De la publicité verte? Lausanne craint pour ses salissures

Posté dans : Politique 4
L'engagement écolo de la Ville n'est-il pas de la poudre aux yeux? C'est la question que l'on est en droit de se poser suite à la réaction paradoxale des autorités face au concept novateur et responsable de deux jeunes Lausannois.

Un premier article pour le Lausanne Bondy Blog. Quel sujet choisir ? Plus précisément, en quoi Lausanne, ville où je vis depuis plus de dix ans, peut-elle m’inspirer un premier article ? L’interdiction des affiches UDC ? Déjà bien étayé. Non, Lausanne se démarque par bien d’autres caractéristiques. Une ville verte, peut-être ? Oui, une des premières villes romandes, voire de Suisse, à compter de nombreux élus verts parmi ses dirigeants. Point de départ. Surtout si l’on considère que cette ville, au service du développement durable et des idées novatrices en la matière, vient de refuser à deux jeunes entrepreneurs d’utiliser ses rues pour de la publicité… verte, justement !

Période de crise, un marché de l’emploi peu enclin à embaucher de jeunes diplômés à la fois inexpérimentés et à la recherche d’une première expérience, nombreux sont celles et ceux qui se sentent pris au piège à la sortie des études. Mais il en fallait davantage pour décourager François et Jean-Baptiste De Vevey, deux jeunes lausannois qui viennent de créer leur propre agence de communication à … caractère vert. Le principe fait penser au fameux œuf de Colomb : dessiner au sol à l’aide d’un jet à haute pression. Simplement. Il suffit de nettoyer une forme au contour bien défini. Résultat : une empreinte publicitaire apparaît durant quelques jours, le temps pour les Lausannois de découvrir puis recouvrir cette dernière de leurs traces de pas.

Or, quelle ne fut pas la stupeur de nos deux jeunes acolytes, lorsque les autorités lausannoises refusent de leur octroyer les autorisations pour utiliser le sol de la ville. Problème d’argent ? Pas le moins du monde. Simplement la crainte que ce genre de procédé mette en évidence la salissure des rues. A n’en pas douter, c’est là un argument surprenant de la part d’une ville se targuant de son orientation verte. En effet, on aurait pu s’attendre à ce que les autorités de Lausanne soient mieux placées que d’autres pour avoir une lecture plus approfondie du concept… vert ! Lorsque j’interroge François De Vevey sur le bien fondé de son agence, il répond spontanément: « Aujourd’hui le consommateur est intelligent. Il exige que les compagnies soient responsables ».  

Résumons. Deux jeunes lausannois, s’étant imprégnés des idées à caractère durable de leur génération, voient leur élan coupé par la ville même qui oriente depuis plusieurs années ses choix politiques vers le développement durable. Retenons encore qu’en cette période de crise touchant particulièrement la tranche de jeunes diplômés dont font partie les deux fondateurs de l’agence GreenGrafitti, l’Etat cherche désespérément à mettre en place des mesures pour atténuer les effets désastreux de la conjoncture sur ce segment de la population. Oui, il y a dans cette affaire un paradoxe. Le concept est-il peut-être un peu trop novateur ?

Marco Ferrara, journaliste au 20 minutes, interroge, dans le cadre de cette affaire, la présidente des Verts de la capitale vaudoise, Natacha Litzistorf. Celle-ci réagit: «il ne faut pas tuer l’innovation, surtout quand elle vient de jeunes et en période de crise». Depuis ? Rien ! Pourtant les propositions ne manquent pas pour l’agence GreenGraffiti. Au contraire, le milieu économique semble avoir davantage cerné l’opportunité que suscite ce nouveau procédé que ne l’ont fait nos autorités. Est-ce le nouveau visage de la Suisse ? Au top lorsqu’il s’agit d’économie mais au flop lorsqu’il s’agit de politique ? Car c’est bien là le problème. François Hauter, journaliste au Figaro, dépeint cette réalité: « À l’inverse d’une communauté d’affaires formidablement internationalisée, la classe politique sent l’étable ». Et Lausanne dans tout ça ? Une ville dépassée dans un pays qui trépasse ou une ville aussi fraîche, entreprenante et novatrice que la couleur dont elle prétend avoir marqué sa vision politique ?

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Samir Mezghiche

4 Responses

  1. Avatar
    Anonyme
    | Répondre

    Ce  concept existe depuis longtemps à l’étranger, il n’est pas lausannois.
    Il ne s’agit pas d’une démarche écologique faudrait voir un peu à creuser parce que ca sent l’étable et même le troupeau cet article.

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      Mezghiche
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      Bonjour,

      Je reviens àprès ces quelques semaines d’absences et avant de répondre aux commentaires suscités par mon article, je tiens à m’exuser auprès des intervenants de ma réaction tardive.

      S’agissant du concept de marquage au sol, ce dernier n’a, en effet, pas été crée par les deux jeunes lausannois. D’ailleurs, après relecture il ne me semble pas leur en avoir octroyé la paternité. Ce concept existe bel et bien depuis quelques années à l’étranger et, d’après mes recherches, deux entreprises concurrentes sont les premières à avoir eu recours à ce procédé. La première est anglo-saxonne et la seconde hollandaise. Cette dernière se nomme d’ailleurs, GreenGrafitti, maison-mère de la succursale implantée à Lausanne.

      Concernant l’aspect écologique, il va de soi que l’utilisation d’eau à des fins autres que celles de nos besoins primaires constitue un acte peu respectueux de l’environnement. Cependant, cet article insiste sur le concept de développement durable ce qui est sensiblement différent de concepts écologiques purs. La consomation et l’activité humaine entraînent inévitablement un recours aux ressources exagéré. Et, il est à mon avis irréaliste d’attendre de nos sociétés qu’elles changent de comportement du jour au lendemain. Or, de nouvelles attitudes peuvent déjà être adoptées. C’est d’ailleurs grâce à ces reflexes que nous pourrions petit à petit nous aligner sur des comportements en harmonie avec notre environnement. GreenGrafitti a pour pour politique de compenser chaque litre d’eau utilisé lors de ses compagnes en récoltant un litre d’eau filtré au Brésil en partenariat avec l’ONG AS-PTA. Je t’invite à faire un saut sur le site et à t’informer par toi-même. En ce qui me concerne, je connais très peu d’entreprises dans le secteur du service et encore moins dans la publicité ayant autant de conscience et d’engagement dans le développement durable. Venant de jeunes lausannois, j’estime que la ville de lausanne, plus que toute autres, devrait les encourager.

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    nicolas
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    Aujourd’hui, partout, les annonceurs se démènent pour combler de pubs l’espace visuel et acheter les dernières parcelles de cerveaux encore non lobotomisés des consommateurs et consommatrices; autrement dit, réussir à capter leur attention. C’est vrai que la tâche est de plus en plus ardue. Bravo à celles et ceux qui trouvent des solutions. La publicité au sol, fallait y penser. C’est vrai qu’il s’agit sans doute là de la plus grande surface encore inutilisée (ciel mis à part, mais là c’est plus compliqué).

    La pub (en général mais également dans ce cas précis) est une pollution au même titre que celles qui détériorent l’air, l’eau ou la terre; elle détruit l’environnement. Et c’est une pollution particulièrement polluante puisqu’elle pollue à tous les niveaux; au niveau de sa conception, de ces objectifs, de sa réalisation, des moyens qu’elle implique et surtout du modèle marchand qu’elle contribue à propager et à renforcer. Le plus fort dans tout ça, c’est encore de réussir à la faire passer pour ce qu’elle n’est pas: une pratique écologique!

    A l’heure où les scénarios les plus terribles sont envisagés dans la crise environnementale mondiale, où les solutions crédibles au niveau international semblent hors de portée, où des populations, rendues déjà très vulnérables par le système économique mondial inégalitaire, “font connaissances” avec les premières conséquences climatiques du mode de vie occidental (prôné par la publicité), parler d’une initiative qui vise à dessiner des pubs au karcher sur du bitume comme d’une action écolo ça rassure. On est pas passé loin de sauver la planète. Heureusement que les milieux économiques ont perçu le potentiel de l’affaire. C’est pas perdu pour tout le monde.
     

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      Mezghiche
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      Hello,

      Tout d’avord merci pour ton commentaire. Je me serais presque crû face à un texte d’économie politique internationale façon canadienne à la Robert Cox (mon courant de pensée favori), encore que l’excellent cours du professeur d’histoire internationale en SSP à l’UNIL, j’ai nommé le professeur Sébastien Guex, m’a également traversé l’esprit. Que dire? Oui, nos vivons dans un monde capitaliste. Mais encore? Non, je ne suis pas le suppo du capitalisme en encourageant deux jeunes lausannois pour les raisons citées dans mon article mais également celles en complément dans ma réponse au premier commentaire.

      Par ailleurs, je t’invite à reconsidéer ton propos sur la publicité. Nous n’avons, en effet, pas la même conception. Mais de là à considérer les choses en blanc ou noir, je trouve ça un peu facile, mais en tant qu’anticapitaliste convaincu. La publicité est un outil, rien de plus. Pour faire court, un simple couteau qui peut de te servir soit à cuisiner soit à tuer. C’est l’utilisateur et à son état d’esprit qu’incombe la responsabilité et non à l’outil. Vivant, comme tu l’as si bien peint, dans une ère on ne peut plus capitaliste justement, il est clair que bon nombre de pratiques, fussent-elles angéliques au départ, sont aujourd’hui assujéties aux penchants et aux travers des hommes et femmes vivant à l’ére…. capitaliste! Eh oui!

      La publicité a toujours existé. Le journalisme en soit est une sorte de publicité. Comment ferions pour faire circuler le savoir et l’opinion auprès de plus de 6 milliards d’êtres humains? Parfois, la publicité a permis aux meilleurs pratiques (droit de l’homme, etc.) de pérenniser en certains endroits. Pourquoi ne deviendrait-elle pas l’outil du développement durable, des idée émanants du courant de Susan Strange ou Carl Cox ou d’autres? Bref, deux jeunes lausannois qui compensent chaque litre d’eau utilisé par leur entreprise (secteur des service!!!), je trouve sincèrement qu’il vaille la peine d’encourager cette état d’esprit.

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