CdL 26 : Sam réalise qu’il n’est pas apparu depuis plusieurs chapitres.

CdL 26 : Sam réalise qu’il n’est pas apparu depuis plusieurs chapitres.

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Les Chroniques de Lausanne - 26 : Où l'on passe un instant avec le plus classieux des protagonistes des présentes chroniques.

Réveil, autour de 10:30 AM, premier check sur un côté du lit. Pas de présence chaude, pas de respiration régulière. Manifestement, la soirée a été terminée seul. Vague migraine, je tends le bras vers la table de nuit – j’aurais dû éviter quiconque dormait là, je ne laisse personne accéder à mon côté du pieu, jamais. Entre le mur et le matelas, c’est mon coin, à l’abri de la médiocrité du monde. C’est là que j’ai découvert Bret Easton Ellis, Palahniuk, Elroy, Shea et Anton Wilson, des tas de trucs que personne n’a lus,  mais dont tout le monde parle vaguement, a vu le film, a acheté le t-shirt. La révolution hipster, culturelle et consumériste, m’a donné raison à l’aube de mes 30 ans. Le problème, c’est que j’aimais les groupes avant qu’ils soient populaires avant qu’aimer les groupes avant qu’ils soient populaires ne devienne populaire. Quand on était mômes, avec Max, on n’appelait pas encore ce genre de mecs-là des geeks. La Grande Traversée Mainstream avait tout juste commencé, mais il ne fallait pas aller trop vite, trop loin, surtout ici, aux confins de l’empire francophone, dont les habitants levaient soudain une paupière parce qu’on pouvait écouter un peu de house au MAD, et qui allaient se prendre la french touch dans les dents à peu près à l’exact moment où les Daft commençaient à se faire digérer pour finir leurs jours chez Disney.

Ce genre de pensée au réveil présageait un samedi proche de l’annihilation pure et simple de tout désir, en gros : business as usual, et que vive la jeunesse dorée. Et ma main sur la table de nuit cherche toujours le verre d’eau légèrement saumâtre qui accompagnera une aspirine quand je l’aurai elle aussi trouvée à tâtons.  Evidemment je rencontre avant toute chose mon Natel qui tète gentiment sa dose de courant. Le mal de tête passe en coup de vent me rappeler qu’il serait sage de ne pas m’infliger un rayonnement rétroéclairé d’écran LCD  3.5 pouces de diagonale immédiatement, mais je décide de l’ignorer. Entre le moment où j’ai perdu le contrôle de ma soirée et mon réveil difficile de Golden Boy, j’ai reçu 147 messages et raté 22 appels, le processus est sous contrôle. Une fois rassuré sur mon score, je pose la petite machine sur mon torse, pose la main sur la plaquette à moitié vide, en extrais deux petites boules blanches, fais descendre le tout. La flotte a un goût de poussière, ou peut-être que c’est moi, la soirée, le dernier baiser d’hier soir en forme d’adieu nicotiné à une étrangère dont j’ai oublié jusqu’au visage.

A côté, j’entends Max et la poussière est moins amère, tout à coup. Deux voix graves, de temps en temps, échangent quelques mots, des rires. Emilien a dû finir ici, cette nuit encore, après qu’Edouard a décidé que le risque que son bar se prenne la mère de toutes les amendes pour fermeture tardive était légèrement trop élevé. Forcément, la majorité des lumières de l’Hudson (juste en bas de chez nous, dites que vous venez de ma part) étaient éteintes, la porte close, mais les spots du bar nous éclairaient du dessus. De l’extérieur, ça devait ressembler à la version cheap de La Cène, si Jésus et ses potes avaient été en train de fumer un énorme pétard. En général, j’attends la fermeture de ce vénérable établissement avant de vraiment passer en mode soirée, et les 50 premiers sms, environ, dataient d’avant mon départ pour la nuit.

Sortis par l’arrière du bistrot qui donnait dans notre immeuble (une nouvelle serveuse, un jour, m’avait vu arriver par là, et m’avait collé entre les bras les nappes qu’elle avait sorties du sèche-linge, avant que je réussisse à lui expliquer que je voulais juste déjeuner), mes deux pépères avaient décidé d’arrêter là leur périple, une fois la console allumée, et après avoir cajolé, plaidé, dispensé ma dose habituelle de mépris antigeek, j’avais décidé de les laisser à leur mauvais sort. Un petit changement de sapes plus tard, j’avais rejoint les Usual Suspects de la night. Le quartet des soirées lausannoises, Bleu Lézard pour le hip-hop quand le cœur y était, Bourg pour parler pointu, Lido pour se montrer sans passer pour un mec de droite, et Buzz pour le sexe débarrassé de ses oripeaux de séduction, il suffisait que je décide d’y aller pour que ce soit le bon endroit.

J’ai un don. Je ne sors pas seulement dans les endroits que vous trouvez branchés, je sors dans les endroits que les gens que vous trouvez plus cools que vous trouvent branchés. Dans le rundown des messages de la soirée, la vibe semblait être à son zénith au Bourg. Problème : aller au Bourg ce soir, c’était risquer de tomber sur ma nana, et j’avais envie de solitude, enfin pas de ce genre de compagnie. J’avais donc décidé de passer directement par la case Lido, et mon mal de crâne actuel avait directement découlé de cette décision (ceci dit, tout autre choix m’aurait sans doute amené à cette tragique conséquence, ce qui devrait incontestablement prouver que l’on est peu de choses).

Je me glisse vaguement dans un bas de Tacchini et un polo Hilfiger, les yeux plissés pour me protéger du rai glauque ayant le culot d’envahir ma chambre par un interstice entre mes volets, et je me rends compte que la migraine, comme les plantes, pousse mieux à la lumière. Passage de ma main droite pour aplanir un peu ma coupe de cheveux post-apocalyptique, et je trouve mon sourire dans le souvenir de ceux qui m’ont rejoint là-bas, avant d’aller me faire un café.

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