Cet asile qui rend fou

Cet asile qui rend fou

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Dans son rapport 2009, le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) explique les bienfaits de l'immigration. La Suisse, elle, voit toujours cette dernière comme un problème. Preuve en est avec les enfermements de migrants et leurs reconduites à la frontière, des procédés souvent jugés inhumains.


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Le 30 octobre, le collectif Droit de rester pour tous et toutes donnait une conférence de presse à Lausanne. Elle visait à faire connaître et à dénoncer plusieurs cas de requérants du canton de Vaud qui, ces derniers mois, ont été enfermés à la prison de Frambois (GE) en vue de leur expulsion. Menottés pieds et mains, transbahutés dans des fourgons cellulaires, avec pour toutes affaires ce qu’ils avaient sur eux au moment de l’arrestation, c’est ainsi qu’ils se retrouvent en cellule, entourés de matons. Un emprisonnement qui peut durer jusqu’à 18 mois consécutifs. Puis, le jour du départ forcé arrive. Il reste douloureux, non seulement parce qu’il survient – dans bien des cas – quand le migrant aurait pu aspirer à une régularisation, mais aussi parce qu’il brise des liens familiaux. Le LBB a voulu vous relater ici, trois cas parmi d’autres…


Son fils, sa bataille, fallait-il qu’il s’en aille?

Des parents vivant depuis plus de 20 ans dans le canton de Vaud (actuellement avec permis C) et une sœur née sur le sol helvétique (détentrice d’un passeport rouge à croix blanche), ne sont apparemment pas des critères valables pour qu’un fiston-frérot puisse prétendre rester au bord du Léman. Oui, avoir toute sa famille proche en Suisse n’empêche pas un vol spécial, aller simple. Il y a un mois, Sylvain*, 29 ans, en a fait l’expérience.

Ce Congolais dépose deux demandes d’asile, l’une lorsqu’il a 16 ans et l’autre neuf ans plus tard. En vain! Toutes deux se soldent par une réponse négative. Invoquant la protection des données, l’Office fédérale des migrations – qui décidément ne cessera pas de nous surprendre! – refuse de commenter ses décisions…Sylvain devient donc le «sans statut de la famille». Dans ce brouillard administratif pointait malgré tout un rayon de soleil : depuis plus de 5 ans à Lausanne, une vie sans histoire, ce jeune homme aurait pu déposer une demande de régularisation humanitaire…Mais, le brouillard est tenace aux bords des rives lémaniques. Quand il s’agit d’expulser, le canton n’a pas le temps d’attendre la mise en place d’une telle démarche. Durant le mois d’août, Sylvain est coffré et placé dans la prison de Frambois. Son délit ? Avoir osé migrer un jour.

Fin septembre, il devait subir une intervention chirurgicale suite à son épaule déboîtée lors d’un travail dans un foyer de l’EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants). L’opération est annulée. Pour les autorités, une luxation n’est pas mortelle, il n’aura qu’à se faire soigner «chez lui» en RDC. Tellement plus pratique…Début octobre, sa mère peut lui dire – non sans négociations – un bref au revoir dans les locaux de la police cantonale vaudoise, à la Blécherette. Lausanne comme ultime étape avant un trajet-fourgonnette jusqu’à Zürich. Départ Kloten, destination Kinshasa : good bye mama!

Pas de papiers, pas de papa!

Voilà plus de dix ans que Phil*, ressortissant du Congo, vit à Lausanne. Au bénéfice d’un permis N, il a toujours travaillé. Enfin…jusqu’en 2009. Parce que suite à l’application des nouvelles lois restrictives sur l’asile, ce requérant s’est vu frapper d’une interdiction de travail et a été mis à l’aide minimale, l’aide d’urgence. Toutefois, en s’appuyant sur l’article 14 de la Loi sur l’asile**, il tente de demander un permis de séjour. Le canton de Vaud l’accepte mais, malheureusement pour lui, Berne le rejette.

Si les “refusés à l’asile” perdent de nombreux droits (tels que celui au travail, à l’aide sociale, ou encore, bientôt au mariage), précisons tout de même qu’ils ont encore le droit de faire l’amour. Le 11 septembre dernier, Phil devient papa et entame directement les démarches de reconnaissance de son fils. Le bonheur est de courte durée. Un mois plus tard, le jeune père est arrêté à son domicile. Depuis, il est derrière les barreaux de Frambois en attendant un vol programmé vers le Sud. Sa compagne, elle, a reçu – pour l’instant – un permis F. Elle peut donc, si elle le souhaite, rester en Suisse avec son nouveau-né. C’est dans ces moments-là qu’on pense aux droits de l’enfant édictés par l’ONU, tels que le droit à la vie de famille et le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux…

T’as voulu voir ta sœur et on a vu les flics, comme toujours…

Pour échapper à l’enrôlement dans l’armée, Zélie*, 21 ans, quitte l’Erythrée. Débarquée dans un port italien, la déserteuse est contrainte de laisser ses empreintes digitales avant de poursuivre sa route, direction la Suisse. Elle dépose donc sa demande d’asile dans notre douce Helvétie, il y a tout juste un an. Or, la réponse administrative est sans appel : NON. Le motif de ce refus? L’application de la Convention Dublin, rentrée en force depuis décembre 2008. Celle-ci permet de renvoyer un migrant vers le dernier “Etat Dublin”, par lequel il aurait transité. Ainsi, pour cette exilée, ce n’est pas Berne qui doit mener la procédure d’asile, mais bien Berlusconiland.

Juin dernier, au petit matin, la police déboule sans crier gare dans sa chambre, au centre d’hébergement de Bex. Niveau réveil-matin, on peut rêver mieux! Menottée sur-le-champ, elle est embarquée, en pyjama, par les flics. Pas le temps pour les adieux, pas le temps pour la valise.  Expulsée, elle se retrouve en tenue de nuit, sans argent, sans personne pour l’accueillir, dans les rues de Rome. Elle y subit, comme on peut l’imaginer, de graves traumatismes…

Après un mois d’errance en Italie, la jeune femme arrive à regagner la Suisse où elle redemande l’asile. Cette fois, elle est placée au centre d’aide d’urgence de Vevey. A part ce changement géographique, rien ne change : son histoire mène toujours à Rome. Octobre passé, rebelote : réveil par des policiers, embarquement et menottes. Par chance, le “retour à l’expéditeur” est évité grâce à la vigilance de la Coordination Asile et au mandataire de Zélie.

A la peur constante d’un nouveau départ et au choc de son exil et de ses expulsions, s’ajoute encore une inquiétude de taille. Depuis son retour d’Italie, cette migrante Érythréenne reste sans nouvelle de sa demi-soeur (qui avait migré en même temps qu’elle, pour les mêmes raisons). Qu’est-il arrivé à cette dernière? Prison suisse? Renvoi forcé dans la botte européenne? Vol en charter via Asmara? On ne sait…mais, en tout cas, rien de très réjouissant…

 

Florence Métrailler

 

* Prénoms fictifs

** L’article 14 de la LAsi signale que le canton peut octroyer une autorisation de séjour si “le refusé à l’asile” est là depuis 5 ans en Suisse, qu’il a toujours été connu des autorités et qu’il est intégré à la société réceptrice.

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