Eclairez vos Lanternes!

Eclairez vos Lanternes!

Posté dans : Culture 0
Depuis le début de la saison, le zinema propose un nouveau rendez-vous autour du cinéma pour adultes, La lanterne phallique. Il vous est proposé, en plus des projections et des performances, de réfléchir sur un thème qui a attrait aux représentations qui entourent les sexualités.

La Lanterne Phallique, comme énoncé sur leur site, souhaite faire découvrir au public l’histoire, la technique, l’esthétique et le plaisir du cinéma pour adultes, et par là contribuer au développement d’un regard critique sur les images et représentations des sexualités à l’écran. Elle est notamment soutenue par la Loterie Romande.

Intriguée par ce nouvel événement lausannois, j’ai contacté le zinema pour en savoir un peu plus sur cette initiative originale. Laurent Toplitsch, fondateur du lieu, m’a rapidement répondu et proposé un entretien la semaine suivante. J’arrive donc dans l’entrée du zinema un midi, salue les deux hommes présents et m’installe au bar, avec un petit café. Là, je commence en leur demandant de me parler un peu de leur parcours avant de me raconter comment le projet a vu le jour. Laurent me répond très sérieusement : « on a joué dans un boys band ensemble pendant de nombreuses années, on a vendu des millions de disques, puis après tout le monde nous a oubliés. Et pis en fait on s’est dit que pour revenir sur le devant de la scène, il fallait un truc fort, en fait il fallait du cul… » Le ton était donné ! Après avoir ri, il me dit qu’en fait il a rencontré Mickaël Ronsky, l’actuel programmateur de la Lanterne phallique, lors de l’édition 2011 du LUFF (Lausanne Underground Festival Film). Ce dernier était venu approcher la réalisatrice de films érotiques lesbiens, Maria Beatty dont la rétrospective cinématographique était projetée au zinema cette année-là. Après avoir fait plus ample connaissance, Mickaël a proposé des soirées à Laurent qu’ils organisaient ensemble. Ils m’expliquent ensuite qu’ils ont mis en place des cours de bondage, car Mickaël enseigne cet art. Il me précise qu’il a été tout d’abord contacté pour être un des invités performeurs de la Lanterne phallique, avant de devenir le programmateur. Une aubaine pour Laurent qui cherchait quelqu’un qui puisse être à l’aise « là-dedans » et qui aurait un certain nombre de contacts. Ainsi, il a pu laisser Mickaël faire entièrement la programmation, sans avoir besoin de le seconder.

Comme me l’explique Laurent, l’idée a émergé il y a plus d’un an, dans la foulée du LUFF. Après avoir constaté que les gens se pressaient pour aller voir les films de Maria Beatty, il a constaté qu’ils n’osaient pas aller vers la réalisatrice. Il admet que malgré cet engouement, ils devaient être gênés puisque ses films sont à la limite de la production pornographique « mainstream » lesbienne. Après m’avoir expliqué en quoi il pensait que cela correspondait aux films d’exploitation, il dit qu’il voulait proposer autre chose au public. Il souhaite voir un accompagnement à ces films, il se dit intéressé à dépasser les premiers thèmes et à aller explorer d’autres champs. Il précise enfin qu’il faut « construire un cadre de toute pièce » pour mettre cela en lumière et le rendre accessible, c’est comme cela qu’est né le projet de la Lanterne phallique. Il rappelle s’être inspiré pour le titre de leurs soirées du nom de la lanterne magique, club de cinéma pour les jeunes enfants de 6 à 12 ans dont le but est de faire découvrir des films avec un cadre pédagogique. Ainsi, il s’agit à la fois de prendre un « contre-pied et de se payer la tête d’un cycle qui existe depuis longtemps et qui ronronne vraiment beaucoup », et qui correspond pour Laurent au plus grand service de « baby-sitting de suisse ». Il dénonce rapidement le monopole de ce club en mettant en lumière qu’il n’y a plus de recul ou de réflexion autour de cet éveil au cinéma destiné aux jeunes enfants. Il pointe aussi l’absence des parents aux séances, comme étant une possibilité pour les organisateurs de ne pas se remettre en question.

Finalement, les parents ne savent pas vraiment ce qu’il s’y passe, me dit Laurent. « On prend le contre-pied de cela, nous on va éduquer les parents en parodiant la lanterne magique qui veut éduquer les enfants à tout prix en disant que ce qui intéresse les parents ce n’est pas le passage du muet au sonore mais c’est par exemple le sexe dans tous ses états, et puis le cinéma devient un vecteur d’une expression (…) des humeurs et des époques et des modes de tous ce qui concerne le sexe ». Il trouve intéressant de mettre sur pied ce type d’événement actuellement, car il constate un certain repli, en précisant que cela ne concerne pas que le sexe. Il prend l’exemple récent de l’interdiction d’un concert punk par la municipalité lausannoise. Pour lui, cela va toucher au rapport au corps et à la sexualité. Il me dit que les gens sont amenés à faire renaître une certaine censure.

Dans la démarche qu’ils entreprennent, ils veulent aller contre les « petits soldats » et amener les gens à réfléchir sur une thématique.

Quand je leur demande comment s’est passée la première séance de la lanterne phallique qui a eu lieu en septembre, ils me disent que cela s’est bien passé. D’après Mickaël, il est important que les gens ne restent pas dans « le confort de leur porno sur le net ». Il me précise que les gens qui viennent savent où ils « mettent les pieds » mais qu’évidemment, il est intéressant que cela les interpelle ou les surprenne aussi. Il se dit curieux du résultat que cela donne dans une séance collective, qui ajoute une expérience collective, une dimension complètement différente. Ils se disent satisfaits de cette première séance, au public hétéroclite. Mickaël me dit être ravi d’avoir eu un compliment de la part des performeurs invités qui leur ont fait remarquer qu’ils étaient la seule manifestation de ce type en Europe à avoir une programmation très large qui couvre toutes les sexualités et qui ne soit pas uniquement gay et lesbien.

Laurent revient sur l’idée d’un certain repli en prenant l’exemple des projections, puisqu’il passe des vieux films qui n’avaient pas connu de censure et qui aujourd’hui attirent des remarques. Pour lui, la Lanterne phallique a comme enjeu principal de montrer que la roue tourne ; la représentation du sexe en est un bon indicateur.

Quand je leur dis que bien que ne connaissant pas la programmation du Moderne, je me demande comment est perçue une telle initiative à Lausanne, Laurent me coupe directement en me disant qu’il n’y a pas de programmation dans ce cinéma. Il m’explique qu’eux ont un positionnement dans ce champ que ce soit sociologique, artistique, historique ou autre, alors qu’au Moderne, ce n’est pas le cas. Pour Laurent, c’est un lieu de rencontre gay déguisé en cinéma.

Mickaël me dit être un peu « halluciné » que je pose cette question. Pour lui, le Moderne est un cinéma de « cul » qui n’a aucun rapport avec ce qu’il propose. Il aimerait amener une réflexion autour du X ; d’ailleurs est-ce vraiment une culture ? me demande-t-il.

Il précise qu’il présente des personnes qui ne font pas du porno « mainstream » et qui ne se reconnaissent pas dans ce type de porno, où « une fille se fait toujours jouir sur la figure à la fin ». Il veut proposer des produits de réflexion plutôt qu’un produit de consommation. Ou alors il va aussi présenter des films avec des personnes qui font des films et qui n’essaient pas de se justifier sur leur sexualité soi-disant « déviante », rappelant que c’est toujours la question de la normalité qui est au centre de ce type de questionnement. Pour Laurent, ils utilisent les codes du porno et les détournent.

La programmation repose uniquement sur Mickaël, qui essaie non pas de combattre les idées reçues mais d’amener les gens à réfléchir sur ce qu’ils voient. C’est pourquoi il a choisi des films qui s’attaquent à certains tabous. Il parle notamment du film Fetishes en affirmant qu’a priori, on n’en sort pas la « même chose » que quand on est entré. Le public peut voir le côté humain des gens et se rendre compte que le sexe n’est pas à part, mais fait partie de la vie de ces gens, comme d’eux-mêmes. Pour se rendre compte finalement que « les gens qu’on trouve bizarres, ils nous ressemblent beaucoup ». Il relève que certaines personnes peuvent du coup se sentir déçues de découvrir que, finalement, ceux-ci ont une vie qui ressemble à la leur.

Quand je leur demande si c’est une réelle volonté de leur part de proposer toutes les « sortes » de films, ils me le confirment. Mickaël me dit qu’il a pensé à du « sexe militant », en citant l’exemple de la réalisatrice française Ovidie qui viendra présenter un film porno féministe au mois de novembre ; il me parle aussi du film de Virginie Despentes. Il précise qu’ « autant il y aura des films que les féministes pures et dures, dont, elles seront contentes, elles pourront dire « ah c’est vraiment machiste et phallocrate », autant il y a l’inverse », insistant sur le fait qu’il ne s’est pas limité à un type de film, ni à ses goûts personnels. Il est attentif au fait qu’il n’y ait pas de jugement mais que la parole soit donnée aux gens qui ont quelque chose à dire, que l’on soit en accord ou non. Pour Laurent, cela correspond à l’exploration des différents champs de la sexualité.

Mickaël m’a dit aussi insister pour que le sexe ne soit pas trop intellectualisé en me parlant par exemple d’un film de Bruce Labruce. Pour lui ce réalisateur gay va plus loin puisqu’il « s’en fout de justifier quoique ce soit » et a fait par exemple un film gay zombie. Laurent m’explique que cela fonctionne comme dans les histoires de vampires dans le sens où si le zombie attrape quelqu’un, celui-ci devient gay, il relève que si l’on prend la métaphore de la maladie, par exemple, ça n’est pas inintéressant. Il me dit que « l’air de rien, c’est ça qui [les] intéresse. Pas besoin d’en faire des caisses, il y a des choses qui sont dites et énoncées, pas forcément académiquement. Et tout est là ».

Prochaine séance demain vendredi 26 octobre pour le film Flower and Snake. Avec la participation et une performance de Bérénice V, jeune femme parisienne qui exerce l’art du bondage. Mickaël précise qu’il s’agit d’une des seules femmes en Europe qui est invitée sur les scènes spécialisées et qui suspend des hommes. Ceci est intéressant car il permet de sortir du cliché où seules des filles sont attachées, sauf sur les sites gay. La jeune femme, Bérénice V a choisi le film, qui est d’après Mickaël un film très machiste, il sera donc intéressant d’entendre pourquoi elle a fait ce choix.

Si cela vous intéresse, il y aura donc demain vendredi 26 octobre le film Flower and Snake accompagné de deux performances. Et si vous vous sentez de vous exercer, le lendemain, samedi 27 octobre, a lieu un cours de bondage à l’école de yoga Color sense.

Pour en savoir plus :

http://lalanternephallique.ch/

http://airshibarilausanne.wordpress.com

http://www.ropes-n-roses.tumblr.com

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.