A Cully, le tour du monde en 9 jours

A Cully, le tour du monde en 9 jours

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Dans le célèbre roman de Jules Vernes paru en 1873, le fougueux Phileas Fogg se proposait de faire « Le tour du monde en 80 jours ». En l’an de grâce 2014, nouvelles technologies obligent, j’ai eu l’immense privilège de réaliser cet exploit en l’espace de 9 jours seulement. Comment donc ? Purement et simplement, en flânant à travers les allées du 32ème Cully Jazz Festival, du 4 au 12 avril dernier.
Ambiance des rues de Cully
Ambiance des rues de Cully

Le Cully Jazz 2014, ce fut près de 100 concerts pour 65’000 adeptes, avec parmi eux une météo printanière au statut de VIP permanent. Mais Cully, c’est surtout et avant tout la quiétude des vignes du Lavaux, le clapotis des vagues sur les berges, des notes subtiles qui s’échappent des caveaux, un panorama fantasmagorique sur les alpes, des concerts de première classe, une atmosphère chaleureuse, du bon vin à foison, et des jam sessions endiablées jusqu’à des heures indécentes. Pas sûr que beaucoup de festivals de Jazz à travers le monde puissent se targuer d’un cachet pareil !

Embarquement immédiat

Si c’est donc vers l’atmosphère feutrée de ce petit bourg lémanique que mes premiers pas m’ont emmené, je me suis néanmoins vite fait embarquer pour un véritable périple sonore. Dès le jeudi soir de l’ouverture, depuis le fond du Next Step, l’immense DJ Ge-Ology nous a d’abord kidnappés pour une tournée clubbistique des grandes métropoles de ce monde, là où l’on sait ce que c’est que d’hocher vigoureusement la tête jusqu’au petit matin.

Le lendemain, c’est la jeune et talentueuse Aline Frazao qui nous a conviés à une traversée transatlantique entre Luanda et Sao Paulo, propulsée au fado et à la bossa nova. Des accords envoutants, dont la houle intercontinentale a tout simplement bercé mes tympans.

Cody ChesnuTT enflamme la scène du chapiteau
Cody ChesnuTT enflamme la scène du chapiteau

Depuis les côtes brésiliennes, j’ai alors filé tout droit vers la Californie, pour retrouver Cody Chesnutt dans les banlieues chaudes de Los Angeles. Dimanche soir, le soulman, ex-toxicomane repenti, a montré de quel bois pouvait se chauffer le chapiteau du Cully Jazz quand on lui injecte une dose suffisante de black music débridée.

Quittant la ville des anges, j’ai ensuite traversé les grandes plaines américaines, direction la côte Est et ses caves à jazz enfumées, là où les légendes de la discipline firent leurs premières armes. Le pianiste Robert Glasper et sa troupe, à grands coups de solos expérimentaux et de suaves reprises jazzy, y ont offert à mes oreilles toutes les plus belles teintes auxquelles se décline la note bleue.

Se jouer des frontières

Jeudi, il fut temps pour un retour en Afrique, au Mali plus précisément, avec la légende Salif Keita, honorable vieillard à la voix de sorcier. Calmement assis sur sa chaise, les yeux à demi fermés, l’homme a fait tonner ses cordes vocales à la façon de la foudre d’un orage saharien, accompagné par les effluves exotiques de quelques instruments traditionnels (et moins traditionnels). Tout bonnement dépaysant.

Empruntant les flux migratoires propres au Cully Jazz, j’ai alors tenté tant bien que mal de traverser le détroit de Gibraltar (entendez par là l’entrée d’un Next Step plein à craquer). Quelques douaniers en costard et quelques soifs chèrement assouvies plus loin, j’ai retrouvé le DJ Atom, membre de la puissante clique C2C, pour un bombardement de beats en règle. Le chevalier des tables tournantes nous a entraînés à travers la jungle des styles, taillant allégrement son chemin à grand coup de scratchs.

Le malien Salif Keita
Le malien Salif Keita

Vendredi, à peine reposé de l’expédition, j’ai embarqué sur l’esquif d’Akua Naru, pour une remontée fluviale jusqu’aux sources du Hip-Hop. Zigzagant avec agilité entre les berges du jazz, de la soul ou des musiques africaines, je me suis laissé joyeusement perdre entre les méandres du style de la MC américaine. Une fille qui ira loin, peu importe que vents et marées soient favorables ou non.

J’ai ensuite quitté la croisière sur les côtes mexicaines, pour retrouver les mariachis Quetzal sur les pavés de la place du temple de Cully. Les troubadours, qui devaient se sentir trop à l’étroit entre les murs du caveau Mélanie Weber, ont déployé guitares et trompettes en pleine rue, pour le plus grande bonheur d’une foule soudainement métamorphosée en guérilleros zapatistes, chantant à tue-tête bras dessus bras dessous.

Boucler la boucle

Cette longue odyssée n’aurait pu se terminer sans une tournée des caveaux digne de ce nom. Après une brève pause du côté des berges orientales du lac, où des tribus de barbares prépubères s’essayent à la dynamique des fluides, je suis donc reparti à l’assaut. Et là encore j’ai bouffé des kilomètres : des petites formations helvétiques dont les talents dépassent la cime de la pointe Dufour, des morceaux de compositeurs japonais ou cubains, des accords de blues qui rappellent les champs de coton… Bref, même assis et épuisé, je continuais de sauter de continent en continent.

La talentueuse MC Akua Naru et son band
La talentueuse MC Akua Naru et son band

Samedi dernier, au petit matin (certes, c’était dimanche, excusez le jet lag), j’ai donc regagné le bercail après une épopée qui aurait probablement fait pâlir d’envie le vieux Philéas lui-même. Il reste bien sûr quelques contrées à visiter, mais pour 9 petits jours et un bilan carbone aussi modeste, on reconnaîtra que c’est déjà un résultat. L’appel est donc lancé aux baroudeurs du son et autres backpackers des mélodies, amenez vos sacs à dos à Cully en avril 2015, et dites « 33 ».

 

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