Diplômé et moins de 25 ans? Tant pis pour toi !

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Le projet de réforme de la loi sur l'assurance chômage prévoit un délai de six mois d'attente avant que les étudiants ne puissent toucher le premier centime d'indemnité. Le Lausanne Bondy Blog vous donne une idée des changements concrets qu'une telle révision implique

Salut à toi jeune étudiant fraîchement diplômé. Comment te portes-tu en ces temps fastueux de reprise économique ? Prêt et motivé à trouver l’emploi de tes rêves ? Prêt à entrer sur le marché du travail d’un pas fier et conquérant, l’œil vif et le geste alerte ?

Tu as fait des études en lettres, en psychologie ou en science sociales et politiques, et tu rêves de devenir psychologue, journaliste ou travailleur humanitaire. Maintenant que tu as ton diplôme en poche tu vas enfin pouvoir le trouver ce travail tant convoité. Tu vas pouvoir déménager de ta collocation pourrie et exiguë pour enfin avoir un chez-toi.  Tu vas pouvoir arrêter tes jobs de manutentionnaire à la Coop et de vendeurs d’huiles essentielles par téléphone. Tu vas pouvoir payer des coups à tes potes qui n’ont pas fait d’études et qui ont déjà tous un travail. En bref, tu vas enfin devenir quelqu’un de respectable, passant du statut de l’étudiant oisif et boutonneux auquel le contribuable concède à payer une formation, à celui d’intègre et dynamique travailleur salarié qui contribue fièrement à l’économie nationale.

Seulement voilà, les choses ne sont pas si simples ; on ne devient pas délégué du CICR ou employé à l’ONU comme ça. Ta formation supérieure ne suffit de loin pas pour décrocher l’emploi que tu vises. La concurrence est féroce et le marché du travail est un véritable champ de mine. Enfin tu ouvres les yeux : ta recherche d’emploi balbutiante deviendra rapidement un douloureux chemin de croix. Tu entrevois la multitude de postulations nécessaires pour une hypothétique réponse positive.

Que faire dans ce contexte ? Au vu des profils professionnels recherchés par les employeurs, l’expérience professionnelle semble être un préalable obligatoire. Néanmoins, ton expérience dans la manutention et dans la vente ne semble pas servir à grand-chose dans la présente situation. Tu as beau feuilleter les suppléments « emploi » du 24 Heures, tirer sur toutes les mailles de ton réseau, mettre à jour ton statut Facebook, consulter frénétiquement Jobup et Monster, la désillusion répétée te plonge progressivement dans les affres du défaitisme.

C’est dans cette période charnière suivant l’obtention de ton diplôme que tu as le plus besoin d’aide et de soutien. Comme le rappelle Sabina Rondic, responsable des prestations de passage à l’emploi au Service d’orientation et conseil de l’Université de Lausanne, les six mois qui suivent la fin du master représentent un tournant crucial durant lequel l’étudiant doit s’ajuster et faire ses premières armes dans un monde professionnel qui n’a plus rien de commun avec les jobs d’étudiants. Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique corroborent cette analyse ; en effet, les étudiants ont en moyenne besoin de six à douze mois pour trouver un emploi qui corresponde véritablement à leurs aptitudes professionnelles.

Malgré la factualité implacable de ces propos, la majorité du peuple te voit quand même comme un tire-au-flanc vénal et opportuniste qui ne cherche qu’à prolonger le confort du mou matelas académique sur lequel tu t’es vautré. C’est peut-être pour cela, et dans un esprit vindicatif, que la réforme de l’assurance chômage prévoit un délai d’attente de six mois avant que tu ne puisses toucher tes premières indemnités. Six mois d’attente contre les dix jours actuels. Six mois d’attente pour ensuite bénéficier, non plus d’une année, mais de quatre mois seulement d’indemnisation.

C’est dommage, l’encadrement offert par l’ORP de ta région ainsi que les indemnités versées par la caisse cantonale de chômage auraient pu s’avérer déterminants. La possibilité d’un stage professionnel ou d’un emploi temporaire subventionné dans le secteur professionnel qui t’intéresse aurait pu te sortir de l’ornière. Financièrement indemnisé par le chômage, tu aurais en outre eu les moyens matériels de vivre dignement. Une lueur se serait peut-être remise à briller dans ton œil prématurément devenu larmoyant.

Seulement voilà, malgré toute ta bonne volonté, tu n’as pas les moyens de tenir six mois sans soutien financier. Car si la réforme de la loi sur l’assurance chômage entre en vigueur, tu seras privé d’aide au moment même où tu en aurais le plus besoin. Tu seras dès lors contraint de retourner à tes jobs d’étudiants pour assurer ta subsistance. Un stage professionnalisant mais peu rémunéré aurait été envisageable avec le subventionnement du chômage ; malheureusement, avec la réforme, il ne l’est plus.

Francis

2 Responses

  1. Avatar
    etienne_doyen
    | Répondre

     En Belgique, le stage d’attente est de 9 mois.Du coup, ça ne me semble pas illogique de ne pas toucher le chômage directement à la sortie des études.

  2. Avatar
    fleks
    | Répondre

    Direct dans les fesses pour les jeunes.

    Le resultat est pas vraiment etonnant, habile manoeuvre politique vu la demographie suisse, et si en plus les concernes ne vont pas voter…

    A noter que les cantons qui ont un taux de chomage non ridicule ne votent pas comme les autres… tiens donc.

    Ce qui est vraiment interessant je trouve, c est qu en gros le citoyen alemanique n est pas solidaire du romand. En effet, vu qu il prefere ne pas subir une ponction d environ 30 frs par mois sur son salaire (sur un salaire de 100 000), il laissera le romand se debrouiller avec des augmentations d impots pour couvrir le social. Sur le principe, ca justifie au moins la non mutualisation des reserves pour les assurances maladie. 😉

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