle qui, presque comme dans un long fleuve tranquille, m’a parlé de son travail de céramiste. Les questions, une fois que Sylvie était lancée, j’ai pu les ranger.
Son actualité la plus brûlante est effectivement une performance alliant nourriture et os. Elle aura lieu à la Galerie Janus à Montreux, le 31 octobre 2014.
Genèse
Mais revenons à la case départ, un peu floue. En effet, c’est une très longue histoire. Sylvie a déjà travaillé avec deux autres céramistes, Alexis Capt et Michèle Rochat, pour le cuisinier Didier de Courten. Cela a donné le livre Empreintes, paru en 2008. Ce projet a également généré une réflexion sur le rapport entre contenant et contenu, sur des méthodes de travail où il faut se rencontrer entre disciplines et vivre les gestes liés au manger. Car manger se décline : avec couteau-fourchette, dans des feuilles de bananes, avec baguettes, avec les doigts.

Après cette première expérience mêlant céramique et art culinaire, le trio a une envie commune de continuer mais finalement, la prochaine étape est la rencontre de Sylvie et Fátima Ribeiro. Ensemble, grâce à une même énergie, une même passion et des gestes précis, une collaboration peut se mettre en place : elles forment le duo Mets en scène. Fátima est aussi comédienne, en plus d’être cuisinière. Pour leur première performance, les deux femmes feront jouer ce qu’elles maitrisent le mieux : la porcelaine et la nourriture, sur des tables qui feront office de scène.
Apéro sur des pierres tombales
Dans certaines traditions catholiques, on prend le repas sur la tombe du mort pour partager avec lui, pour le fêter. Le concept qui sera présenté le 31 octobre à Janus mêle la chaire et la mort, contrasté par la pureté du blanc de la porcelaine. Une porcelaine singulière, la porcelaine à la cendre d’os. Au menu : Soupe de betterave sanguinaire, mousseline de lentilles à la consistance de moelle, raisins-yeux. Un pari plein d’incertitudes et de trac, mais tout à fait dans le thème de l’exposition collective dédié au bijou contemporain qu’il ouvre, La Mort vous va si bien. Les objets créés par Sylvie seront vendus pendant la dégustation et durant l’exposition.
Pas facile de mettre en place une performance de la sorte, il faut un lieu, un espace prêt à accueillir quelque chose de si éphémère et de si novateur. La galerie Janus, qui prévoyait depuis plus d’un an cette exposition sur la mort, propose d’accueillir le duo pour son vernissage. Un sous-sol sombre pour une expérience qui se veut dualité sensuelle du goût et du toucher, et d’un visuel très poignant.

Céramique
Cet événement culinaire s’inscrit dans le travail que réalise Sylvie depuis quatre ans autour de l’os. Elle affectionne particulièrement la porcelaine à la cendre d’os, aussi appelée « bone china ». Ce matériau est très raffiné et précieux, et surtout, il permet un rendu quasiment translucide, très rare. Sylvie apprécie aussi sa blancheur élégante et le fait, qu’une fois poli, son toucher est très doux. Elle utilise la bone china pour les types d’objets qu’elle crée le plus : les bijoux et les récipients.
Lausanne, allers-retours
Je sais que Sylvie a fait plusieurs voyages entre Lausanne et le Japon. Je lui demande ce que ces voyages lui procurent, que Lausanne ne lui offre pas. Bien sûr, ces voyages qui la nourrissent, l’enrichissent. Mais il n’y a pas de dichotomie entre les deux. L’ailleurs, c’est surtout le calme. La vie à Lausanne est très, trop remplie. Il faut jongler entre travail artistique et l’autre, l’alimentaire, puis la vie de couple, les amis, la famille. A Lausanne, comme elle le dit, tout est chamboulé, mais c’est aussi là où se trouve son réseau, ses points de vente.
Les voyages deviennent alors des parenthèses de créativité intense où les idées fomentées lentement peuvent tout de suite prendre vie, en s’adaptant aux conditions offertes. Désordre, propreté aléatoire, humidité dans le cas du dernier voyage, près de Nagoya. Surtout, de longues journées très simples, où le travail peut prendre toute la place, dans un rythme qui permet une sérénité propice.

Elle me parle de ses cuillères : Il y a beaucoup de casse dans la porcelaine, lors des cuissons notamment. Lors de la première cuisson, justement, la matière récupérée s’appelle le biscuit (mmmh !), et elle est encore très poreuse, donc, il est possible de la transformer. Lors d’un voyage en Chine, en 2005, l’idée des cuillères était apparue une première fois avant d’être supplantée par une autre. La cuillère, comme lien entre l’Europe et l’Asie, l’ustensile commun, plus fort que baguettes, couteaux, fourchettes. Puis cette histoire de casse, de déchets est devenue plus importante avec l’utilisation de la précieuse bone china dans son atelier lausannois. Enfin, lors du dernier voyage au Japon, Sylvie concrétise et recycle des morceaux cassés trouvés dans l’atelier où elle réside.
8 Responses
Laurence
Yep, trop bien !!! Et trop belles photos (de l’artiste et de son taf ;))
BRAVO MATHILDE ET SYLVIE, you are terrific !!! I really do.
Très beau travail de création.
“Art resides in the quality of doing, process is not magic.” as Charles Eames said.
Mathilde
Merci Laurence pour mon premier commentaire ! Avec une citation, en plus !
Sylvie
Merci Mathilde!
Mathilde
Merci à toi, tu t’es prêté au jeu !
Françoise
Magnifique article, clair et passionnant ! Bravo Mathilde !
On a envie de déguster des mets dans une telle vaisselle !
Mathilde
Merci beaucoup pour ces compliments !
Tu peux venir au vernissage le 31 à Montreux !
annuaire
Moi aussi je veux bien rencontrer cette fameuse Sylvia!
Mathilde
Le vernissage a lieu demain, à Montreux. Toutes les infos ici : https://www.facebook.com/events/1482610345344654/?sid_reminder=5689056733310222336