L’usine sans patron

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L'ouvrier argentin Luiz Díaz est actuellement de passage en Suisse pour raconter l'expérience de la fabrique de tuile en céramique FaSinPat reprise par ses ouvriers. Organisé par le Cetim (Centre Europe-Tiers Monde) avec le soutien des syndicats Unia et Comedia, son voyage a pour but de montrer que la récupération et l'autogestion d'entreprises par les employés est une alternative réalisable pour contrer la crise actuelle.

La crise économique, l’Argentine l’a connue  entre 1998 et 2002. Une conséquence de la politique ultra libérale du président de l’époque Carlos Menem, qui permit aux entreprises étrangères d’investir sans crainte dans le pays. Mais les entreprises nationales n’étaient pas prêtes à résister. En 2001, le courageux patron Luigi Zanon de l’usine portant son nom préféra piquer dans la caisse et s’enfuir plutôt que d’affronter cette nouvelle concurrence. L’histoire aurait pu s’arrêter là, comme tant d’autres : un parachute doré, des ouvriers floués. Mais après 5 mois de piquet devant l’usine et pour seule perspective  le chômage, les travailleurs conscients du potentiel de l’usine décidèrent de prendre son contrôle afin de sauver leurs emplois. Luiz Díaz est l’un deux.

« On a renommé l’usine FaSinPat, ce qui signifie Fábrica Sin Patrones (usine sans patron). » commence-t-il par dire. Décrivant ensuite le fonctionnement de l’entreprise, il raconte que chaque secteur élit un coordinateur, ces derniers ce réunissent une fois par semaine et s’échangent leurs informations. Une assemblée générale mensuelle permet à tous les employés de prendre part à la prise de décisions. Alors plus de chef, plus de problèmes? Dans un premier lieu, tout se passe plutôt bien. Le nombre d’ouvriers passe même de 220 à 460. Mais la concurrence avec d’autres producteurs de céramique tels que la Chine et le Brésil,dont les prix sont 50% plus bas, ainsi que la crise économique, mondiale cette fois ci, ont obligé l’usine à réduire sa production de moitié.

Ce qui frappe dans son récit, c’est l’incroyable solidarité entre les différents membres de la sociétés. La coopérative FaSinPat a été soutenue tant par des étudiants que par d’autres ouvriers et entreprises. C’est le cas de Metroivas, entreprise responsable du métro de Buenos Aires qui leur a garanti  « qu’il l’arrêterait en cas de problème ». Ces aides ne sont pas unilatérales et FaSinPat fait beaucoup pour consolider les liens sociaux dans sa communauté. Elle a créé par exemple une école primaire et organisé un festival avec plus de 10’000 personnes. Ces actions permettent de consolider  la solidarité nécessaire pour avoir une bonne protection: lorsqu’un juge demande en 2003  au chef de la police locale s’il peut faire évacuer l’usine, ce dernier répond: « c’est impossible, ça créerait un chaos social! ». Et après 7 tentatives d’évacuation de l’usine en 8 ans d’occupation, on peut dire que l’option de la solidarité entre différentes composantes de la société (associations, syndicats, entreprises, collectifs ouvriers) est efficace.

Les questions du public sont nombreuses après l’intervention de Luiz Díaz: est-ce que la récupération d’entreprise est possible ici? A quel niveau de désespoir les gens seront-il prêt à tenter ce genre d’expérience? Mais l’ouvrier argentin n’a pas de réponse précise et dit ne pas être là pour donner des leçons : c’est aux travailleurs de trouver la voie qu’ils souhaitent suivre. Ces actions, lui et ses collègues les ont menées avec leur coeur, à l’instinct. Ce genre de chose ne se mesure pas. En Argentine,  entre 280 et 320 entreprises ont été reprises par leurs travailleurs. Il est évident que toutes n’ont pas aussi bien résisté que FaSinPat et certaines ont été cooptées. Les syndicats et des organisations comme le CETIM espèrent que l’expérience de Luiz Díaz permettra au travailleurs suisses de réaliser que la reprise et l’autogestion d’entreprises sont réalisables ici aussi et qu’elles sont une solution efficace pour faire face à l’immoralité du système actuel.

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Loïc

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