La griffe des rapaces

Posté dans : Politique 1
[30.01.09] Derrière le papier les idées. Interview avec Alexander Segert, directeur marketing et responsable de la communication politique chez Goal AG. L’agence de publicité et de relations publiques qui s’occupe de réaliser les affiches de l’UDC depuis 30 ans.

Sur le site Internet de Goal AG (www.goal.ch/), on trouve un Memory. Avec les tristement  célèbres moutons, un visage d’enfant qui fait la moue, une croix Suisse et même un Blocher à la joie non dissimulée. Sourire carnassier, pattes d’oie, cheveux gris rat, la métaphore animalière si chère à l’Union Démocratique du Centre (UDC) nous parait tout à coup plus familière. Bref, passons. On se met à jouer, pour voir. Et, notre cerveau fait de la gymnastique historique. On se souvient bien, même si sous chaque carte, on préférerait trouver un motif différent. C’est un peu ça les affiches de l’UDC, on souhaiterait qu’elles n’aient jamais existé, mais on ne peut les oublier. Métaphores alarmantes et messages choquants attirent notre attention.

Pour l’agence de publicité du parti, cette empreinte psychologique est une réussite. Car, pour Alexander Segert, il n’y a rien de pire qu’une affiche qui ne se remarque pas. D’ailleurs, pour frapper les foules, Goal AG n’hésite pas à utiliser les hauts clichés et les bas préjugés. La campagne contre l’extension de la libre circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie le prouve une nouvelle fois. La griffe des affiches de l’UDC est acérée. Et, ce n’est pas le seul parti à en user. Pour mieux le découvrir, interview de celui qui se cache derrière les rapaces mangeurs de Suisse.

Quand avez-vous commencé à collaborer avec l’UDC?

Notre travail avec l’UDC a commencé il y a trente ans, dans le canton de Zürich

Travaillez-vous uniquement pour des partis politiques?

Nous avons au sein de notre agence trois secteurs de travail : la communication politique, le domaine public et la communication économique. Dans le domaine de la communication politique, nous travaillons pour l’UDC ainsi que pour des comités indépendants et des personnalités de tous les partis bourgeois. Dans le domaine public, nous travaillons pour des associations,  des communes, des fondations et des sociétés. Dans le domaine de la communication économique, nous travaillons avant tout pour des PME, mais aussi pour des entreprises du secteur financier.

Plus précisément, pour quels autres partis travaillez-vous?

Nous travaillons pour des comités indépendants, parmi lesquels, aux côtés de diverses associations économiques, on retrouve un attachement au Parti Libéral ou au Parti Démocrate Chrétien. Nous avons aussi rempli des commandes pour des sections cantonales ou de district du Parti Libéral.

Comment est-ce que les affiches sont élaborées?

C’est la réflexion stratégique du client qui est importante. Le client doit savoir le but qu’il poursuit, la position qu’il veut adopter, le message qu’il désire communiquer. Dès que ces éléments sont définis, nous réfléchissons à la manière publicitaire de traduire ce message. Ensuite, nous prenons en considération la situation sociale actuelle, la position du public cible au sein de cette situation et la stratégie des adversaires politiques. Ensuite, nous discutons avec le client des différents visuels élaborés.

Pour la réalisation des affiches de l’UDC, est-ce que votre agence propose les idées ou est-ce que le parti vous les soumet?

La plupart du temps, l’idée de base est élaborée par l’agence. Ensuite les améliorations qui mènent au choix final sont le fruit d’une discussion avec le parti.

Êtes-vous en accord avec les idées de l’UDC?

Ce qui est important, n’est pas le fait que je sois d’accord avec ces idées, mais le fait que je les traduise de façon à assurer leur succès.

Est-ce que coopérer avec un parti peut poser un problème?

La communication politique, peu importe le parti, est la branche la plus passionnante de la publicité, puisque, le jour des votes, vous pouvez savoir, si vous avez gagné ou perdu. La collaboration avec l’UDC est particulièrement intéressante, étant donné que c’est un parti qui sait ce qu’il veut et qui a des messages et des buts bien définis. De plus, en matière de publicité, l’UDC est un parti ouvert aux nouveautés.

Que pensez-vous des nombreuses critiques que les affiches de l’UDC soulèvent ?

Les critiques montrent que nos affiches sont remarquées et discutées. Pour nous, c’est un grand succès. Il n’y a rien de pire qu’une affiche qui n’est pas remarquée. Cela montre également que plus le débat public est important, plus la participation au vote est élevée. En ce sens, les affiches de l’UDC stimulent la démocratie. Elles amènent plus de citoyennes et de citoyens à voter. Pour cette raison, tous les Démocrates devraient être reconnaissants envers l’UDC.

Ne qualifiez-vous pas ces affiches racistes?

Nos affiches ne sont pas racistes, car, le racisme est, en Suisse, interdit par la loi. Et, aucune de nos affiches n’a jamais été interdite. Par contre, plusieurs de nos adversaires politiques usent du reproche raciste envers ces affiches, car, ils n’ont pas d’autres arguments fondés. Une incompétence, qui sert l’UDC.

Avec l’affiche actuelle, quel est le message que vous avez voulu faire passer?

Dans l’imaginaire collectif, les corbeaux sont perçus comme des animaux négatifs. Pensez aux expressions telles que «ein Rabenschwarzer Tag» (Rabe = le corbeau, expression allemande signifiant un jour noir) ou «Rabeneltern» (expression signifiant des parents indifférents, qui ne prennent pas soin de leurs enfants).  En effet, si la libre circulation des personnes s’étendait à la Bulgarie et à la Roumanie, ce serait équivalent pour la Suisse à «ein Rabenschwarzer Tag». Car, cela amènerait plus de chômage, des salaires plus bas, plus de criminalité et cela briserait le tissu social. Et, les Conseillers Fédéraux, positionnés en faveur de cette extension, seraient les «Rabeneltern» de la Suisse.

Laureline Duvillard

Laureline

  1. Avatar
    samuel
    | Répondre

    Les dernières affiches du Parti Socialiste au sujet de la LACI avec la grande chaussure écrasant le peuple reprennent les mêmes outils marketing que les affiches de l’UDC (même couleur, même genre de slogan alarmiste et relativement erroné)… 
    Ce n’est pas une question de parti politique mais bien de méthode de publicité!

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