CdL 35 : Max contre-attaque

CdL 35 : Max contre-attaque

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Les Chroniques de Lausanne - chapitre 35 : Où, grâce à la Valser gazeuse et à l'Internet, l'on passe d'un désespoir maussade à une rageuse ardeur.

Une légère migraine se réveilla avec Max, qui se laissa péniblement couler hors de son lit, rampa les yeux clos à travers la pièce, et ouvrit le mini frigo qui trônait sous son bureau. Bénissant le bon sens qui l’avait poussé à enlever l’ampoule un matin pire qu’aujourd’hui, interdisant toute incursion lumineuse à travers des paupières trop fines, il reconnut à tâtons une bouteille de Valser gazeuse, s’en saisit, l’ouvrit, la porta à ses lèvres et lutta pour faire descendre autant de bulles que sa gorge le lui permit. Une petite flaque s’écrasa sur son ventre lorsqu’il détacha ses lèvres du goulot avec un plop pétillant et satisfait, et lui chatouilla les poils du plexus au nombril. S’essuyant vaguement du revers de la main droite, la bouteille rebouchée serrée dans la gauche, la migraine s’effilochant doucement, il retourna se laisser tomber sur son lit, s’enfonçant dans un coussin à l’odeur indissociable de la sienne par le nez le plus fin.

Se tortillant un moment, luttant contre le glissement intempestif de la housse de sa couette, il se blottit au chaud et en profita pour ouvrir un œil timide. Son réveil Oregon Scientific projetait sur son plafond qu’il était seulement dix heures et demie ; non seulement il aurait pu dormir deux heures de plus au moins, mais comme tous ses potes étaient sortis avec lui, à l’exception de Millia bien sûr, la matinée lui apparut dans ce qu’elle avait de plus cruel. A quoi bon en effet rester enfermé devant l’ordinateur et se lamenter sur son sort si personne n’était en mesure de le constater ?

Avant toute chose, donc, il ouvrit un deuxième œil, saisit son Natel, et jeta un œil peu enthousiaste à sa boîte mail. La réponse qu’il n’attendait plus n’était évidemment pas arrivée (mais un magasin en ligne lui promettait de lui vendre un DVD qu’il leur avait déjà acheté pour un prix largement inférieur à celui qu’il avait payé le mois passé). Bon. Il était peut-être temps d’en finir avec cette histoire, c’était mort, c’était fini, il fallait passer à autre chose. Millia avait décidé d’être bizarre, de ne rien dire, sans doute pensait-elle qu’il oublierait, elle avait peut-être raison. Le téléphone tomba sur la moquette avec un poc moins satisfaisant que l’idée de le jeter. Il adressa une moue boudeuse à son poster encadré de John Constantine, qui lui rendit comme chaque fois un geste désobligeant.

Il avait rêvé, cette nuit. Sam était là, et Emilien, aussi, et le petit tox (« Sal, il s’appelle Sal », se dit-il), et Hans allongé à côté en pleine rue… Il ne se rappelait plus la suite, mais il était sorti du rêve avec le sentiment qu’il avait pu faire quelque chose, qu’il avait effectivement fait quelque chose, et que ses potes avaient échappé au pire. Il aurait voulu savoir comment, mais déjà ces quelques échos disparaissaient plus vite que son mal de cheveux (un peu plus tard dans la nuit, il avait fait un autre rêve impliquant l’actrice Sasha Grey et, étonnamment au vu de leurs filmographies respectives, Harley Quinn, la copine du Joker, ce qui pouvait expliquer la sensation, pas désagréable au demeurant, qui commençait depuis peu à dominer sa migraine).

Max attrapa son ordinateur portable, et passa de la main gauche un petit moment à explorer les autoroutes de l’information (Sasha et Harley étaient là elles aussi, Dieu bénisse Internet).

Il était 11 heures et quart, et Max, repu d’amour ou presque, s’étira lentement, faisant craquer sa colonne vertébrale avec un petit sourire satisfait. Rien n’était prévu dans sa journée. Il avait bien deux ou trois épisodes à rattraper dans sa liste de téléchargements illégaux, un film ou deux à découvrir, quelques jeux à finir, mais dans sa petite solitude post-orgasmique, il se rendit compte qu’il avait envie de sortir, de bouger, de faire quelque chose.

Il pouvait aller voir Sal aux urgences, en fait. Le type ne devait pas crouler sous le poids d’une vie sociale intense, peut-être qu’il s’emmerdait un peu. D’ailleurs, si ça se trouve, ils étaient partis avec des trucs à lui dans sa voiture, la précipitation et la mauvaise volonté de Sam aidant. Il n’avait pas compris la réaction de son pote, ce soir-là. Il y avait un gars par terre en sang, c’était pas difficile d’imaginer qu’il risquait de crever là si personne lui filait un coup de main. Pourquoi il était intervenu, d’ailleurs, s’il détestait tellement « ces mecs » (et puis c’était qui, « ces mecs », d’abord, est-ce que c’était la Conspiration des Tox, un réseau criminel style SPECTRE) ? Max avait pensé, hier soir, quand les filles étaient venues, que la discussion était close, mais une rancœur peu coutumière ressurgissait en lui lorsqu’il repensait à tout ça, et son projet d’aller au CHUV n’y était peut-être pas étranger.
Ils lui avaient filé une grande couverture qui traînait dans le coffre, vestige d’un déménagement quelconque, et il s’était enveloppé dedans une fois, deux fois, presque trois, il était tellement maigre, et un rapide coup d’œil sur le siège en repartant avait suffi à le rassurer que le sang de Sal n’avait pas traversé. Mais son sac s’était à moitié renversé quand il était sorti de la voiture, et dans leur précipitation à lui trouver de l’aide, ils avaient peut-être oublié des trucs. Il allait passer à sa voiture, vérifier que tout le bordel sur le sol était bien à lui, et aller rendre ses trucs à Sal s’il y en avait. Et même s’il n’y en avait pas, il irait quand même le voir, tiens, il lui amènerait quelque chose de sympa à lire.

Sam l’aurait probablement dissuadé du truc, lui aurait dit que c’était la culpabilité, la trouille de n’avoir rien fait, ou « cette espèce de misérabilisme à l’envers qui faisait qu’il se sentait constamment obligé de sauver tout le monde », mais Sam n’était probablement pas levé, avait de toute façon « passé la nuit chez Murielle », comme il l’avait texté à Max lorsque celui-ci l’avait perdu de vue depuis un moment dans la boîte, et était de plus un enfoiré (Max n’était ce matin pas forcément d’une disposition orientée vers la bonne foi envers son coloc). Et puis merde, il avait le droit de faire un ou deux trucs sans ses potes de temps en temps à la fin ! Il prit une douche rapide, s’habilla sèchement, prit un café rageur, et se rendit dans la chambre de son pote. Au pied du lit, une pile de BD que Sam lui avait empruntées s’entassait pêle-mêle. Manifestement, son pote avait commencé à lire The Walking Dead, et la hauteur de la pile « lus » suggérait qu’il avait bien accroché. Max enfourna dans son sac la première BD de l’autre pile, celle des « pas encore lus ».

Puis, satisfait que la justice fût enfin rétablie, il claqua exprès la porte de l’appartement vide, pour bien montrer à son ami absent qu’il était sûr qu’il avait raison d’y aller.

A suivre…

Photo CC : sportech

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