Comment voyager sans problèmes en Arabie Saoudite…

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... ou comment j'ai failli ne pas pouvoir regagner Lausanne. Là où certains voyageurs ont peur de se faire bloquer à la douane avec de l'alcool ou une bible, j'eus plutôt peur pour ce que j'avais laissé à la maison: mon mari, indispensable au royaume saoudien.

Voyager en Arabie Saoudite non-accompagnée n’était pas mon idée la plus brillante. En effet, les femmes ne devraient pas y aller toutes seules, encore moins si elles sont musulmanes. Mais je l’ai fait. Ni par excès de zèle féministe, ni par laxisme de la part de mon mari, qui ne pouvait pas prendre des vacances. J’avais tout simplement envie, comme toute fille, de voir ma mère, installée depuis trois mois à Djeddah comme cadre dans un hôpital universitaire qui, elle aussi, est toute seule. Or c’est exactement ça le problème: les femmes non-musulmanes ont une certaine mobilité (quoique toujours réduite) que n’ont pas les musulmanes, occidentales ou pas.

Je décidai quand même de tenter ma chance. Mon mari me dit que si on me donnait le visa, il me « laisserait » partir seule. Or lui quelque part fut responsable, ce que j’appris plus tard. Pour nous, ce n’était pas une question d’enfreindre les lois saoudiennes mais plutôt une visite familiale. Dans notre logique, si eux, en appliquant leurs lois, croyait bon de me donner le visa, alors tout devait être ok.

Ainsi, je me présente à la douane. Sur la fiche d’entrée, il faut cocher les cases “musulman(e) ou pas” et “marié(e) ou pas”.J’aurais pu, certes, mentir, jouer l’occidentale et me présenter à la douane en Américaine. Mais deux choses m’en empêchent : 1. Mentir sur son Islam est un péché majeur et 2. Si je ne peux pas vivre pleinement mon Islam et être « out » avec mon foulard en force en Arabie Saoudite, ou puis-je le faire (certainement pas en France, mais c’est une autre histoire)?

J’eus de la chance pour une chose: sur tous les visas destinés à l’Arabie Saoudite des femmes que j’ai vus auparavant, le parent mâle le plus proche est normalement signalé. Sur le mien, rien, sauf le nom, écrit en arabe, de celui qui devait être le patron de ma mère, ou le mec qui réclamait le visa, je n’en sais rien. Mentalement, je m’apprête à jouer sur ce fait (ni mon père, mon frère ou mon mari ne figurant sur mon visa), en cas de désaccord. Je regarde autour de moi. Il est trois heures du matin quand mon vol arrive et je suis la seule femme non accompagnée. Grand moment de solitude. J’approche le comptoir et le monsieur feuillette mon passeport, il regarde ma carte de débarquement, et demande à un collègue qui parle anglais de venir. Je dois m’asseoir loin des autres voyageurs. Le collègue me demande: “Mais il est où ton mari?” D’une petite voix je lui réponds, “En Suisse.” Il regarde ma carte. “Mais tu es mariée? Zawji arabi?” Il continue: “Mais il est quoi ton mari? Syrien? (mais d’où il sort ça? Mystère…). Tu es musulmane. Tu sais que ça ne se fait pas. Tu dois voyager avec lui.” Il ne fléchit pas. Je m’imagine rester dans une chambre noire à l’aéroport jusqu’à ce que mon mari puisse venir me chercher. Je commence à calculer combien d’heures il faudra pour un autre vol depuis Genève. Ca m’apprendra à voyager sans Monsieur. Je compte sur le bon sens du douanier et sur les stéréotypes des fils et de leurs mamans dans certains pays et je commence: “Mais ma mère est ici. Tu sais ce que c’est de vouloir voir sa maman. Elle a demandé que je vienne, je ne pouvais pas lui dire non, elle est toute seule.” Il hésite. Enfin, il demande qui vient me chercher à l’aéroport. Ma mère. Sans homme, à part le chauffeur, qui malheureusement ne compte pas. Il convoque ma mère. Moultes tractations. Après ce qui sembla être une éternité, et sans doute pour laisser passer les autres voyageurs afin qu’ils ne le voient pas me céder, je pus partir. Tout en étant prévenue que sortir serait un tout autre combat.

Après une semaine magnifique dans un pays magnifique (qui sera, peut-être, le sujet d’un autre post), la veille de mon départ, je me demandais comment j’allais bien pouvoir m’y prendre pour sortir. Le pire, c’est que je partais un dimanche et que je commençais mon nouveau travail le lundi matin. Autrement dit, si on attendait que mon mari arrive de Lausanne pour me faire sortir du pays, ce qu’on m’avait laissé entendre é mon arrivée, je ratais mon premier jour de boulot. Encore une fois, je n’avais pas fait preuve d’anticipation. Dans la voiture qui me ramenait à l’aéroport, je commençai à paniquer par absence de stratégie. Tellement stressée que je flippai même sur un gentil employé de l’aéroport en attendant mon tour au guichet. Il commença à me parler et je lui dis: “Laisse moi tranquille, j’attends ma mère, tu vois bien!” Décidément, quand je suis de mauvaise humeur, je perds mes bonnes manières. Un défaut de caractère qui aurait pu m’être fatal si l’employé était du genre rancunier: c’était lui qui assurerait ma sortie du pays.

Ma mère revient et demande au gentil monsieur (ma mère elle a la tchatche) comment elle pourrait faire pour que sa fille prenne l’avion. Et là, à l’inverse de mon arrivée, où mon foulard n’avait pas servi à adoucir les douaniers, il m’aida sans aucun doute pour le retour, car le type commence à me complimenter sur ce dernier, disant que tout le monde, y compris ma mère, devrait y prêter attention. Ma mère lui explique gentiment que mon mari a dû rester en Suisse pour affaire, et que j’ai quelques soucis pour sortir du pays. Surprise: il décide de prendre mon cas en main. Il me fait passer directement par la douane et l’immigration jusqu’au terminal d’embarquement. Ce magicien me fait ensuite passer la porte d’embarquement et me donne encore des indications pour monter dans l’avion. Pour couronner le tout, ma mère a aussi droit à un traitement de faveur, à savoir : attendre à la porte d’embarquement avec moi. Al-hamdoulillah (louange à Dieu), je ne sais pas si cette personne s’est rendue compte du service qu’elle m’a rendu, mais j’aurai toujours honte de lui avoir crié dessus un peu plus tôt. Malgré tout, j’étais contente car à l’inverse des pays occidentaux et à l’inverse de ma première expérience, je fus bien traitée grâce à mon Islam et pas malmenée à cause de mon Islam.

Je ne porte pas de jugement sur les lois saoudiennes et encore moins sur certains prescriptions qui figurent dans l ‘Islam et que les Saoudiens ont adoptées. Je crois, tout comme en Suisse, qu’il faut respecter l’ordre civil dans le pays où l’on se trouve, même si ça veut dire faire des choses qu’on ne ferait pas normalement. C’est une question de respect pour le pays hôte. Dans l’Islam, certaines règles existent pour les femmes voyageuses, non pour limiter les mouvement de celles-ci, mais pour les encadrer, bien que les femmes puissent voyager seules sous certaines conditions. D’ailleurs, dans l’Islam, les hommes ne sont pas non plus censés voyager sans raison. C’est pour ça que j’ai un peu honte d’être partie comme ça, à la légère, sans bien réfléchir aux conséquences possibles.

Enfin, tout est bien qui finit bien, et la prochaine fois, c’est sûr, incha Allah, j’aurai mon “chaperon” en place.

Nicole

  1. Avatar
    romuald
    | Répondre

    Malgré tout, j’étais contente car à l’inverse des pays occidentaux et à l’inverse de ma première expérience, je fus bien traitée grâce à mon Islam et pas malmenée à cause de mon Islam.

    Dans l’Islam, certaines règles existent pour les femmes voyageuses, non pour limiter les mouvement de celles-ci, mais pour les encadrer, bien que les femmes puissent voyager seules sous certaines conditions.

    Euh…. d’après ce que j’ai compris, les non-musulmanes peuvent, en Arabie Saoudite, se déplacer seule sans avoir de compte à rendre à quiconque.
    Contrairement aux musulmanes qui ne peuvent se déplacer seules..
    Considérer ce traitement inégalitaire et discriminatoire comme un bienfait et comme un gage de sécurité est assez surprenant…

    J’ai également entendu dire que les femmes n’avaient pas le droit de conduire seules si elles ont moins de 35 ans; et encore, entre 07h00 et 19h00 par là, avec accord préalable du mari, frère etc.
    Difficile de considérer ce genre de mesures comme protectrices et bénéfiques pour les femmes, sous prétextes qu’elles évitent aux femmes des désagréments (tout comme le voile islamique censé protéger celel qui le porte des assauts virils)…..

    Si certains hommes n’étaient pas obsédés à ce point et parvenaient à contenir leurs bas instincts, les femmes pourraient tout comme les hommes, se déplacer librement.
    Comme en Occident, en fait……… 

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