Le monde impitoyable des castings de Pères Noël de supermarché

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"Trop jeune", "pas assez marrant", "mauvais feeling avec les enfants". Lorsqu'un gérant de grande surface doit opter pour son animateur de fin d'année, les critères sont sélectes. N'est pas Père Noël qui veut

Chaque année, à la mi-novembre, c’est le même combat pour devenir, le temps du mois de décembre, le mec le plus célèbre de la planète (merci Coca-Cola). Comme toute star, le job a ses inconvénients…….. enfin je dirai, expérience faite que le job a plus d’inconvénients que d’avantages. Pourtant, cela ne semble pas arrêter les candidats. J’ai donc décidé de comprendre les motivations de ces jeunes hommes et jeunes femmes ( oui oui, en 2008, le Père Noël se travestit. Il faut vivre avec son temps vous me direz.) J’ai donc fait appel à deux agences de la région lémanique, spécialisée entre autre dans le recrutement d’animateur de Fêtes. Comprenez des Pères Noël de grande surface. Le boulot n’est pas franchement compliqué: un supermarché, des biscômes, une chaise, un cd de chants de Noël, un costume et l’affaire est jouée. Et bien non! Bienvenu dans le monde impitoyable des castings de Pères Noël de supermarché.

Dans le plus grand secret de mon entourage, je contacte donc l’agence genevoise et me présente au casting avec les documents d’usage: cv, lettre de motivation et bonne humeur, car il en faut. C’est le critère numéro un. Arrivé sur les lieux, cinq autres candidats sont déjà là. Des étudiants, des chômeurs et des travailleurs sociaux. La plupart sont des pros et ne s’en cachent pas, histoire de me mettre un peu la pression: “Tu sais, l’important c’est d’avoir le feeling avec les enfants. Moi je travaille comme éduc de la petite enfance. Alors les bambins, je connais”. Aux Etats-Unis, avec une déclaration pareille, le mec serait déjà derrière les barreaux. Faut-il que j’appelle le SPJ? Je m’impatiente, car l’éduc commence à me tenir la jambe. La souffrance ne sera que de courte durée. Voilà qu’une charmante jeune femme me dit de l’accompagner. A ses côtés, le gérant d’une grande surface genevoise. C’est du sérieux tout ça. J’ai presque l’impression de postuler pour un vrai job. A peine assis et c’est la Gestapo:

– Quelles sont vos motivations?
– (un article!) J’ai toujours aimé le contact avec les gens et travailler dans un environnement motivant (petite phrase bateau)
– Quels contacts avez-vous avec les enfants?
– Quoi?
– Quelles sont vos rapports avec les enfants?
– Amicaux euhh ……. bons
– Vous avez des documents qui attestent votre bons rapports avec les enfants?
– Non, mais j’ai été animateur dans un centre de vacances il y a cinq ans.
– Quel Père Noël êtes-vous?
– Plutôt sympa (enfin le mec il a pas l’air de me trouver sympa du tout)
- En tant que Père Noël, vous avez un enfant devant vous. Qu’est-ce que vous lui dites?
– (Il m’emmerde avec ses questions) T’as quel âge? (mauvaise réponse) T’as été sage? Tu connais une poésie?
– Merci beaucoup

Il me font sortir. Je serai fixé dans le quart d’heure suivant le temps des essayages de costumes. Pour ma part, je suis plutôt content de ma prestation. Un job à 20 francs de l’heure, 8 heures durant pendant 10 jours, faut pas non plus déconner. Je ne joue pas ma carrière professionnelle. Mais dix petites minutes plus tard, je vais vite déchanter. La porte s’ouvre, le boss du supermarché me convoque, le verdict tombe: “Nous ne pouvons répondre favorablement à votre demande”. “Quoi?”, dis-je. Il m’apprend que je ne suis pas assez marrant, que je n’ai pas assez d’expériences dans l’événementiel pour les enfants et que je ne suis pas assez imaginatif: “Un bon Père Noël, c’est 10% de ventes en plus dans notre magasin.” En bref, je ne suis pas assez vendeur. Entre nous, il a raison. 

Dans le flot des justificatifs, il mentionne également que je n’ai pas le physique adéquat: “Trop maigre” En bon seigneur qu’il est, il me soumet tout de même une alternative pour ne pas me laisser sur la paille: “Nous vous proposons le poste d’assistant du Père Noël”, (comprenez l’elfe ou le nain qui fait de la figuration et qui doit fermer sa gueule.”Je décline gentiment l’offre. En sortant, je croise l’éduc. Lui, il a eu le job:”Je t’avais dit, c’est l’expérience qui fait la différence.” Si vous le croisez dans un de ces supermarchés genevois, cassez-lui les jambes de ma part. Allez Joyeux Noël!

Mehdi Atmani

Mehdi

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