Don’t wanna be Obamaself

Posté dans : Société 5
Réaction sur le mutisme de tout un restau lausannois devant l'allocution du résident des Etats-Unis.

Mardi 4 novembre 2008, un noir a priori sympa décroche un bon poste à 100% dedans de les Etats-Unis de l’Amérique. Mercredi 5 novembre 2008, un mec, attablé avec deux autres types, se lève dans le restau où je mange avec mes amis, pose le classique “chting chting chting” annonçant un toast imminent et lance à la cantonade: “Hey ley gars, j’m’exquiouse de vous dérangey, mais j’aimerey quand même vous demandey de faire diou brouit pour Barack Obama! On est american, et ça niou fait vraiment plaisir!”. Le flop. “Alley, faites diou bruit, quoi!” Deux ou trois claps gênés résonnent dans le silence de l’endroit pourtant bondé et notre intermittent de la vie se rassoie dignement, comme si le seul bide qu’il ait jamais connu était celui qui lui sert en ce moment à digérer ses frites. Mini-débat à ma table. “On est quand même trop con d’avoir rien dit! Le pauvre!” lance une copine. “Mais ouais!” répond un pote. Et moi d’être tout à fait d’accord avec cette violente prise de position! Une morse. Deux morses. Le malaise fout le camp. L’ambiance repart. Ouf, c’est passé. On n’aime pas ça, hein, ces moments bizarres où on sent que quelque chose nous chiffonne mais on sait pas bien quoi. Alors on dit: “Il est bon ton steak?”, pis on rigole de nouveau.

On n’aime pas ça, mais c’est quand même bien d’y revenir si le malaise persiste. Alors j’y reviens. Ce qui me déplaît, dans cette histoire, c’est pas tant le fait que ce soit “salaud” ou pas, finalement. Après réflexion, c’est plutôt de ne pas réussir à nous situer dans le pourquoi du grand silence bidique qui a suivi la petite allocution de notre antihéros d’un soir. A une extrémité de l’échelle, je pose la légendaire tiédeur ascendant Mr.Freeze communément admise (même si non vérifiée empiriquement) du peuple helvétique à propos de ce genre de happenings. “Hé, mais il veut quoi, ce tâââré! La dèche qu’il se paie, tes colles…”. Et je me moque pas, hein, je suis comme ça aussi! Qu’est-ce qu’il peut me tendre, par exemple, ce grand pain chevelu, avec son casque, qui chante à tue-tête dans tout Lausanne ce qui lui passe dans les esgourdes… Il ferait pas de mal à un bostriche, mais il me gonfle, c’est indescriptible! D’autres, il les ferait marrer, ben moi, il me les brise. Pis toi, qui me causes dans le bus, on se connaît ou bien? Tu vois pas que j’écoute le nouveau Jedi Mind Tricks? Pas moyen d’être tranquille. Oh non, encore un tox qui vient me demander une thune pour aller pioncer au Ragondin…

A l’autre bout du continuum du silence que j’essaie de monter, je propose, après l'”Obamania”, l'”Obamaintenant, ça veut suffire ou bien?”. Ca m’est apparu en regardant la soirée électorale du mardi. Une moitié des sujets avait pour thème: “Meuh quel bon type, c’t’Oby!”. L’autre moitié: “Salaud, le vieux schnok et Cucul la Palin, ils nous foutent quand même bien les jetons! ”. Niveau impartialité, j’ai vu mieux. Même si je salue, comme tout le monde ou presKKK, l’avancée que représente pour les USA le choix d’un président de couleur, je rappelle que le parti démocrate reste un parti de droite (certes moins conservateur que ses camarades républicains) et que le nouveau président est pour le peine de mort, contre le mariage gay, pas si clair sur le retrait des troupes et pas fondamentalement concret sur quoi foutre avec cette bonne vieille crise. Changer la face du monde? Mouais. Et cette insistance, merde. Depuis quand l’entier de l’opinion publique, beaufs comme érudits, n’avait pas pris fait et cause pour le même mec. Y’a toujours un vieux con qui râle! Il était où? Sur chaque plateau que j’ai pu mater mardi soir, il y avait un consultant américain qui rappelait de temps en temps que McCain pouvait gagner, pour la forme. Le pire, c’est que j’aurais voté Obama étant donné mes orientations politiques et la sympathie qu’il m’inspire. Je me bats juste contre cette image qui me vient d’un pauvre sympathisant de McCain qui se fait lapider à coup de sacs Freitag parce qu’il a osé afficher sa préférence dans un endroit à la mode. Bien sûr, je caricature depuis le début, et que les nombreuses personnes plus érudites politiquement que moi me lance la pierre si j’ai dit des conneries, mais ce sentiment d’obligation de céder à la folie Obama m’a réellement habité et gêné.

Mon silence à moi se situe quelque part entre ces deux tendances. Je ne prétends cependant pas parler au nom de tous et c’est pourquoi je pose la question, à prendre au mot ou plus largement: et toi, pourquoi t’es-tu tu(e), ce soir du 5 novembre 2008?

Yann Marguet

5 Responses

  1. Avatar
    Obamaselfandhappy
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     Bravo pour cet article époustouflant! On se réjoui déjà de lire les suivants! Une excellente analyse d’un malaise que j’ai moi aussi ressenti face au consensus politiquement correct et au bombardage médiatique subit durant les présidentielles US. Merci pour cette prise de position à la fois fine et courageuse. 

    • Avatar
      lie
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      Pareil,
      c’est très drôle et bien écrit et je m’associe tout à fait à ta réaction. J’ai bien aimé le “presKKK” entre autres, et je lis avec un certain plaisir et étonnement, qu’en Suisse, vous finissez également vos questions par “ou bien” ? En France, du moins région parisienne, c’est quasiment tous les 2 mots, genre “comment tu vas ou bien”.

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    fleks
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    Tellement vrai, les media ont tellement cree une opposition manicheenne entre Obama “le messie” et McCain “Satan”.

    Speciale dedicaces a ceux aussi pour qui Obama est un hero et Sarko un facho. Coherence supreme humm..

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    Lukrèsdelamornesaison
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    L’art de jongler avec les mots et de manier le sens critique, c’est ici que ça se passe! Avec en plus une dose d’humour là où il faut, bravo! Yann qu’à continuer comme ça à Marquet les lecteurs/trices, car ce texte est bien plaisant. Et comme les autres, j’attends la suite…

  4. Avatar
    ilogeek
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    Terribles tes articles, mec: on dirait un journaliste qui fait du rap… (Et c’est un rappeur qui t’dit ça.)

    Michelle Obama a dit qu’son mari a mauvaise haleine, le matin, et qu’il ne sait pas mettre le beurre dans l’frigo, ni ses chaussettes au linge sale. Comme quoi y a pleins d’beaufs qui sont d’grands hommes qui s’ignorent…

    God Bless Switzerland…

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