CdL 27 : Max prépare un crime

CdL 27 : Max prépare un crime

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Les Chroniques de Lausanne 26 : Où l'on s'aperçoit que nos protagonistes qui avaient pourtant l'air si gentil sont en réalité des génies du crrrime !

Penché sur sa victime, tirant une petite pointe de langue concentrée, vêtu d’une blouse blanche tachée de traces brun sombre, et le scalpel à la main, Max s’apprêtait à trancher. La peau autocollante céda, laissant apparaître son petit bureau mal éclairé et rayé de multiples traces de différentes profondeurs. Un petit gloussement satisfait plus tard, Max avait fini. Une petite pile d’autocollants trônait désormais devant lui, qu’il saisit d’une main en les éventant de l’autre. Un bruit dans le pas de sa porte : Sam et Emilien, morts de rire.

« Eh oui, c’est ça, mon coloc’, déclara Sam. Un déguisement pour chaque petite activité. A choix, aujourd’hui, c’est : Je suis un serial killer qui travaille comme expert en traces de sang pour la police, ou je suis le Docteur Grey et j’essaie de concilier travail et vie sentimentale.
-Oh, ça va, toi, répondit Max du tac au tac. Je voulais juste infuser le monde d’un minimum de fantaisie, c’est tout. Tu peux pas comprendre, de toute façon, t’as pas de poésie dans ton âme.
-Et toi, mon cher, tu es le Jeff Koons de la geekerie, le maître ès kitsch de la série, et ça ne t’empêche pas d’être le colocataire le plus extraordinaire que le monde ait jamais produit.
-Epargne-moi ta complimenterie offensive, ça ne prend pas avec moi. Qu’est-ce que vous voulez, tas de cuistres ? Vous venez fouiner ? Vous ne m’aurez jamais vivant !
Roulant les yeux de manière grotesque, Max déposa immédiatement le scalpel dans un tiroir avant de faire semblant de menacer ses deux potes hilares.
-J’ai un scalpel, un scalpel, vous dis-je, et je n’hésiterai pas un instant à protéger ma bulle territoriale, pas un instant ! J’ai des droits, vous savez, j’ai le droit de protéger ma famille, j’ai le droit de me préserver des mauvais coups.
-En parlant de ça, ta mère a appelé  quand tu dormais, lança Emilien.
-Et voilà, les insultes qui recommencent, les plus basses, les plus viles. Je vous hais ! Je vous exècre ! Et Max fit mine de dégoupiller une hypothétique grenade, qu’il lança aux pieds d’Emilien.

Il existe une théorie qui veut que toute personne dont le cœur est pur, et dont l’enfance n’a pas été entièrement déchiquetée par une réalité trop médiocre, est sommée – par un impératif biologique – de répondre à tout début de scène d’action imaginaire comme si celle-ci était réellement en train de se passer. Sam et Emilien n’échappèrent pas à la règle et, dans un ralenti digne de tous les films d’action depuis l’invention du ralenti, se jetèrent derrière l’abri le plus proche. Emilien se retrouva donc caché derrière une silhouette en carton d’un Capitaine Flam en taille réelle, et Sam, derrière le fauteuil crapaud style Second Empire que la Tante Agathe, un jour de démence, avait dérobé au Château d’Ouchy sous prétexte que les croissants du déjeuner étaient congelés. Evidemment, elle avait chargé Marcello d’accomplir la sombre besogne, et pour prouver qu’elle n’était pas n’importe quelle criminelle qui profite d’un bien mal acquis, elle l’avait chargé d’en faire cadeau à Max, qui s’en servait exclusivement pour les jeux de courses, « pour sentir le cuir ».
Emilien, relevé, s’approcha du bureau et jeta un œil au petit tas d’autocollants rectangulaires. Sur certains était imprimée la phrase suivante :

Attention : Pendant que vous lisez ceci, vous ne pensez pas au fait que vous êtes enfermé dans une petite boîte pendue à plusieurs mètres au-dessus du sol par un câble fabriqué à une époque où les conditions de sécurité étaient bien plus laxistes qu’aujourd’hui.
La Direction

Sur d’autres :

Aux habitants de l’immeuble
Pourquoi ne pas faire connaissance avec vos voisins ? Même les serial killers aiment bien parler de la pluie et du beau temps.
Le Syndic

Sur quelques-uns :

Attention : Le travail nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage.
Office Fédéral de la Santé Publique

Et sur d’autres :

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Et sur quelques autres, enfin :

Bernard-Henri, fais-moi un enfant !

-Votre mission, si vous l’acceptez, déclara Max sur un ton d’un sérieux de pacotille, sera de venir avec moi ce soir pour une entreprise de dissensus discordant et de dispersion délétère de délire. Les ascenseurs de la ville n’attendent que nous !
-Ouais ! On y va !
-Laissez-moi juste mettre mon manteau de délinquant, je suis à vous de suite.
Max s’enfila presque entièrement dans une grande penderie de métal, faisant s’entrechoquer les cintres, faisant tomber plus d’une veste, avec de grands gestes désordonnés. Le spectacle dura un moment, puis, d’une toute petite voix, Max lança :
-Saaaam, tu sais où est mon manteau ? Le noir, là, le grand ?
-Alors là, mon vieux, tu te débrouilles. Je te dis toujours qu’il faut ranger, voilà ce qui arrive.
Dépité, Max poussa un long soupir. « Eh bien, tant pis ! J’aurai l’air moins stylé, c’est tout. » Et tous trois, après avoir passé une main distraite sur la tête de l’Homme Vert, s’engouffrèrent dans l’escalier.

A suivre…

Photo CC Sarah G.

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