Rebecca Ruiz m’a dit…

Rebecca Ruiz m’a dit…

J’ai rendez-vous dans un café du centre-ville avec Rebecca Ruiz. Autant vous l’avouer de suite : je suis assez inquiète, car je ne comprends pas beaucoup la politique, je n’ai jamais voté et c’est la première fois de ma vie que je vois une conseillère nationale « en vrai » !
Rebecca Ruiz, Conseillère nationale
Rebecca Ruiz, Conseillère nationale

Premier constat : elle est très jolie, avec de magnifiques yeux bleus, une voix douce et des gestes posés. Pas du tout l’image que l’on se fait parfois d’une personnalité politique ! Elle arrive ponctuelle et détendue. Elle est à la fois discrète et chaleureuse. Le point commun que nous avons toutes deux est notre origine espagnole… ça va peut-être me sauver !

Rebecca Ruiz est tombée dans le chaudron politique dès le berceau, car ses parents étaient tous deux des militants socialistes espagnols qui avaient connu les heures sombres du franquisme.

Si elle avait un nom, elle a dû se faire un prénom. À force de courage et d’intelligence, elle a gravi les échelons politiques tout en poursuivant de brillantes études. Licenciée en sciences sociales, Rebecca Ruiz a d’abord été criminologue avant de devenir l’été dernier l’une des plus jeunes conseillères nationales de Suisse. Elle est Lausannoise de toute son âme et Andalouse de tout son cœur.

LBB : Rebecca Ruiz, vivez-vous désormais davantage à Berne qu’à Lausanne ?
Non, pas vraiment. Il y a quatre sessions parlementaires par année à Berne (printemps, été, automne et hiver). Chaque session se déroule sur trois semaines. Durant ces sessions, qui débutent tôt le matin et se terminent tard le soir, je réside à Berne et je m’y rends également une semaine entière en mai pour la session spéciale. En dehors des sessions, j’y vais aussi au moins une fois par mois pour la séance de la commission juridique à laquelle j’appartiens. Le reste du temps, je travaille à Lausanne.

LBB : En quoi consiste exactement la commission juridique ? L’avez-vous expressément choisie en raison de votre formation ?
Je ne siège pas dans la commission de la conseillère nationale que j’ai remplacée (ndlr : Josiane Aubert) car une autre collègue souhaitait y siéger. J’ai donc repris le poste resté vacant à la commission des affaires juridiques… Le hasard fait parfois bien les choses ! Cette commission est passionnante car elle se charge des révisions du droit de la famille, du droit du bail et du code pénal.

LBB : Vous êtes mariée et jeune maman. Cela représente une charge importante de travail. Comment parvenez-vous à vous organiser ? Le problème de la garde des enfants est souvent évoqué comme étant un frein à la carrière des femmes.
Lorsque je siège à Berne, l’organisation est millimétrée ! Mon mari, mes parents, mes beaux-parents se relaient et Aube (ndlr : sa petite fille qui aura 2 ans en août prochain) va également à la garderie.
Ce n’est pas simple pour toutes les familles de trouver rapidement une place d’accueil dans une structure, notamment pour les nourrissons. Nous avons toutefois de la chance à Lausanne, car c’est l’une des villes du pays qui est dotée du plus grand nombre de places. C’est clair que dans les pays nordiques, le système de garde pour enfants est bien plus développé. La Suisse a encore beaucoup de progrès à faire pour être en adéquation avec le monde professionnel actuel et pouvoir offrir des places en suffisance dans les garderies publiques. Néanmoins, certaines communes font de gros efforts pour permettre aux femmes qui le souhaitent de reprendre rapidement le travail après la naissance d’un enfant.

LBB : Regrettez-vous de ne pas exercer finalement la carrière de criminologue à laquelle vous vous destiniez ?
Non, je ne le regrette pas car mon activité de conseillère nationale est très intense ! En revanche, ma formation est un atout pour certains des sujets traités dans ma commission.

LBB : Y a-t-il des ressemblances entre la politique et la criminologie ?
La criminologie est l’étude des faces les plus sombres de l’être humain. Tandis que pour moi, la politique est un moyen de faire progresser l’homme, de l’émanciper et lui permettre d’évoluer pour éviter précisément de sombrer dans le pire.

LBB : Que représente pour vous avoir une double nationalité (ndlr : suisse et espagnole) ?
Je suis très attachée à l’Espagne. Avoir deux cultures est une richesse incroyable.

LBB : Les enfants étrangers doivent-ils automatiquement accéder à la nationalité suisse à leur naissance ? Quid de la troisième génération ?
Le projet de naturalisation facilitée pour les troisièmes générations porté par ma collègue Ada Marra est magnifique. Il reconnaît aux enfants de troisième génération leur appartenance à part entière à la communauté helvétique. Le but n’est pas d’octroyer automatiquement le passeport à ces jeunes qui devront dans tous les cas en faire la demande pour l’obtenir. Mais une fois la demande effectuée, la procédure sera absolument simplifiée.

LBB : Quelle est votre définition de la politique en Suisse ?
Il s’agit d’abord d’une politique proche des gens. Contrairement à ce que nous voyons dans d’autres pays, les élus helvétiques sont des citoyens comme les autres. D’autre part, en Suisse la politique est faite de consensus, à chaque étape. Et de participation citoyenne, évidemment.

LBB : La politique en Suisse, comment dirais-je ?… c’est un peu lent tout de même.
Oui, c’est sans doute plus lent que dans d’autres pays où le système ne repose pas sur la consultation et sur la recherche de consensus. Mais notre processus politique assure la stabilité du système. Il nous prémunit aussi dans une certaine mesure contre la corruption et les dérapages, même si les lobbys sont extrêmement présents à Berne.

LBB : Votre définition de Lausanne ?
Lausanne est une ville incroyablement dynamique, en mouvement permanent, toujours tournée vers de nouveaux projets. En proportion à la taille de la ville, l’offre culturelle est pléthorique. Mes amis français n’en reviennent pas, car chez eux, tout ou presque se passe à Paris. À Lausanne, nous avons des musées célèbres (ndlr : l’Hermitage, le Musée de l’Art brut, le Musée olympique, etc.), l’Opéra, l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Les musiques actuelles tiennent également le haut du pavé, tout comme le théâtre.

LBB : Comment expliquez-vous que Lausanne soit si active dans le domaine de la culture ?
Cette volonté politique nous vient de l’époque d’Yvette Jaggi (ndlr : ancienne syndique de Lausanne). Elle a beaucoup œuvré dans ce sens, en faisant par exemple venir Maurice Béjart… Cela a provoqué un effet boule de neige et d’autres institutions culturelles se sont par la suite créées. Nous avons aussi l’ECAL qui constitue un vivier d’artistes, ainsi que la Manufacture (Haute école de théâtre de Suisse Romande) qui voit chaque année éclore des talents et des metteurs en scène promis à une belle carrière.

LBB : Quels sont les sujets politiques qui vous passionnent ?
Le droit de la famille, le droit pénal, l’aide aux victimes, l’accès à des logements abordables (je suis membre du comité de l’ASLOCA Lausanne).

LBB : Si je compare avec l’Espagne qui oblige depuis une dizaine d’années les grandes entreprises à engager des femmes ayant fait l’objet de violences conjugales, la Suisse ne semble pas trop faire état de ce sujet. Est-ce en raison de la discrétion notoire des habitants de ce pays ? Est-ce un thème tabou ?
Ce sujet est pris très au sérieux tant au niveau de notre canton qu’à celui de la Confédération. Des programmes de prévention existent. Mais de gros progrès restent à faire. On voit en effet que les homicides commis dans le cadre domestique à l’encontre de femmes font régulièrement la une des médias. Sans compter que ces violences ont aussi un impact très important sur les enfants présents dans les foyers touchés par la violence.

LBB : Pourquoi existe-t-il une pénurie de logements à Lausanne et quelles sont les raisons pour lesquelles les loyers sont aussi chers ?
Lausanne, comme je le disais, est une ville très dynamique, qui attire de nombreux nouveaux habitants. La démographie a explosé ces dernières années. Comme la demande est pour ainsi dire supérieure à l’offre, les régies immobilières et les promoteurs en profitent. Au Parti Socialiste, nous nous battons pour que les gens aient accès à un logement digne à un prix raisonnable.
De très nombreux projets portés par la Commune sont en cours de réalisation, notamment l’écoquartier de la Blécherette.

LBB : Sans transition et sur un mode plus personnel, pourriez-vous me citer quelques endroits que vous aimez à Lausanne ?
Ce que j’aime à Lausanne c’est sa diversité. Les quartiers sont différents les uns des autres et cela me plaît. Par exemple, la Place Chauderon et l’Avenue Rumine n’ont rien en commun. Ces deux endroits sont si différents, chacun avec son propre charme.
Comme lieux particuliers, j’aimerais citer le parc de Mon-Repos, que j’adore en toute saison. C’est si vert, si majestueux. Ma fille adore la volière. En été, j’aime les piscines de quartier. Elles me rappellent mon enfance. La piscine de Bellevaux est un lieu incroyable, au milieu d’une forêt. Vous devez absolument y aller cet été ! Le Théâtre de l’Arsenic est également un endroit où je vais souvent. Il a été récemment rénové. L’architecture est superbe et la programmation est toujours de qualité. Le Parc Denantou et son pavillon thaï me ravissent. C’est tellement exotique et incongru de trouver un monument thaï au bord du Léman. J’essaie également d’aller souvent au Café des Artisans, pour sa table et son ambiance chaleureuse.

LBB : Que lisez-vous en ce moment ?
Je viens de terminer un livre de Fred Vargas intitulé « Temps glaciaires ». J’aime bien lire les romans policiers. Cela me détend.
Quand je ne lis pas, je regarde des séries dont je suis fan. « House of Cards » et « The American » sont actuellement mes favorites.

Il pleut sur Lausanne. Rebecca Ruiz partage son parapluie avec moi. Elle monte dans le bus. Je reste sur le trottoir, pensive…
En l’espace d’une heure, elle a réussi à me faire comprendre que la politique est nécessaire à faire avancer la société, à défendre nos opinions, à tenter de rendre notre monde meilleur… et à me faire acheter un livre de Fred Vargas.

Pour connaître le parcours et l’actualité de Rebecca Ruiz, Conseillère nationale, suivez le lien.
Le site du Parlement suisse
Sur le site officiel de la Ville de Lausanne, vous pouvez visionner un film consacré à la construction du pavillon thai du Parc de Denantou dont Rebecca Ruiz parle dans l’entretien.
Si vous voulez vous rendre dans une piscine de quartier (…enfin, peut-être pas tout de suite, tout de suite !), le site de la Ville de Lausanne vous donnera également des informations à ce sujet.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.