Festival cinémas d’Afrique. Un regard en Algérie: Babor Casanova

Festival cinémas d’Afrique. Un regard en Algérie: Babor Casanova

Karim présente son premier court métrage, Babor Casanova, ce vendredi au festival. Rencontre avec le réalisateur.

Son parcoursKarim

Karim Sayad est né il y a presque 32 ans d’une maman suisse et d’un papa algérien. Ce Lausannois choisit ensuite d’étudier les relations internationales à Genève. Etudes qui le mèneront à travailler pour diverses ONG en lien avec la défense des droits humains jusqu’en 2014. Cette année-là lui est offerte la possibilité de réfléchir à son avenir, et c’est vers la réalisation qu’il a envie de se tourner. En effet, Karim m’explique qu’imaginer, filmer et monter des films faisait déjà partie de sa vie depuis longtemps. Et en réalité, il avait déjà réalisé deux courts métrages en parallèle à son travail. En 2014, il se dit « c’est maintenant ou jamais ! » et commence à écrire et monter un dossier présentant son projet de court métrage. C’est la boîte de production genevoise Close up qui va lui permettre de faire cette première réalisation en autodidacte.

Après y avoir passé de nombreuses vacances et y avoir travaillé un an, Karim décide de parler de l’un de ses pays, l’Algérie. « Je pouvais, dans le rapport à l’Algérie, faire quelque chose, transmettre un regard et un ressenti sur ce pays. Dans ce que je voyais à la télévision ou dans les films, cela ne correspondait pas à l’Algérie que je connaissais dans la vie. C’est très bien que ces films existent mais ce n’est pas la vie de mes cousins. Une grande partie des films traitent de la guerre d’Algérie. On regarde derrière et pas devant ».

Babor Casanova

Pour ce projet, Karim s’est rendu sur place de nombreuses fois. Il a commencé par les personnes qu’il connaissait par son réseau ou celui de son père. Il a fait ses repérages tout seul. Lors de ses séjours, il s’est rendu plusieurs fois au stade de foot : « Ce qui me fascinait, c’était les supporters et les chants. Près de 80% des chants étaient politiques. Leur analyse était fine et pertinente. C’était construit, et j’y trouvais même une certaine poésie.» Dans un pays comme l’Algérie, pays autoritaire, Karim trouve cet espace de liberté très intéressant. Depuis la fin de la guerre, il est interdit de faire des grands rassemblements, remarque Karim. Les stades sont l’un des seuls endroits où il y a des rassemblements de jeunes hommes.

Babor Casanova traite de l’ennui et la frustration de deux jeunes d’Alger. Ils gagnent un peu d’argent illégalement, et leur principale passion est le football. Dans la représentation actuelle, ces jeunes sont considérés comme des petits voyous. Mais Karim veut sortir de ces représentations  « Ce discours ne me va pas. Pour moi c’est les seuls moyens qu’ils avaient d’avoir de l’argent et des loisirs. J’ai envie d’accompagner le spectateur et lui dire : Passe tes préjugés, il pourrait être ton petit frère ! ».

Babor CasanovaAprès avoir cerné les thèmes de son court métrage, Karim cherche les jeunes qui pourraient jouer dans son film. Il repère un chanteur au stade, un jeune homme très charismatique.  C’est lui qui composait les chansons : « d’ailleurs, ce sont les chansons qui sont dans le film ». Karim s’intéresse aux « ultras », les supporters les plus fervents. Certains étaient d’accord d’être suivis mais ils voulaient que l’on masque leur visage. Cela n’était évidemment pas possible. Karim cherchait à faire un film très proche de la réalité, mais pas un documentaire. Par chance, le chanteur, lui, accepta. Mais les aléas de la vie en décident autrement, puisque ce jeune homme s’est fait arrêter 3 semaines avant le tournage pour 2 ans d’emprisonnement. Là, Karim ne se décourage pas et trouve un autre jeune, fanatique de foot aussi, qui a déjà joué dans un film mais qui n’est pas un acteur professionnel. Le film peut quand même être tourné, soulagement.

Le tournage se fait sur 3 semaines entre février et mars 2015. L’expérience est intense pour Karim qui travaille pour la première fois avec une équipe professionnelle suisso-algérienne. Tourner en Algérie n’est pas simple, il faut des autorisations pour pratiquement toutes les scènes extérieures : « on flirte avec la ligne rouge, mais on ne la dépasse pas ». Pour Karim : « c’est une expérience humainement incroyable, l’énergie était très kiffante ».

De Locarno à Lausanne

Le film est présenté l’année dernière à Locarno. Ensuite il fait une quinzaine de festival partout dans la monde, dont l’Iran, l’Egypte, le Maroc, les USA, l’Italie, le Portugal et la France où le film remporte un premier prix à Lisbonne et un autre à Clermont-Ferrand. Mais c’est la première fois que le film est projeté à Lausanne dans le cadre du Festival Cinémas d’Afrique: «Oui, c’est la première fois que je joue à domicile. Beaucoup de mes copains l’ont déjà vu, mais voilà, c’est à la Cinémathèque. J’ai une certaine fierté. Je suis content et je serai présent pour rencontrer la Lausannerie ».

Projets ?

« Oui ! Je suis en tournage avec la même équipe, mais pour un premier long métrage, toujours à Alger. Je m’intéresse à une pratique bizarre, le combat de béliers. Cela interroge à nouveau une certaine jeunesse, en se demandant comment tu extériorises tes frustrations en tant que jeune ».

Karim se réjouit de ce nouveau projet, tout en rappelant que, pour y arriver, il lui faut de la ténacité, de l’envie, de la patience et du travail, beaucoup de travail. En effet, écrire un dossier peut prendre 3 mois ; ensuite, stresser pour savoir si le producteur va l’accepter ; ensuite, une fois les fonds arrivés, il y a une certaine pression : « il y a une responsabilité morale, on nous donne l’argent du contribuable, cela n’est pas juste pour ton petit kiff !». Ensuite, il y a le montage, l’attente des réponses pour les festivals : « Cela ne s’apprend pas, c’est un éternel recommencement. Il faut être tenace et persévérer ! ».

 

 

Séance en collaboration avec le Bureau lausannois pour les immigrés (BLI) en présence de Karim Sayad

Vendredi 14h au salon bleu

Dimanche 12h30 au salon bleu

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.