Islam et multiculturalisme

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Aujourd’hui, les dirigeants des principaux partis européens s’accordent pour dénoncer le multiculturalisme comme un angélisme ayant laissé la porte ouverte à une islamisation de la société. Ce faisant, le multiculturalisme devient un commode repoussoir idéologique permettant d’affirmer le nécessaire durcissement de la politique migratoire des démocraties occidentales.

Le multiculturalisme, sous sa forme de discours normatif, plaide pour l’abandon d’une perspective assimilationniste de l’intégration et promeut l’idée d’une nécessaire prise en compte par l’Etat de la diversité culturelle propre à sa population.

 

Ce type de discours, qui repose à la base sur le principe de tolérance, est aujourd’hui largement dénoncé par les partis politique dominants à l’échelle européenne, qui prônent la nécessaire réaffirmation de la prédominance de la culture nationale.

 

Pour illustration, l’on peut citer les récents propos de Geert Wilders, président du Parti pour la Liberté (PVV) aux Pays-Bas : « le problème de l’Europe est le relativisme culturel. Il fait que les Européens ne savent plus qui ils sont vraiment et de quoi ils doivent être fiers. Parce qu’une doctrine [le multiculturalisme] impose l’égalité de toutes les cultures. Je crois que nous devrions être fiers d’affirmer, par exemple, que notre culture est meilleure que l’islamique »[1].

 

Le récent brûlot de Thilo Sarrazin Deutschland schafft sich ab [2], popularisé par les thèses iconoclastes tenues par l’auteur sur l’immigration et le danger de l’islam, les propos subséquents d’Angela Merkel, et plus tard de Nicolas Sarkozy, proclamant tous deux la faillite de la société multiculturelle, la polémique qu’a suscitée Marine Le Pen en comparant les prières dans les rues des fidèles musulmans à l’occupation allemande, ou encore les déclarations de David Cameron affirmant la nécessité d’adopter un « libéralisme musclé » (muscular liberalism) en substitut à une politique multiculturaliste « favorisant l’extrémisme idéologique et contribuant directement au terrorisme islamique », ces diverses prises de position ont également contribué à politiser et médiatiser la question de l’intégration des étrangers, en particulier ceux porteurs de valeurs culturelles et religieuses dénoncées comme étant incompatibles avec celles de la démocratie libérale.

 

Le dénominateur commun de ces discours se trouve dans la dénonciation du multiculturalisme en tant que stratégie politique ayant « échoué » dans les objectifs d’intégration qu’elle s’était fixés ; notamment, en empêchant la nécessaire affirmation de la prédominance de l’identité nationale et en conduisant par-là même à un relativisme culturel nuisible à la cohésion de l’Etat-nation, le multiculturalisme aurait favorisé une islamisation rampante de la société.

 

D’autres illustrations de la « diabolisation » du multiculturalisme peuvent également être relevées dans le discours de politiciens suisses, quand bien même la Suisse, à l’instar de la France et de l’Allemagne, n’a jamais adopté de politiques d’intégration d’orientation multiculturaliste. Ce constat est à notre sens fondamental, car il révèle que le multiculturalisme devient un véritable repoussoir idéologique au sein de pays où des politiques s’en inspirant n’ont en fait jamais existé, et permet la légitimation d’un discours prônant le nécessaire durcissement de la politique migratoire.

 

Par exemple, lors du colloque parisien du 18 décembre 2010, baptisé « Assises contre l’islamisation de l’Europe », le conseiller national valaisan de l’Union démocratique du centre (UDC), Oskar Freysinger, a pu dénoncer le « dogme » et la « religion » du « multiculturalisme » et faire la promotion des référendums « anti-minarets » et pour l’expulsion des délinquants étrangers, tous deux approuvés par les électeurs helvétiques, et dont l’UDC avait été à l’initiative.

 

A ce propos, lors de la votation sur les minarets, il semble que la question n’était pas tant de savoir s’il fallait autoriser ou non la construction de minarets, mais bien plutôt de savoir si les valeurs culturelles et religieuses propagées par l’islam et incarnées par les individus de religion musulmane étaient compatibles avec celles de la société helvétique. Comme l’affirment Damir Skenderovic et Oscar Mazzoleni, « [les] prises de position de l’UDC tendent à véhiculer l’idée que les immigrants, en particulier ceux d’origine extra-européenne, seraient marqués par une distance culturelle insurmontable avec la nation suisse »[3]. En ce sens, via l’initiative sur l’interdiction des minarets, l’UDC s’est clairement positionnée sur la ligne de l’anti-multiculturalisme, voire même du monoculturalisme.

 
 


[1] Propos recueillis par l’hebdomadaire Der Spiegel, novembre 2010, et repris par lHebdo, n°51/52, décembre 2010, p. 48-49. 

[2] T. SARRAZIN, Deutschland schafft sich ab, Münich, Deutsche Verlags-Anstalt, 2010.

[3] O MAZZOLENI, D. SKENDEROVIC, « Contester et utiliser les règles du jeu institutionnel », in Ph. GOTTRAUX, O. MAZZOLENI, C. PECHU (dir.), L’Union démocratique du centre : un parti, son action, ses soutiens, Lausanne, Antipodes, 2007, p. 85.

Francis

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