“Il n’y a point de génie sans un grain de folie” Aristote.

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Petite présentation de la fondation de l'Art Brut à Lausanne.

Non, bande d’ignobles ignares alcooliques économistes fans de rock, il n’y a pas que Bertrand Cantat, le produit intérieur et le Champagne qui peut être brut(e) ; l’art aussi peut l’être. Ainsi, en plus d’accueillir un très bel hôpital psychiatrique, Lausanne accueille la fondation de l’Art Brut. Cela valait bien une petite visite, en ami.

Un étranger un peu inculte pourrait croire que le plus grand peintre Suisse est celui capable de faire la plus longue ligne droite possible à main levée ou encore que le grade de docteur en art n’est octroyé qu’à celui capable de reproduire un portrait fidèle de Wilhelm Tell. Or, loin de ces clichés, les plus grands artistes nationaux ont été ou sont des subversifs, des loufoques, des cas sociaux, des farfelus. Qu’on pense à Sophie Taeuber-Arp et son implication dans le mouvement dada, à Alberto Giacometti (théoricien de l’anorexisme), à Paul Klee (le peintre-poète bernois), à Hans Ruedi Giger (dessinateur de l’Alien qui a crée un bar à os dans le bourg médiéval de Gruyères), ou encore à Jean Tinguely et ses sculptures démentes. Vraiment, les artistes suisses sont des spéciaux. Jean Dubuffet, l’instigateur de cette collection, ne s’y est pas trompé en choisissant de transférer et léguer cette collection à la ville de Lausanne en 1975.  

Venons-en au vif du sujet. Autant les stars précédemment citées peuvent paraître extravagantes, autant la collection de l’Art Brut rassemble tout ce que l’art peut compter de barjots illuminés, de givrés inoffensifs, de peintres siphonnés et de sculpteurs complètement cintrés. Ces fadas sont attachants, autodidactes pour la plupart, leurs œuvres sont indemnes des traditions artistiques. Ils les conçoivent seul, le plus souvent dans la solitude de leurs pensées. Ils utilisent ce qu’ils ont sous la main : de l’huile, des coquillages, des déchets, de la craie, du tissu, du bois, leurs excréments… Ainsi que le disait Jean Dubuffet, il s’agit de « l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes les phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. »

On retrouve beaucoup de nationalités dans les murs de la fondation, signe que la créativité artistique dans les hôpitaux psychiatriques est universelle. Malgré tout, Adolf et Aloïse, tous deux Suisses, sont deux figures majeures de la collection, présents depuis le début. Aloïse Corbaz, vaudoise de son état, internée la plus grande partie de sa vie à l’asile de la Rosière à Gimel pour schizophrénie, s’est construit un amour imaginaire avec l’empereur Guillaume II qu’elle a immortalisé sur ses toiles, conçues avec du papier d’emballage. Adolf Wölfli, vrai Suisse puisque bernois, lui aussi interné une grande partie de sa vie, a été peintre, musicien mais aussi écrivain. Outre ses nombreux dessins, on doit à ce cher Adolf des théories scientifiques et religieuses, et une monumentale autobiographie imaginaire de 25000 pages modestement intitulée « La légende de Saint Adolf ».

La fondation présente aussi, et ce jusqu’au 22 août, deux expositions temporaires consacrées à deux artistes africains. Ataa Oko est Ghanéen. Tenez-vous bien, il a commencé sa création graphique à huitante-trois ans. Agé aujourd’hui de plus de nonante ans, il continue tranquillement son œuvre. Il dessine principalement des animaux colorés, des esprits qui lui rendent visite ou le quotidien de son village. Il a aussi fabriqué des cercueils en forme de poule ou de crocodile, j’ai personnellement déjà réservé le mien en forme de girafe. Frédéric Bruly Bouabré est un Sénégalais qui, après une vision céleste en 1948, s’est mis à dessiner et surtout écrire contes et poèmes. Sa démarche philosophique universaliste lui a fait élaborer un ingénieux alphabet de 449 pictogrammes capable de consigner les langues du monde entier !

Dans tout musée, on a ses coups de cœur. Les miens vont vers Gaspard Corpataux et Pascal-Désir Maisonneuve. Le premier est un Fribourgeois, ancien avocat, interné vers la fin de sa vie dans un asile. Du fond de son trou, il a calligraphié des lettres magnifiques à ses médecins ou aux juges. La sagacité avec laquelle il défend sa cause est admirable, lui qui se croyait fou de ne pas savoir pourquoi on le traitait de fou. Son délire logique est implacable, ses mises en page truculentes et ultra précises. Sacré Gaspard ! Pascal-Désir était un Français, mosaïste de formation et accessoirement anarchiste et anticlérical. Ce brocanteur atypique a façonné à 64 ans, à l’aide de gros coquillages, une quinzaine de visages de souverain ou d’hommes politiques comme la reine Victoria ou Guillaume II. Ses formes satyriques, devenues style à part entière, ont finement été intitulées « Les fourbes à travers l’Europe ».

Veuillez noter, amis cinéphiles, que vous pouvez voir dans le film Mammuth, actuellement à l’affiche avec Gérard Depardieu, une artiste du nom de Miss Ming qui serait toute à sa place dans cette collection de l’Art Brut.

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Loris

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