Du culte des femmes rondes

Dans mes années estudiantines, j’ai pu côtoyer une dame, lesbienne, en fauteuil roulant et obèse.  Elle ne militait pas seulement pour les droits des gays et handicapés, elle militait aussi pour les gros. A fond dans la mouvance Size Acceptance. Compte tenu du fait que les Américains  étaient a l’époque, et même maintenant deviennent de plus en plus obèse, je trouvais la démarche de cette femme quelque part louable. Non contente d’en rester à réclamer les sièges d’avions plus larges, elle faisait du lobbying auprès des fabricants de textiles pour faire davantage de vêtements fashion en taille xxl, ou auprès des médecins et nutritionnistes pour dire que les gros mangent aussi sain et font autant de sport que Monsieur ou Madame Tout-le-monde. Bien que n’étant pas partisane a 100% de ses propos, je trouvais quand même sympa l’idée que la beauté, la santé et le bonheur existent en toute taille. J’en ai marre de voir de ces stéréotypes des gros comme étant lents, stupides, obsédés par la nourriture, etc. La fille qui fume deux paquets de clopes par jour, mais qui peut quand même rentrer dans son tailleur italien taille 32; que ce soit elle le portrait de la bonne forme…ce genre d’hypocrisie m’exaspère.  

J’ai eu l’occasion de revoir ces souvenirs de ma jeunesse lointaine l’autre jour. N’étant pas ce qu’on pourrait appeler « mince », je ne rentre pas non plus dans les critères BBW (Big Beautiful Woman) si on se fie aux descriptifs dans le lexique de l’organisation phare francophone du Size Acceptance movement, www.allegrofortissimo.com/lexique, je ne suis pas totalement indifférente au sort des rondes au format XXL, car je m’identifie plus facilement à elles qu’aux top models. Je peux constater qu’être ronde en Suisse, ce n’est pas la même chose qu’aux Etats-Unis. Primo, ils sont tous gros aux Etats-Unis, donc cela ne se remarque ni ne se ressent plus que ça. En Suisse, en revanche, toute femme supérieure à la taille 40 se fait remarquer. A la parfumerie, les assistants nous donnent des échantillons pour les crèmes amincissantes ou des gommages contre la cellulite. On nous fait des regards de travers lorsqu’on mange tranquillement notre pain au chocolat dans la rue. Des fois nous nous faisons même aborder par des indiscrets. 

Car il y a aussi le revers de la médaille. Les hommes qui préfèrent les rondes, au même titre que les hommes qui préfèrent les blondes, comportent en leur sein des fétichistes qui, au lieu de se plier à la dictature taille 34, se vouent un véritable culte à la taille 54. Pour cette dame en fauteuil roulant, la plupart de ces hommes, qu’elle voyait comme des casseurs, poussaient leur Size Acceptance trop loin. Alors qu’elle cherchait l’égalité, eux cherchaient à vénérer les rondes. Moi-même, j’en ai rencontré de ces hommes. Bien que convaincue de la sincérité et de l’intégrité de certains d’entre eux, il y en a aussi que je méprise, au même titre que les accros à la pornographie. Comme tout dragueur qui se respecte, eux aussi ont leurs tactiques bien rodés.  Ils ciblent les filles avec quelques kilos en trop et espèrent qu’elles sont en manque d’amour propre. Ils disent qu’avant tout, aimer les rondes c’est une préférence, mais leurs gestes en disent long. Ces hommes qui ont envie de te regarder manger sont les mêmes hommes aux mains baladeuses qui effleurent tes fesses dans les transports en commun pour ensuite te faire le reproche de prendre trop de place. 

Je vous l’accorde: ces hommes, quelque part, qu’est-ce que j’en ai à faire s’ils préfèrent les rondes ?  Pourtant, je suis contre cette idée que l’idéal féminin réside dans la taille ou le look des femmes. Ca me fait également un peu rire de penser les hommes qui aiment les femmes sont considérés comme fétichistes, alors que ceux qui aiment les minces sont des hommes normaux. 

Dans tous les cas, n’existe-t-il pas une autre façon de penser les femmes qu’en tant qu’objets ?

Nicole –