CdL 55 : Sam est décidément un personnage très sympathique

CdL 55 : Sam est décidément un personnage très sympathique

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Les Chroniques de Lausanne - chapitre 55 : Où nos protagonistes ne sont pas éminemment d'accord entre eux.

CdL 55Résumé des épisodes précédents : C’est la première soirée d’Anne dans la coloc, et j’ai raté le déménagement (enfin, je l’ai évité). En plus de ça, j’ai raté la grosse discussion entre Max et Millia. Heureusement, je suis là ce soir pour profiter du retour au calme. Enfin, c’est ce que je croyais…

En-fin ! Je sais pas comment il a fait, mais apparemment Max a réussi à se sortir la tête du cul. Ils sont assez discrets, les deux, mais là, assis à table, je remarque de temps en temps leurs mains qui s’effleurent un peu plus longtemps que strictement nécessaire en cas de rencontre fortuite. Je me demande comment ils font pour s’entendre encore après tout ce bordel, moi ça fait longtemps que je serais passé à autre chose. Arf, ça va lui faire du bien de sortir des plans cul avec lui-même un moment (si d’aventure il arrive à la sauter un jour, le connaissant ça devrait être autour d’octobre 2025 s’il ne pleut pas).

Les ésotéristes ont débarqué pour bouffer, et Ana me lance un regard entendu en voyant Max rougir chaque fois un peu plus rouge. Je jette un œil à la nouvelle coloc’, plutôt baisable malgré son look étudiante-en-lettres-de-quatrième-année, les sapes qui pendent, les breloques. Parmi tous ces cartons que je n’ai pas aidé à monter (lol !), je suis sûr qu’elle doit en avoir un entier de foulards, keffiehs, châles et pashminas assortis, mais oui on a bien vu qu’à 25 balais t’as jamais dû porter un bleu de travail, ma belle.

Ca cause bas. Les pâtes-au-thon-de-la-mort-qui-tue d’Emilien, qui m’a jeté un petit air de reproche sur mon arrivée tardive au déménagement – mais s’ils avaient fini quand je suis arrivé, c’est bien qu’ils avaient pas besoin de moi – ont encore calmé tout le monde, j’en suis à mon deuxième bol (il est pas rancunier comme ça, Emilien, il paye à bouffer même s’il est vénère).  Je me demande dans quel monde ils vivent, les deux : Tu peux pas être aussi gentil sinon tu te fais bouffer, tout le monde sait ça, putain, si tu laisses tout passer, les gens passent. Ces trucs c’était cool au Gymnase, ça passait encore, mais là… Max, c’est quand même le type, même son psy le rappelle pas… La lose lui colle aux basques, et il est content, presque fier en fait. Et Emilien, pareil. Y a un type qui le tabasse, il se casse, le type le retrouve et quand on lui propose de le coincer dans un parking ni vu ni connu, c’est aussi sacrilège que si tu disais que t’avais vomi dans l’Arche d’Alliance après une Bar-Mitzvah trop arrosée.

« Ouais, je voulais vous dire, lâche Max sur la pointe des pieds à Anne et moi, ça vous dérangerait si on héberge Sal genre un mois ?
-Sal, genre Sal ? Sal le tox ? (Ah bah voilà, je me dis, il manquait plus que ça.)
-Ouais, je me disais… Enfin, je croyais qu’on pourrait lui filer un coup de main. On a la place, et il aime bien les comics, le gars il a nulle part où aller.
-Donc il a qu’à venir chez nous, quoi.
-Ben, ouais. Je pensais que ça lui permettrait de se retaper un peu. En plus il est sympa.
-Ouiiii, évidemment, il est sympa. C’est un peu le tox sympa, celui qui ne te vole pas ta stéréo pour se payer son prochain fix.
-Je peux savoir qui est Sal le tox ?, demande Anne.
-Ben tu vois, c’est un type qu’on a trouvé en train de se faire planter sous-gare avec les potes. Dès que nous nous vîmes, nous nous plûmes, et évidemment une chose en a entraîné une autre, et il va venir habiter chez nous.
-Je pensais juste lui proposer, lâche Max.
-Oui oui oui, il faut lui proposer, il a sans doute un meilleur plan. Je crois qu’il y a un programme au Palace, la suite présidentielle est gratos pour les toxicos blessés… (Je pouffe, personne ne me suit, c’est pourtant la Maman de toutes les idées à la con).
-Je sais pas, fait vaguement Anne, c’est pas un peu…
-C’est un plan à la con ! (il faut que quelqu’un le dise, et vite !)
-Ah, OK, donc on en parle pas (et elle baisse la tête, manifestement elle sait pas tellement se battre, toujours bon à savoir).
-Ben si, en fait, on va en parler, fait Max, (et il y a un truc dans sa voix qui n’est pas trop là d’habitude. Et ça, ça veut dire que c’est pas comme la fois où il a voulu qu’on devienne autonomes, il y a vraiment réfléchi).
-Genre, on va en parler maintenant. Je vais prendre un exemple à la con, mais Anne, par exemple (il la désigne à peine et il rougit, évidemment). Anne, on te connaît pas très bien, par exemple qu’est-ce qui nous dit que tu vas pas un jour te barrer avec le pognon des courses et 5 ou 6 ordis ? Je sais que c’est pas un bon exemple, parce que tu connais Millia depuis longtemps et tout et tout, mais tu vois ce que je veux dire, non ?

Anne hoche la tête, Amandine a levé la tête girafe-staïle quand elle a entendu « 5 ou 6 ordis », je sens que je suis en train de perdre la conversation, là.

-Enfin c’est un plan à la con, reconnais-le.
-Bof, je trouve pas ça si con, en vrai.
-Mais on le connaît pas, ce type !
-Et comment on connaît les gens en général ? Je t’ai vu toi débarquer chez des tas de nanas qui te connaissaient pas tellement non plus. Et tu t’es jamais tellement posé de question.

(Merde, il marque un point, là, et même si je me suis jamais barré de chez une meuf avec sa télé sous le bras, j’ai 2-3 t-shirts dans mon placard qui sont de douteuse origine).

-Mais je me connais, je sais bien que je vais pas faucher des trucs, sérieux !

(Parce qu’un peu de mauvaise foi n’a jamais vraiment fait de mal à qui que ce soit. Bon, il faut que je contre, et vite.)

-Et ce qui est arrivé à ta Tante, t’en fais quoi ?
-Mais j’en fais rien, moi, qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ? Tu l’as entendue, même elle, elle a pas compris ce qui s’était passé, elle était plus ou moins convaincue que c’était un accident. Et elle est sans doute mieux assurée que Sal…
-Mais écoute ce que tu dis, bordel ! Ces mecs-là, c’est des paumés, c’est pas en leur faisant lire tout Sandman ou l’intégrale des X-Men que tu vas aider qui que ce soit ! Il faut un cadre, un truc.
-Mais il a déjà commencé une désintox, il est en ambulatoire, là. C’est pas difficile de lui demander.
-Il est déjà en traitement ?, demande Anasthasie (qui choisit bien son moment pour venir foutre ses pieds dans le plat).
-Ben oui, ils l’ont désintoxiqué à l’hosto. Si ça tient, ça pourrait être cool pour lui, non ?
-Mais est-ce que tu vas m’expliquer comment tu fais pour ramasser comme ça tous les chiens sans collier de Lausanne ? T’en as pas assez de passer pour les services sociaux ? T’as un taf, maintenant.
-Ben justement…
-Oh, épargne-moi ta culpabilité de petit privilégié, s’il te plaît. Ce que tu as, tu l’as gagné, pas besoin de pleurer sur toute cette vilaine injustice qui te fait gagner 100’000 balles par an.

Max baisse la tête. Anne lance dans un grand sourire à Millia « Ah. Donc c’est un bon parti. » (Tout le monde éclate de rire – allez vous faire foutre ! Je perds du terrain, là, petit à petit je cède. Il est temps de changer de tactique. Je profite de tout ça pour me composer, prendre la tête du type qui se fait du souci. Je tente le tout pour le tout et je tape là où ça fait mal).

-C’est pas Hans, ce type, mec…

Et là, évidemment, tous les yeux se tournent vers moi comme si j’avais pris deux fois du dessert à une soirée contre la faim dans le monde. Max me fixe, les yeux ronds. Il n’y a plus que Zelda qui continue à attaquer ses pâtes en tailleur sur sa chaise. Je fais semblant de recevoir un message sur mon téléphone (enfin un truc qui marche – on se console comme on peut).

-Je me casse. Anne, si jamais tu veux lui expliquer pourquoi c’est une mauvaise idée, c’est chez toi aussi. Mais je vous préviens, si ce type s’installe ici, je déménage. (Allez, allez, j’y suis presque…)

Ça aurait dû marcher. Ça ne pouvait que marcher. Franchement, une amitié de quinze ans, comme ça, c’est l’ultime argument, non ?

-Pour ce que tu es là ces temps-ci…
Je me lève en silence.

A suivre…

Photo CC e_monk

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