Dramelet sur fond de fric et de politique

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Les Lausannois votent ce dimanche sur la suppression de l’impôt de 14% sur le divertissement. La pièce de théâtre à laquelle la population est invitée est une simple histoire d’argent et de pouvoir. Explications

L’impôt sur le divertissement permet aux autorités communales de percevoir 14% sur le prix des entrées des événements culturels et de faire entrer 5,4 millions de francs dans les recettes financières de la ville. Dans un sens très large, les événements dits culturels concernent majoritairement les superproductions cinématographiques américaines et les nombreuses boîtes de nuits qui ont rapporté à elles seules 2,9 millions de francs en 2009, soit plus de la moitié du montant total. Ça c’était pour l’argent. 

En ce qui concerne le pouvoir, la proximité des élections municipales de mars 2011 et la configuration des forces politiques en présence exacerbent les appétits des différents acteurs politiques communaux. Ainsi, derrière cette initiative, qui supprimerait seulement 0,3% des rentrées financières, s’est profilée une bataille rhétorique entre des camps bien démarqués. Cependant, force est de constater que la hauteur des arguments de chaque camp n’atteint que rarement le débat de fond concernant un choix de société. 

L’appétit des gros producteurs de concerts romands.

Tout d’abord les promoteurs de la suppression. Ils regroupent les plus grands producteurs de concerts romands (Live Music production, Opus One), le Pool Lausanne la Nuit (MAD, D!Club, Amnésia, Atelier Volant, Loft, Bleu Lézard, Java, King size, Pur, etc.) ou encore le distributeur de films Pathé Suisse. Que des gens désintéressés, si ce n’est par la promotion de la culture, bien entendu. S’ajoutent à ces promoteurs, les petits cinémas indépendants aux intérêts très sectoriels. Le Zinéma qu’on aurait pu attendre dans le camp opposé a pris le pari d’une stratégie qui promeut la suppression de l’impôt afin de tenter de défendre son lopin de terre. Pas d’impôt, plus de films, qu’il dit. Il rejoint de la sorte la position des transnationales des multiplexs qui ont participé au démantèlement des petites salles de cinéma. 

Au niveau politique, la droite perdante des dernières élections lausannoises voit là l’occasion à ne pas manquer pour marquer des points tout en essayant de maintenir l’UDC à distance. Ainsi, les promoteurs arguent que dans la plupart des villes suisses l’impôt a été supprimé, que cet impôt est injuste pour le peuple, qu’il met la vie culturelle et associative en danger et que la municipalité de gauche s’accroche à un impôt désuet.

Que fait la gauche?

Dans le camp de l’opposition à la suppression, la municipalité ne veut pas perdre une manne financière, certes modeste, mais que le président du gouvernement vaudois n’aurait pas renié dans sa politique des petits sous. Cet impôt permettrait aux usagers non-résidents (plus de 50% du total) de participer au frais d’infrastructures de la ville de Lausanne et sa suppression n’entraînerait pas une chute des prix d’entrées des nombreux événements qu’elle subventionne, l’impôt y étant déjà inclus. 

C’est pourquoi, la municipalité a décidé de proposer un contre-projet indirect visant à exempter les associations à buts non lucratifs et proposant un fonds pour l’organisation de grands spectacles. Le projet est critiqué car mal ficelé et peu lisible. Mais que fait la gauche ? « Pitié, comme d’habitude » dirait Coluche. En l’occurrence, son argumentaire consiste à réfuter celui de la droite en criminalisant un cadeau qui serait fait à de riches marchands de divertissement. La culture lausannoise serait très vivante grâce à cet impôt, la patinoire de Malley n’accueillerait plus personne malgré la suppression de l’impôt à Pully, les promesses des promoteurs ne seraient pas crédibles et le montant de l’impôt représenterait l’équivalent des coûts de 200 places en garderies ou de 40 policiers.

La bataille a été lancée en 2002 par les initiants et ça ferraille dur sur fond de culture. On reprend la stratégie des présidentielles françaises et on invite les artistes. Ces derniers ont choisi leur camp pour la bataille rangée finale.

Quid de la culture?

Au centre des débats, on nous parle donc de culture. Mais de quelle culture s’agit-il ? Force est de constater que les promoteurs défendent des intérêts d’activités commerciales et des intérêts sectoriels. Les entrepreneurs du divertissement ont là l’occasion d’augmenter leurs recettes et de pénétrer de nouveaux marchés dont les structures actuelles ne leur semblent pas assez favorables. Par ailleurs, il serait également pertinent de se demander si les promoteurs qui se battent pour sauver la culture à Lausanne vont accepter la révision de la loi sur l’assurance chômage qui précarise les jeunes et les professionnels du spectacle. Alors certes, la ville de Lausanne a des améliorations à apporter en ce qui concerne le soutien aux cinémas indépendants et au monde du spectacle lausannois, mais cette initiative ne répond pas à ces attentes.

Par ailleurs, n’oublions pas que nous sommes dans une arène politique où un sujet monté en épingle est devenu un enjeu politique. La bataille est avant tout un échauffement pour les élections de 2011. La droite a absolument besoin de refaire son retard et s’y est préparée, notamment en faisant alliance avec ceux qui pourront financer leur campagne. Elle a déjà attaqué le municipal qui leur semblait le plus faible, Bourquin, pour tenter de récupérer son siège et elle a manœuvré faisant échouer le projet de Maison des associations. La gauche, elle, a répondu en ne représentant pas Bourquin aux municipales et en présentant une candidature de combat. Elle mobilise enfin ses troupes pour faire bloc et maintenir sa position.

Un choix de société ? Au final, les expériences précédentes montrent que les institutions subventionnées n’y ont ni gagné ni perdu, que les consommateurs n’en ont pas bénéficié sur les prix d’entrées et que les acteurs privés en ont été les principaux bénéficiaires. Les seuls perdants : les finances publiques.

Moi, si j’étais Lausannais… 

Pendant ce temps, dans les journaux…

Une « chicane contre-productive pour la vie culturelle et associative » qui a déjà été supprimée par toutes les grandes villes avec bonheur nous dit Le Temps.

Un impôt qui frappe surtout les activités commerciales et qui n’affecte guère la vie culturelle lausannoise nous dit Le Courrier.

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Sébastien

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