Retour sur une vision du féminisme

Retour sur une vision du féminisme

Posté dans : Société 6
A l'occasion de la journée internationale de la femme du 8 mars, il me semblait intéressant de revenir sur une certaine vision du féminisme à travers le regard d'une femme de 80 ans, n'ayant jamais participé à ce combat. Effectivement, toutes les femmes ayant vécu l'émergence du féminisme ne se sont pas senties appelées par ce mouvement. Rencontre.

Nombreux sont ceux qui ont un mouvement de recul lorsqu’une femme déclare être féministe. Pourquoi ? Il n’y aura évidemment aucune réponse exhaustive à cette question ici, mais plutôt l’éclairage d’une femme, qui sans se reconnaître dans cette appellation, reste prête à se battre pour l’égalité.

LBB: À partir de quel âge as-tu commencé à entendre parler du concept émergeant du féminisme?

Je pense que ça a commencé dans les années 68, c’est là que ça a vraiment commencé, il y avait beaucoup de tabous qui tombaient, c’était comme une petite révolution mais je ne pense pas que ça a été très positif, ça allait trop loin et on a commencé à mal éduquer les enfants, on ne leur inculquait plus le respect. C’est dommage car ça aurait pu être positif ! Puis il y a eu le droit de vote des femmes.

LBB: Peux-tu nous expliquer pourquoi tu n’as pas participé à ce mouvement?

Je n’ai pas participé à ce mouvement car je n’aimais pas l’attitude des féministes. Elles avaient des attitudes provocatrices et je n’aime pas la provocation, je déteste ça, c’était trop provocateur et les discours ne me convenaient pas : il fallait tout changer alors qu’il y avait des choses bonnes qu’on pouvait garder, comme le fait de dire que la femme ne devait pas rester au foyer. Si la femme veut rester au foyer, elle a le droit. Qu’elles se battent pour l’égalité des salaires et une place reconnue dans la société, oui, mais là ça allait trop loin.

LBB: À l’époque, comment les gens de ton entourage et toi percevaient le féminisme?

Comme une bande d’excitées, elles avaient besoin de se défouler, je voyais les féministes comme extrémistes et comme tous les extrémismes, je n’aime pas ça. Je n’ai jamais connu, dans mon entourage, de féministes. Mes parents et mon entourage n’en ont jamais parlé, c’est comme si ce mouvement ne nous atteignait pas. Il ne faut pas oublier qu’on habitait à la campagne, donc c’était le genre de chose dont on parlait peu. Ni du féminisme, ni du mouvement de mai 68. Ce sont des mouvements qui étaient très lointains pour les gens de la campagne, comme les femmes ne travaillaient pas, ou seulement dans le milieu familial, elles n’avaient pas les mêmes revendications.

LBB: Actuellement, quelle vision as-tu du féminisme et quel discours en retiens-tu?

Je n’aime pas le mot féminisme, je veux que la femme prenne sa place dans la société mais on n’a pas besoin d’être féministe pour ça. Ce mot est péjoratif, il représente, pour moi, un discours extrémiste, comme si la femme voulait prendre la place de l’homme. Par contre, je suis tout à fait disposée à me battre pour mes droits en tant que femme et j’estime qu’il est normal qu’on ait les mêmes droits que les hommes. J’ai toujours travaillé, et sûrement mieux que certains hommes, mais pas sous l’étiquette du féminisme.

 

Pour conclure, il est intéressant de constater que cette étiquette négative semant la confusion est encore très présente dans notre société. Il existe d’ailleurs un concept appelé le « masculinisme » qui agit comme une réponse ou une contre-attaque au féminisme et qui propage l’idée que les hommes vont mal et qu’ils vivent une crise d’identité. La cause de cette crise d’identité serait les femmes, et plus particulièrement les féministes, qui tenteraient de dominer la société et qui de ce fait, feraient perdre leurs repères aux hommes.

Ce concept est très largement présent dans les médias, tout comme ils aiment reprendre les phrases chocs ou les discours extrêmes de certaines féministes ne relatant ainsi qu’une partie de la réalité et influençant la vision du féminisme. En effet, le terme féminisme est un terme à forte connotation dans l’imaginaire des gens, renvoyant à une idéologie extrême. Pourtant, ce n’est par exemple pas ce que j’ai vu ce mardi durant la manifestation pour le congé paternité sur la place de la Riponne, organisée par la commission féministe du syndicat des services publics (ssp Vaud). J’y ai vu l’autre partie de la réalité où femmes et hommes s’unissent tout simplement pour un but commun qui est l’égalité homme-femme. Le rôle du féminisme n’est ni de « casser » l’homme ni de prendre sa place, je vais même aller plus loin au vue de cette manifestation en vous posant cette question : et si le féminisme contribuait également à l’épanouissement des hommes en leur permettant d’avoir une place plus importante auprès de leurs enfants ?

 

Photos CC Solenn Ochsner: manifestation du 6 mars 2012 à la Riponne, Lausanne, pour le congé paternité.

6 Responses

  1. Avatar
    Myriam
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    Angle de vue intéressant: une anti-féministe féministe à son insu…

    Le sujet est loin d’être dépassé il n’y a qu’à voir le retour en force du talon aiguille! La soumission aux fantasmes masculins jusqu’à se mutiler les pieds pour ne citer qu’un seul de ces exemples pernicieux
    Myriam

  2. Avatar
    Mélanie
    | Répondre

    Ah bein bravo… faire un article en donnant la parole à une anti-féministe le jour de la journée du droit des femmes…. il fallait le faire quand même. Malgré la petite conclusion positive à la fin je trouve déplorable de contribuer à faire circuler cette image négative du féminisme surtout en un jour pareil! Donner la parole à telle personne ou à telle autre est symboliquement important et le choix fait par le Bondy blog m’attriste et me semble problématique…

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      Thérèse
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      Je ne pense pas que l’article soit inadéquat. C’est l’interview d’une dame d’un certain âge qui n’aime pas les féministes. Mais ce sont des positions que l’on rencontre souvent et malheureusement même chez les jeunes. Je suis enseignante et il y a beaucoup de jeunes filles qui détestent le féminisme et refusent à tout prix de se dire féministes alors même qu’elles sont en général convaincues par les valeurs du féminisme.
      Pourquoi au lieu d’être enthousiastes sont-elles agacées, apeurées coincées? C’est une réflexion que l’on peut mener même le jour de la femme.

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        Solenn
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        Pour commencer merci pour ce commentaire, j’apprécie de voir que les gens ont des choses à dire à ce sujet. Je trouve effectivement et de plus en plus que les femmes tout en soutenant des valeurs féministes ne supportent pas l’étiquette du féminisme et cet article tente comme vous l’avez bien compris de donner quelques pistes de réflexion pour comprendre pourquoi cette image est si négative. Merci encore et bonne journée Solenn

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      Solenn
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      Pour commencer merci pour ce commentaire, j’aime avoir différents avis même négatifs. Je m’attendais à ce genre de réaction et je comprends car la démarche pouvait sembler un peu provocatrice mais je continue de penser qu’il est important de comprendre pourquoi l’image du féminisme est si négative plutôt que de l’ignorer. Une bonne journée Solenn

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    Michèle - B&B
    | Répondre

    De ce que j’ai retenu de cet article, il ne s’agit pas d’une image négative du féminisme. Bien au contraire: une réflexion qui peut contribuer à ce que nous soyons critiques des mouvements, et ne pas les accepter aveuglement. Suivre un mouvement, c’est aussi comprendre tous ses côtés, y compris l’imaginaire négatif chez les personnes âgées envers le mouvement féministe. Cela est dû, à mon avis, surtout au fait que ces personnes ont vécu le début d’une révolution, pendant laquelle il était essentiel de se montrer extrémiste. Or, si l’extrémiste n’existait pas, parviendrions-nous à trouver l’équilibre, à un moment donné de l’histoire, entre deux mouvements “opposés”? Et nous retournons à la discussion que Solenn à citée à la fin de son article: devons-nous soutenir le mouvement féministe vs. le mouvement masculin, ou faudrait-il essayer d’établir un mouvement égalité hommes-femmes?

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