Le Sleep-In fête ses 20 ans !

Le Sleep-In fête ses 20 ans !

Le Sleep in, lieu d’accueil d’urgence de nuit fête ses 20ans ce soir au théâtre 2.21. Revenons sur cette association qui offre un lit, une douche et un petit-déj’ pour 5 frs aux personnes qui ont en besoin.

Quand j’ai lu que le Sleep-In fêtait ses 20 ans, cela m’a tout de suite intriguée et j’ai cherché à en savoir un peu plus. J’ai donc été cliquer un peu pour me renseigner et j’ai pris contact rapidement avec un membre de l’équipe afin d’organiser une rencontre. Nous avons convenu de nous trouver dans la maison du Sleep-In à Malley. Je suis donc allée rencontrer deux membres de l’association cette semaine, Laurence et Ariane. Approchant de la maison, je croise quelques hommes qui attendent déjà le moment de la possible inscription qui n’est prévue que trois heures plus tard. J’arrive donc devant cette grande maison et rencontre Ariane, qui m’accueille et me fait une visite guidée des étages. Elle m’explique en premier lieu qu’ils ont un local à bagages mais que celui-ci ferme à la fin du mois, car il est devenu très compliqué de garder ces biens dans la maison. Ils étaient les seuls à le faire et ils ont pris la décision de stopper, à contrecœur, mais espérant que cela va faire bouger un peu les autorités quant à cette problématique importante.  Je découvre ensuite la chambre des veilleurs où ils se tiennent disponibles toute la nuit. En bas, c’est l’étage des femmes, les chambres leur sont réservées. Il y a aussi une petite chambre destinée aux couples. Ariane me dit que cette chambre est très appréciée par certains couples qui n’ont plus eu d’intimité depuis parfois des mois.Salon Sleep In

Ensuite sur deux étages, il y a des chambres pour les hommes ainsi qu’une salle commune et une cuisine. Cette dernière est une pièce centrale de la maison, les usagers étant contents de pouvoir cuisiner ce qu’ils aiment.

Nous rejoignons ensuite Laurence et nous commençons une discussion de plus d’une heure qui fut vive et intéressante.

L’histoire et l’organisation du lieu

Laurence commence par me raconter que le Sleep-In a vu le jour, il y a 20 ans donc, fin 1993. La réalité montrait qu’il était nécessaire d’ouvrir des accueils de nuit d’urgence dans la région. C’est d’ailleurs à la même époque qu’ouvrit la Marmotte de l’Armée du Salut, me rappela Laurence. Ces accueils étaient destinés, dans un premier temps, aux sans-abris lausannois. La Ville de Lausanne, préoccupée par ces problématiques, trouva une maison pour l’association Sleep-In, nouvellement créée, dans une ancienne bâtisse imposante qui accueillait alors des archives du CIO.

Chambre femmeAu fil des années, le Sleep-In reçut de plus en plus de demande d’hébergement d’urgence et vit la population qui le fréquentait évoluer. Les migrants et les travailleurs pauvres ont rejoint les populations déjà présentes à cet accueil bas seuil.

Après ce petit rappel historique, je demande à mes interlocutrices comment s’organise concrètement la maison aujourd’hui. Tout d’abord j’ai appris qu’il s’agissait d’une association, gérée par des professionnels et non hiérarchisée.  Toutes les décisions se prennent en commun et sous le modèle du consensus « ce qui peut prendre du temps », sourit l’un d’elle mais qui, pour l’association, est essentiel. Ils ont tous et toutes le même salaire et font chacun-e leur tour les veilles. Ils s’occupent de l’intendance intérieure mais aussi extérieure de la maison. Ils se répartissent ainsi les tâches et profitent en général de la journée, pendant que la maison est fermée, pour s’acquitter de ces tâches. Ils ont aussi des postes plus fixes relatifs à la comptabilité, l’administration, l’accompagnement social ou encore les relations extérieures.. Laurence me dit travailler là depuis 17 ans. Elle a donc pu constater d’elle-même qu’il y a des changements constants de population, tous les 5 ou 6 ans ; elle les lie aisément aux différentes crises de par le monde. Par exemple, elle se souvient avoir vu les répercussions des Printemps arabes assez rapidement ou de constater aujourd’hui l’arrivée des personnes d’Afrique Sub-saharienne débarquées comme boat people et ayant remonté petit à petit l’Europe. Ariane relève qu’une grande partie des usagers sont effectivement des jeunes hommes, « très jeunes mêmes », me dit-elle, entre 18 et 30 ans en moyenne.

Parlant des usagers, je rebondis pour leur demander quelles sont les conditions d’accueil au Sleep-In. Elles me renseignent sur le fait que le Sleep-In n’accepte pas de mineur, sauf si les enfants sont accompagnés d’un adulte. La priorité est donnée aux personnes dites vulnérables, cela comprend les femmes, les enfants, les personnes âgées, malades ou fragiles. L’accessibilité au Sleep-In est limitée à 18 nuits par mois et par personne. Laurence m’annonce qu’ils accueillent environ 350 personnes différentes par mois.

 Le fonctionnement au quotidien

Elles m’ont présenté le lieu comme étant un lieu de repos, d’hébergement d’urgence qui accueille sans discrimination et en tout anonymat. Le respect de la personne et de sa dignité est l’un des fondements de l’association. Il faut certes des compétences bien précises pour travailler dans un lieu comme celui-ci ; Ariane, qui y travaille depuis 4 ans, met l’accent sur le caractère urgent des différentes situations et me dit devoir être solide pour en affronter certaines.Chambre d hommes

Le lieu n’est pas un lieu de conseils formels mais d’écoute et d’aide parfois ponctuelle sur une question précise. Une personne de l’association peut être sollicitée si les demandes d’aide sont plus importantes.

Pendant les soirées, ils sont toujours deux veilleurs sur place. Laurence me dit qu’il faut être attentif à tout et toutes les petites scènes qui se trament entre les usagers.

En effet, comme le rappelle Ariane, il y a parfois des amitiés qui naissent ou existent entre usagers mais il peut aussi être question d’inimitié et dans ces cas-là, il faudra réussir à gérer les tensions.  «  Il ne faut pas oublier qu’ils sont forcés à être ensemble » me rappelle Laurence.

Concrètement et encore pour quelques semaines avant changement, les personnes se présentent devant le Sleep-In. Les veilleurs font une liste de toutes les personnes dès 20h30.

Ils remontent ensuite au bureau et vérifient combien de nuits les usagers inscrits ont déjà passé au Sleep-In pendant le mois. Ils font alors ce qu’Ariane a nommé une « liste la plus objective possible » et ils redescendent appeler les gens retenus pour la nuit. Seuls 24 lits sont disponibles. Ariane me dit laisser au moins 10 ou 15 personnes dehors l’été et jusqu’à 30 ou 40 l’hiver. Certains peuvent être inscrits sur la liste prioritaire du lendemain.

Une fois qu’ils savent qu’ils pourront dormir au Sleep-In, les usagers sont libres d’aller et venir jusqu’à minuit. Ensuite, la porte d’entrée se ferme.

La réalité des politiques sociales

Cette possibilité de s’inscrire le soir même va être modifiée prochainement, suite aux pressions que le Sleep-In a reçues des autorités afin de tendre à une harmonisation avec l’autre accueil de nuit d’urgence subventionné de la Ville (la Marmotte et l’Abri PC en hiver). En effet, un nouveau système est testé depuis un an où les usagers doivent aller s’inscrire le matin pour le soir. Il y a un système de carte, qui peut avoir une photo d’identification. Sans entrer dans les détails des différends et des procédures, le Sleep-In a d’abord refusé de rejoindre ce système dénonçant le principe de « fichage » de cette population et mettant le doigt sur l’absence d’anonymat que cela provoque, avant se s’y résoudre. L’association avait participé, dans un premier temps, aux discussions entamées par la Ville et d’autres acteurs avant de se retirer des débats, trouvant que les solutions dessinées étaient inadéquates. En effet, ces décisions allaient à l’encontre des principes premiers de l’accueil Bas Seuil sur lequel le Sleep-In fonde son mandat. De plus, les solutions de la Ville n’étaient pas adaptées à la réalité du manque de place dans les structures.

L’association et le lieu sont subventionnés par la Ville, et, pour mes interlocutrices, cela a joué un rôle prépondérant dans cette décision car s’ils ne s’y résignaient pas, ils risquaient de perdre le lieu et les professionnels. Laurence me répéta plusieurs fois que c’était un peu un non-choix, que « soit on accepte, soit on arrête tout ». Suite à des pressions et à des vives discussions, le Sleep-In a donc dû rejoindre ces fonctionnements, après bien des débats à l’interne aussi qui ont mené à la démission de plusieurs membres de l’équipe.

Au delà des méandres administratifs, le Sleep-In est un collectif associatif qui tient la route depuis 20 ans et qui offre à toute personne dans le besoin et sous couvert d’anonymat une solution de secours pour la nuit. L’association a aussi un regard critique et un engagement auprès des personnes qui subissent les retombées des crises du logement ou des politiques discriminantes des migrations.

Si vous voulez participer à la fête de ce soir, les infos sont ici !

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