Amuse-toi comme tu es, c’est Magic X

Amuse-toi comme tu es, c’est Magic X

Les plaisirs des sens, quand ils sont culinaires, n’éveillent en général aucune forme d’embarras. Combien d’articles avons-nous ainsi publiés au LBB concernant des cafés ou des restaurants lausannois ? En revanche, quand ils sont sexuels, les doigts semblent se crisper sur le clavier. J’ai donc souhaité conjurer le sort dévolu à ce pan de nos vies, aussi crucial que négligé, et vous offrir un petit aperçu de ma récente visite du magasin érotique Magic X de la Rue de l’Ale.

On ne va pas se mentir. J’ai quelque peu hésité à publier cet article sur ma visite du magasin érotique Magic X de la Rue de l’Ale. On a beau dire que les esprits ont évolué, qu’on est en 2020, il y a quelque chose qui relève de l’étalage de l’intime, une sorte de mise à nu, l’impression de prêter son flanc aux remarques et aux quolibets, dans le fait de parler en « je » d’un sujet qui touche d’aussi près à la sexualité.

Pourtant, l’expérience fut tout sauf gênante. Mes premiers pas furent quelque peu timorés, certes, mais mon indécision et ma méfiance se sont rapidement dissipées pour laisser place à la curiosité et au plaisir de découvrir un monde insoupçonné aussi bienveillant qu’accueillant. Pas de regards en coin ou de chuchotements intimidants, pas de flottement, de malaise ou d’embarras, mais une ambiance décontractée, qui célèbre les plaisirs sexuels comme on célèbrerait les plaisirs culinaires. Car, au fond, quelles différences ?

Il faut en ce sens saluer le rôle joué par les vendeuses présentes ce jour-là. C’est sans conteste à elles que je dois le succès de ma visite et la rédaction de cet article. L’une d’entre elles, cheveux bleus, yeux pétillants et sourire contagieux me lance d’emblée : « Bonjour, est-ce que je peux t’aider ? Si tu as besoin de conseils, n’hésite pas ! ». C’est à la suite de notre échange, retranscrit plus bas, que m’est venue l’idée de l’interroger sur son métier, son vécu, son ressenti et ses anecdotes et d’en faire un article. Malheureusement, une fois sorti du magasin, j’ai eu beau insister au téléphone, la direction de la société Magic X s’est montrée catégorique : pour protéger ses collaborateurs, elle interdit formellement tout interview de ceux-ci. Une attitude bien décevante, compte tenu du professionnalisme et de l’aisance de leurs employées. Qu’à cela ne tienne…

– Je viens ici pour la première fois, donc je jette un coup d’œil, lui réponds-je.
– Parfait. Bienvenu ! Ici, nous avons les stimulateurs prostatiques. Voici le dernier article en stock. Il est muni d’un récepteur bluetooth et wifi, du coup, ton, ta ou tes partenaires peuvent l’actionner, même à distance via une application gratuite. C’est pratique en cas de confinement.
– Du coup, théoriquement, je peux être au bureau et mon partenaire peut l’actionner à distance depuis chez lui.
– Tout à fait.
– Ma parole !
– En tout cas, on a eu de bons retours de la part de nos clients. 
– Ah, ils reviennent vous dire ce qu’ils en pensent ?
– Pas tous, mais beaucoup oui. 

Au delà de l’ingéniosité insoupçonnée des articles présentés, je suis frappé par l’aisance et la décontraction non seulement des vendeuses, mais également des autres clients présents. D’ailleurs, à côté de nous, une autre vendeuse conseille une cliente et je n’ai même pas besoin de tendre l’oreille pour apprécier la conversation :

Vitrine de Magic X de la Rue de la Tour.

– Sinon, nous avons ce modèle-là, un peu plus gros, mais avec un fini nettement plus réussi, explique-t-elle en tendant un gode couleur peau.
– Ah oui, c’est fou, on dirait un vrai, j’adore.
– Au toucher aussi, il fait très vrai.
– Effectivement, il est très doux. Quel est la circonférence ?
– Je crois que c’est indiqué sur la boîte. 15 centimètres.
– Pas mal ! Le dernier que j’ai acheté n’est pas assez gros, du coup c’est parfait.
– Je comprends.
– Mon dieu, mais je ne vais plus avoir envie de coucher avec un mec avec ça, confie-t-elle en riant.
– Oui, c’est le risque, en effet. D’ailleurs, mon copain, il est souvent jaloux de mes godes.

Je continue ma visite à l’étage, toujours accompagné par la vendeuse aux cheveux bleus. Plusieurs clients circulent de rayons en rayons, des couples, des personnes seules. Sur un promontoire, différents articles de formes et de tailles diverses attirent mon regard. J’en soulève un dont la forme rappelle vaguement un coupe-pizza : une tige en métal longue comme la main, munie à une des extrémités d’un disque pourvu de pointes relativement acérées.

– A quoi sert… ceci ? demandé-je.
– Alors c’est surtout utilisé par les adeptes du BDSM : ils la font rouler sur les zones sensibles pour augmenter la douleur. Ou alors ils la chauffent puis la font circuler sur la peau pour causer de micro-brûlures. Je n’ai encore jamais essayé.
Je repose l’article.
– D’ailleurs, poursuit-elle, tous les articles sur ce promontoire sont dédiés aux pratiques BDSM.

Alors que la vendeuse continue de me guider à travers les étalages de godes, de tenues en latex et autres anneaux péniens, un client l’interpelle soudainement :

– Quels sont ces objets derrière vous, sur l’étagère ?
– Ce sont des godes. Celui-ci est en métal chromé.
– En métal ?!
– Oui, c’est sympa vous pouvez jouer avec la chaleur. Le mettre dans le frigo avant de l’utiliser, par exemple, répond-elle tout sourire.
– Ah d’accord, sympa. Et à côté, c’est aussi un gode ?
– Oui, en verre transparent. C’est un très bel objet. À mettre sans autre sur sa cheminée. De quoi épater vos invités.
– Oui pourquoi pas. C’est décoratif.

Ma visite se poursuivra encore quelques instants, ponctuée de surprises et de découvertes, qu’il n’est pas utile de relater ici. A chacune et chacun de faire sa propre expérience. Après avoir remercié la vendeuse et être passé en caisse, je ressors avec l’impression d’avoir découvert une nouvelle communauté, une sorte de club d’adeptes unis par une même envie de célébrer les corps dans toutes leurs pluralités, leurs singularités et leurs diversités. Pas d’exclusion, pas de jugement, mais un maître mot, on ne peut plus clair : amuse-toi.

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