CdL 70 : Sam & Max

CdL 70 : Sam & Max

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Les Chroniques de Lausanne - chapitre 70 : Où l'on découvre un secret après une engueulade.

AngerCdL70LatteFarsanAnne dans sa chambre, Sam, on ne savait pas où, Millia rentrée chez elle, Max décida de s’allumer un petit joint et la console. C’était pas mal, aussi, de gagner dans la vraie vie. D’abord Millia – OK, il en avait fallu, du temps, mais ça y était ! – et puis Sal qui lui était tombé tout cuit dans le bec, la classe ! Ne manquait plus à l’agréable tableau qu’un Sam un peu moins vénère, et sa petite vie serait au top… Il lâcha sa manette et empoigna son téléphone pour un p’tit message à la Tante Agathe : « Tu viens manger samedi prochain ? Bisous. », la semaine qui allait commencer ne serait qu’une formalité vite expédiée. Sal devait passer un soir pour faire le plein de BD, Millia serait là, la fumée d’herbe s’échappa d’un sourire niais.

La porte s’ouvrit et Sam s’assit directement à côté de lui. Max posa son joint sur le bord du cendrier et poussa le tout vers son pote. Pas de réaction. Max se replongea dans son jeu, pas envie de se ruiner la soirée.

« Je viens de poutrer le Baron avec mon Runestaff épique, c’était énorme ! » – il pouvait au moins lui parler, après tout. Toujours rien.

« T’étais chez Muriel ? Comment elle va ? »

OK, manifestement, il avait décidé de faire la gueule pour de bon. Max ne l’avait vu qu’une fois comme ça, autour du moment où Hans était parti. Pas moyen de lui faire décrocher un mot pendant des jours. Max avait fini par prétexter une panne réseau chez les ésotéristes pour y faire des travaux et y passer ses journées, échappant quelques jours à l’ambiance délétère de la colloc’. Zelda et Ana s’étaient retrouvées avec une connexion digne d’une agence de renseignement américaine, et puis tout était rentré dans l’ordre. Mais cette fois, la rage de Sam était tournée contre lui, et il ne savait pas quoi faire. Dans son coin, Sam fumait une clope, l’air mauvais.

Anne longea le canapé et passa à la cuisine. « Salut Sam ! Je t’ai pas entendu rentrer. » « ‘Lut », répondit Sam dans un soupir agacé.
« Vous voulez un truc à manger ? Y a du poulet, ça vous dit ? ».
Max se leva : « Attends, je vais le faire. J’ai une recette de Marcello, avec de la sauge et des p’tits champis, c’est trop bon.
-Euh, d’ac… Qui est Marcello ?
-Le majordome-slash-boyfriend de ma Tante Agathe, ils viennent manger samedi, tu vas voir ils sont cool !
-OK, tu veux un coup de main ? »

Max lui tendit un couteau, une planche, un oignon et un petit panier de champignons : « Pas trop fin. » Anne s’installa au bar qui séparait la cuisine du salon, et commença à éplucher l’oignon.

« Fatigué, Sam ? Grosse soirée ? » Sam s’alluma une autre clope. Anne lança un œil à Max, qui haussa les épaules, désolé. D’un mouvement leste, elle coupa l’oignon en deux, puis entailla les moitiés en tranches en prenant soin de les laisser attachées à la base.

« Comment ça s’est passé alors, ton enquête avec Pascal ? ». Max se raidit. Il avait pensé n’en parler que plus tard, une fois que Sam aurait passé ses nerfs. Tant pis, il fallait bien en parler de toute façon.

« Ben on a trouvé Sal, en fait, il était chez le type.
-Trop bien ! Et alors ?
-Alors j’ai fait de la merde, genre on était posés chez ce type – qui n’a vraiment pas l’air d’aller très fort, je crois que Sal s’occupe de lui, en fait – et j’étais là, genre : hey !, et lui il était là, genre posé, en bref on a rien dit…
-Ah. D’accord, évalua Anne, qui s’efforçait manifestement de ne pas ricaner.
-J’te jure, le blocage complet… Pas moyen de sortir une phrase, genre premier jour d’école, tu vois ?
Ils rirent tout deux.
-Au final, on a failli se casser sans rien décider. Et finalement c’est Sal qui est venu me demander où  on habitait. Il va sans doute passer mardi. C’est cool pour toi ?
-Ma foi, on va voir… »

Sam se leva : « Ben ouais, et après on sera tous une grande famille de toxicos, t’as qu’à lui dire d’inviter des potes pendant que tu y es… »
Max ne leva même pas la tête de ses pilons de poulet : « C’est un pote, il vient quand il veut. On a toujours fonctionné comme ça. Tu as oublié ça aussi ? Pourtant on l’a dit à Anne il n’y a pas si longtemps, quand elle est venue visiter l’appart’.
-Ca n’a rien à voir ! C’est juste que…
-C’est juste que tu as décidé que ce type est trop dans la merde pour mériter de passer nous voir ?
-Putain mais repense à ta Tante, elle aussi elle a voulu être toute gentille, ça lui a coûté trois points de suture !
-C’était un accident, faut te le dire comment pour que tu comprennes ? Elle l’a dit, le toubib l’a dit, il n’y a que le type de la brasserie qui a fait un scandale ! Et puis quand bien même, quand bien même un type qui faisait la manche aurait agressé quelqu’un qu’on connaît, UN type, UNE fois, et même quelqu’un qu’on connaît pas, faudrait faire quoi ? Tout d’un coup décider que tous les gens qui font la manche sont des voleurs psychopathes ? Tu penses à quoi, sérieux ? Et puis c’est nouveau, en plus, cette haine de classe ? Ils t’ont fait quoi tous ces tox pour que tu hésites à en ramasser un qui est en train de se vider de son sang par terre ? T’étais le plus gros fumeur de weed du Gymnase quand on s’est rencontrés, tu crois pas que t’es mal placé pour juger ? »

Max claqua la porte du four sur son plat rempli à ras-bords de poulet et de champignons. Sam, debout, interdit, avait oublié sa clope au bout de ses doigts dont un gros morceau de cendre se libéra et explosa au sol derrière le canapé. Anne regardait le bar avec une attention toute particulière, Max s’en voulut de l’avoir mêlée à ça.

Sam contourna le canapé avant de s’y laisser tomber. Visage et voix blancs, il prit une grande inspiration :

« On s’est fait agresser avec Hans. »

Max écarquilla les yeux. De sa colère ne resta plus qu’une vague nausée. Il fit un pas vers le salon, puis demi-tour, régla la minuterie du four d’une main tremblante, ouvrit un placard, un autre, puis sortit une bouteille de Hibiki 17 ans d’âge dont il servit trois verres excessivement remplis avant d’en tendre un à Anne et de déposer les deux autres sur la table basse.

Son pote s’était roulé comme un gamin sur le canapé, ignorant son verre, sa clope lui jaunissant les doigts. Une rasade, et Anne s’assit dans le fauteuil en face des deux garçons.

A suivre…

Photo CC : Patrik Nygren

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