Notre paire qui êtes aux cieux

Notre paire qui êtes aux cieux

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Pour beaucoup de Lausannois, le samedi est une journée officiellement consacrée au shopping et au lèche-vitrine. Le weekend dernier, certains ont préféré prendre leur pied plutôt que se prendre la tête, en venant pratiquer un genre de business bien particulier dans la capitale vaudoise.

Swisssneaks Lausanne 2014La première édition de Swisssneaks, une foire à la basket de collection, s’est tenue samedi à l’espace Dem Art, au Flon, et a attiré selon ses organisateurs près de 500 cinglés de la semelle. L’événement, une première en Suisse romande, avait vocation à réunir des amateurs de baskets pour vendre, acheter ou admirer quelques modèles rares. On pouvait ainsi observer sur les étals les derniers modèles d’Air Max aussi bien que de vieilles paires des mythiques Jordan dans moult déclinaisons. Une vingtaine de «brocanteurs» de la chaussure étaient présents pour exhiber leur assortiment, sorti de leur placard, de leur vitrine, voire de leur coffre-fort.

Mouvement tout droit venu des Etats Unis, la collection de baskets – la «sneakers addiction» pour les intimes – est à la chaussure ce que la philatélie est au timbre (voilà pour la métaphore). On recherche, commerce ou échange des modèles spécifiques, tantôt parce qu’ils sortent d’une gamme exceptionnelle, parce que leurs schémas de couleurs sont salement swag, ou parce que leur ancienneté fait qu’ils constituent des raretés, voire des pièces de musées. L’institution suprême de la discipline est vraisemblablement la chaîne américaine de magasins Flight Club.

Le Wall Street de la godasse

Toutes ces «kicks» s’échangent souvent à prix d’or. Si la majorité des prix samedi oscillait entre 100 et 200 francs, certaines paires pouvaient atteindre les 500 voire le millier de francs. Comme à Wall Street, l’offre, la demande et la spéculation dictent la valeur de tel modèle au moment X. La star du jour, des Nike Air Yeezy rouges designés par Kanye West, étaient cotées à 3000 francs. Les plus suspicieux pourraient se demander si toute cette bricole n’est pas qu’une grosse vitrine pour du blanchiment de pognon…

Mais il faut aussi savoir que, ici comme dans toute autre foire, part belle est faite à l’art de la négociation. A chacun donc de trouver les arguments les plus cinglants pour faire baisser ou monter les prix. «Il y a énormément de critères qui peuvent entrer en compte pour fixer la valeur d’une paire», m’a expliqué Yann, un sneakers addict lausannois (accessoirement ancien contributeur au LBB !). «Le vendeur peut par exemple te demander un prix plus élevé si les baskets sont vendues avec le carton d’origine. A fortiori si ledit carton a fait l’objet d’un design particulier pour une gamme spécifique, etc.»

Je m’enquiers ainsi du prix d’une paire de Air Jordan 1 High, aujourd’hui devenues collectors, pour me voir donner une fourchette entre 400 et 450 francs. Et je me souviens soudain que celles, quasi-identiques, achetées en contrefaçon sur un marché vietnamien il y a cinq ou six ans m’en avaient coûté quelques 17 francs… Petite grimace. Pour les Nike comme pour du Vuitton, le prix crée parfois des incitations à l’illicéité. Mais je m’égare.

Swisssneaks Lausanne 2014Se rencontrer plus que commercer

Au départ, Swisssneaks c’est un groupe de potes passionnés. Julian, 32 ans et passionné depuis une vingtaine d’années, en explique l’origine: «Jusqu’ici, les seules plateformes d’échange francophones étaient basées soit en France, soit en Belgique. On a voulu proposer quelque chose en Suisse romande, où on compte de plus en plus de collectionneurs». Ses condisciples et lui ont d’abord créé un groupe Facebook pour mettre en contact les sneakers addicts de la région, puis ont songé à un événement afin de se donner plus de visibilité et réunir les amateurs en chair et en os autour d’une bière et d’un peu de bonne musique.

Soutenue par Pomp It Up, la manifestation proposait donc une plateforme de commerce, mais aussi et surtout une occasion de prendre du bon temps, DJ’s, barbecue et jardin à l’appui. Pour certains (dont je fais probablement partie), baver devant une paire de Nike Dunk avec du J Dilla dans les oreilles, cela relève du hobby à part entière. Swisssneaks a donc été un petit pèlerinage pour ces gens-là.

L’événement s’est donc plus révélé être une rencontre entre initiés qu’une plaque tournante du marché de la basket. Si certains sont repartis avec quelques cartons dans les bras et des étoiles dans les yeux, la plupart se sont contentés de disserter entre érudits sur la puissance esthétique des dernières créations des labos d’Adidas et consorts. J’avoue d’ailleurs m’être perdu quelques fois au fil des conversations qui, si elles avaient été tenues en latin ou en zoulou, m’auraient paru tout aussi limpides. L’expérience n’en était pas moins stimulante.

Très satisfait d’avoir vu les collectionneurs répondre à ce premier appel de Swisssneaks, Julian, Air Max léopard aux pieds, évoque déjà la possibilité de remettre le couvert l’année prochaine, avec plus d’exposants et peut-être une soirée DJ en guise de cerise sur le gâteau. Un petit pas pour Lôz, mais un grand pas pour l’Hu-Nike-ité.

 

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