“Une soirée parfaite” – 10ème soirée Draw and Drink au Zinema

“Une soirée parfaite” – 10ème soirée Draw and Drink au Zinema

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Depuis plus d'une année déjà, les soirées Draw and Drink se promènent dans les bars de Lausanne. Le concept est simple : Vous venez, vous dessinez, vous buvez des coups et vous discutez. Reportage.
Des bières, des feuilles, des crayons... On est à la Draw and Drink
Des bières, des feuilles, des crayons… On est à la Draw and Drink

Jeudi 20 mars, 20 heures et des poussières au Zinéma. J’entre pour la première fois sur les terres de la bien nommée Draw and Drink, un événement open source (tout le monde a le droit d’organiser une Draw and Drink et de profiter du site web et de la page Facebook) tout droit tiré de l’énergie débridée de Luisa Imperato et Jenay Loetscher.

Un point tout d’abord : J’ai toujours détesté dessiner. L’un de mes premiers souvenirs d’école, c’est ce moment où je montrais à la maîtresse ma dernière œuvre, dont j’étais fier, très fier. Celle-ci, d’un ton mielleux, minable, et totalement inconvenant pour les 40 ans de cynisme que je traînais déjà du haut de mes 5 ans, m’avait dit : « Et qu’attends-tu pour colorier ? ». Je voulais pas colorier, ô détestable pimbêche cuistre, c’était ça que je voulais dessiner, pas autre chose, je voulais que tu me dises « c’est très joli » et retourner me planquer dans le tube de béton où je passais à l’époque la meilleure partie de mes jeunes années.

Cette anecdote personnelle, et les réticences profondes envers la chose dessinée mises à part, nous nous devions de vous parler de ces soirées, parce qu’elles sont très sympathiques, tout d’abord, mais aussi parce que Luisa et Jenay ne sont pas exactement des inconnues de nos services. En effet, comme certains d’entre vous se le rappellent peut-être, ces deux complices ont été les architectes de la refonte graphique de notre blog adoré, et c’est à elles que nous devons notre jouli logo et la mise en page qui structure nos articles.

Voilà la caisse. L'imbécile est derrière.
Voilà la caisse. L’imbécile est derrière.

Plutôt rassuré par la présence de nos cousines, je tremblais donc un peu moins une fois arrivé au Zinema. Plusieurs tables en enfilade à droite du bar, partout des crayons, des stylos, des feuilles blanches, et d’autres matériels plus ésotériques : un néon UV, du jus de citron, des bougies. Ca y est, j’y suis, plus moyen de rebrousser chemin…

Je prends une feuille, la regarde, un mélange de colère archéologique et d’appréhension me submerge… Je vais devoir dessiner, pas moyen de faire autrement. Balbutiant, à demi-mots, je croasse : « c’est quoi, le thème ? ». Luisa, tout sourire, apparaît et me glisse : « Invisibilité ». Ah bah, ça va être simple, ça, tiens… Je choppe un stylo à tout hasard, l’approche de la feuille, trace un trait, puis deux. Autour de moi, une poignée de personnes me semblent plus inspirées que moi. Ils sont une petite dizaine au début, puis plusieurs viendront rejoindre le mouvement, prendre une bière, discuter, gribouiller… L’ambiance est calme, zen… C’est peut-être pas si mal, le dessin en vrai. Mais qu’est-ce que je vais pouvoir faire..?

Quand on a pas de tête, on a des jambes, paraît-il. Eh bien quand on a pas de talent pour le dessin, mieux vaut avoir un peu de culture. Je finis ma première œuvre en quelques traits : « Ca, c’est la caisse, le mouton que tu veux est dedans. » Ouf. Je peux circuler un peu, prendre une bière, et papoter avec les joyeuses bandes de stakhanovistes de la feuille blanche assises un peu partout.

Ambiance tranquille et papoteries.
Ambiance tranquille et papoteries.

Première rencontre, première causerie, Frank, qui en est à sa première Draw and Drink : « J’ai été convié par mon amie Elodie, en plus j’habite à côté, mais vu  mes talents en dessin ça risque pas de donner quelque chose, je suis nul depuis que je suis petit. J’ai 27 ans et je déborde encore, alors c’est compliqué (rires). » Je ris aussi, personne ne se moque, l’ambiance est détendue. A l’entrée, Luisa m’a expliqué : « Pour moi tout le monde peut dessiner, c’est juste qu’à l’école les adultes vont nous dire qu’on ne sait pas dessiner, que c’est pas joli, etc., et on s’arrête. On dédramatise le truc pour que les gens, tous les gens, osent se lancer. On a eu un thème sur les tattoos la dernière fois, les gens se sont dessinés dessus, des gens qui ne se connaissaient pas ont commencé à se parler, à se toucher pour dessiner, c’était une super atmosphère, à la Blatte on a fait un thème sur les insectes, on a fait des millions d’insectes partout, ça a même créé des phobies – mais je ne gère pas encore les frais médicaux (rires). »

Je m’approche de l’amie de Frank, Elodie, qui précise « Sur mon t-shirt, c’est Johnny Depp dans Cry Baby. » C’est sa première Draw and Drink également. Je discute de son dessin représentant Harry Potter dans sa cape d’invisibilité… « Oui, non mais là j’ai chié, en fait, ça c’est pourri. Je savais pas par quoi commencer, j’ai pensé à Harry Potter, forcément à l’Homme Invisible, aussi, mais je me suis dit que tout le monde allait le faire. Et là je suis partie sur un dessin qui représente quelqu’un qui est entouré de beaucoup de gens et qui se sent très seul, et il se sent un peu invisible. En tout cas, ces soirées, c’est à refaire. L’ambiance est super, les gens sont super, j’adore. »

Difficile de ne pas me départir de mes réticences du début. Au fond de la salle, au mur, je scrute une feuille blanche, un stylo scotché à côté, quand Luisa apparaît comme par magie : « C’est de l’encre UV ! Tu dois dessiner, mais sans rien voir, OK ? Il y a un néon UV pour regarder ensuite. » Piteusement, je lui lance le regard du Chat Potté de Shrek, espérant qu’elle partira. Las ! Je re-dessine, la tête de vautour que je dessinais dans mes cahiers de Latin. C’est vrai que tout change, quand on ne voit pas ce qu’on fait.

Dessiner sans voir...
Dessiner sans voir…

« Hey, j’ai fait des trucs », me dis-je soudain, la bière aidant. Germain s’approche lui aussi de l’expérience UV : « J’y voyais vraiment que dalle, c’est marrant, l’idée est vraiment cool ! ». Il est déjà venu à une Draw and Drink, l’année dernière. « Je fais du dessin technique, il y a pas du tout de créativité là-dedans, mais je dessinais volontiers dans les marges de cahier, c’est pour ça que je viens. » Il repart ravi, et se remet à dessiner.

Changement de coin, changement de techniques. Steve, assis tranquillement, se concentre : « Là je dessine le type de l’affiche (derrière lui, NdlA), mais sans regarder, et on va voir ce que ça donne. J’aime bien dessiner, et il y a très peu d’occasions de dessiner de manière collective, j’ai croisé Luisa par hasard et elle m’a parlé des Draw and Drink, je suis déjà venu au moins 5 fois. Ma préférée c’était pour le dernier BD-Fil, on dessinait dans un bus au milieu de la Riponne, le cadre était très sympathique. » Je le laisse à ses stylos, et avise Noelia.

Noelia est peintre et habite Gland, elle est venue exprès. « « La première où je suis allée était au Lido, il y avait de la musique, et on a dessiné sur le thème du rythme, trop cool. », elle dessine avec du jus de citron, au pinceau, comme plusieurs personnes autour d’elle. Une fois le jus un peu séché, on approche les feuilles de la flamme d’une bougie, et de jolis traits bruns apparaissent (parfois aussi, un feu se déclare, quand je vous dis que c’est dangereux, le dessin).

Draw And Drink (9)
Jenay en pleine concentration.

Il est 21:30 passé. Quelques personnes arrivent encore, je discute dans un coin avec une artiste en pause, des règles qui gouvernent la série de Conway en mathématiques, une règle invisible qui génère une suite de chiffres que j’ai essayé de dessiner. Et puis sans m’en apercevoir, je me saisis d’un crayon gras, et commence à tirer quelques courbes parallèles sur une feuille sans trop savoir ce que je fais, je change de crayon, passe au jaune… L’ambiance, la bière aidant, je m’enferme dans ma petite bulle avec mes couleurs.

Il est 22:15, et je ne sais pas ce qu’il est advenu de la dernière demi-heure. Luisa apparaît encore, la session dessin doit finir, il y a une soirée privée après. J’ai fini ma dernière « œuvre », c’est pas top mais j’ai passé un bon moment. Les gens plient leurs affaires. Emportent soigneusement leurs dessins. Un dernier petit tour, Jenay a dessiné, les yeux fermés, une pleine feuille de petits fantômes: «  Toujours un plaisir, ça permet d’extérioriser plein de choses en compagnie de personnes souriantes et positives. »

Il est temps pour moi de partir, Elodie et ses potes me font un signe : « Tchô, Bondyblog ! » Je laisse le mot de la fin à Luisa : « Les gens ont dessiné, les gens ont dessiné à l’aveugle, les gens ont envie de revenir (la prochaine fois à la Datcha !). Bonne ambiance, bon papotements, bonnes rencontres, une soirée parfaite, quoi. » Et merde, elle n’est pas loin d’avoir raison.

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